3e DIMANCHE DE PÂQUES (A) 2023
23 avril 2023
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Frère Marie-Jean BONNET
Accueil :
Bienvenue aux cheftaines qui offrent une semaine de leurs vacances pour se former, pour être plus compétentes pour faire grandir les jeunes qui leur seront confiés. Merci pour eux.
Quel bonheur, c’est toujours du bonheur pour moi d’entendre une foule qui chante de tout son cœur. C’est une certaine anticipation du Ciel. Nous sommes unis. Nous ne ferons que ça au Ciel de nous émerveiller et de rendre grâce, de louer le Seigneur, parce que, enfin, enfin, nous comprendrons que tout dans ses desseins, dans son action est sagesse et bonté. C’est vrai qu’aujourd’hui nos yeux, comme ceux des disciples d’Emmaüs que nous allons écouter, sont souvent aveuglés, sont souvent limités. Mais nous avons ce bonheur, cette grâce immense, chaque dimanche, de pouvoir nous rassembler, de pouvoir répondre à l’appel du Seigneur qui vient humblement mais réellement refaire nos forces.
Eh bien bénissons-le et bénissons-le d’abord pour la grâce baptismale qui nous incorpore justement à son mystère pascal, à son mystère de passage de la mort à la vie. Rendons grâce pour notre Baptême.
Homélie :
Ne sommes-nous pas souvent semblables à ces disciples d’Emmaüs ? Disciples de Jésus, nous aussi, de longue date parfois, il nous faut bien reconnaitre que les épreuves de la vie, épreuves personnelles, familiales, professionnelles, et les souffrances innombrables de notre monde d’aujourd’hui mettent à dure épreuve aussi notre foi, notre confiance en la présence agissante de Dieu, dans nos vies et dans la vie du monde, et notre foi en la puissance de la prière. Nous prions tellement pour la paix qui ne vient pas. Tout ça met à l’épreuve notre foi. Est-ce que c’est utile de prier ? Est-ce que le Seigneur écoute notre prière ?
Dans son audience générale du 5 avril dernier, le pape François remarquait : « Dans les cœurs de chacun, combien d’attentes déçues, combien de déceptions et encore cette sensation que le passé aurait été meilleur et que dans le monde, même dans l’Église, les choses ne vont plus comme avant. En somme aujourd’hui encore, poursuit-il, l’espérance semble scellée sous la pierre du désespoir. Et il ajoute, j’invite donc chacun d’entre vous à penser : Où est ton espérance ? As-tu une espérance vivante ou l’as-tu laissée scellée dans un tiroir ? »
Pour les disciples d’Emmaüs, nous le savons bien, tout était fini, tout était gâché avec la croix, et dans leur esprit, les choses n’auraient pas dû se passer ainsi. Ils buvaient ses paroles depuis sans doute un certain temps, et puis ils avaient vu tout le bien qu’il faisait, et avec puissance. Il donnait la vie, il semait la vie. Non, voilà, c’est l’échec total.
Tout comme Pierre un jour s’était violemment opposé à Jésus qui annonçait justement sa passion et sa mort. « Non, Seigneur, c’est impensable, enfin ça ne t’arrivera pas, ça ne doit pas t’arriver ! ». Et Jésus de dire aux disciples désespérés : « Ne fallait-il pas que le Messie souffrît tout cela pour entrer dans sa gloire ? »
La gloire de Dieu, ce n’est pas ce qu’on imagine. Ça n’a rien à voir avec la gloire humaine qui fait beaucoup d’esbroufe. La gloire de Dieu, c’est la manifestation de sa présence et de son amour, d’une présence qui est pleine d’amour et donc qui n’écrase pas, qui n’en jette pas plein la vue. Ce n’est pas ça, la gloire de Dieu. C’est, oui, la preuve, la manifestation, j’allais dire humble, de son amour, de sa présence amoureuse.
Dans le dessein de salut du Père et du Fils, la croix du Christ était le moyen de manifester aux hommes que l’amour de Dieu va jusqu’à l’extrême. Ce qu’a compris Saint Jean, après des années de méditation, en écrivant son Évangile : « Ayant aimé les siens, il les aima jusqu’à l’extrême. » Jésus, de fait, avait annoncé à ses disciples : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. »
Dans nos vies personnelles, familiales, communautaires, sociétales, nous pensons peut-être, plus ou moins confusément, qu’être disciple de Jésus nous épargnera les épreuves. Nous le souhaitons et puis après tout, souhaiter éviter la souffrance, c’est normal. Dieu n’a jamais voulu la souffrance de l’homme. Il ne la veut jamais. Oui, c’est normal.
Mais ne rêvons pas que nous serons épargnés de je ne sais quoi, parce que nous sommes disciples de Jésus. Le maître nous a bien dit que le disciple n’est pas au-dessus du maître. Lui, l’innocent total, a été broyé par les hommes. Comment un disciple de Jésus pourrait-il rêver d’être épargné par les épreuves de la vie ? Et il nous a même annoncé des persécutions à cause de lui. Et nous savons bien, j’allais dire hélas oui, parce que c’est d’abord et objectivement un mal, une injustice terrible que cette persécution qui se déchaine contre tant de chrétiens aujourd’hui. Jésus nous l’avait annoncé. Il est signe de contradiction.
Mais ce qu’il nous a promis, non, ce n’est pas d’être épargnés par les épreuves, mais c’est d’être avec nous dans ces épreuves, d’être avec nous tous les jours. Et comme pour les disciples d’Emmaüs, il nous rejoint dans nos vies de tous les jours, mais tout spécialement, lorsque notre cœur est dans le noir. Il nous rejoint, mais de façon inattendue, souvent déconcertante au sein de nos épreuves, oui, pour éclairer enfin notre cœur, ressusciter notre espérance, et nous remettre en marche avec lui et pour lui.
Le pape François, dans cette même audience du 5 avril, que je vous invite à lire, parce que personnellement elle m’a beaucoup touché, je trouve qu’elle nous rejoint, c’est pourquoi je l’emprunte largement.
« Dans la Croix se concentrait la fin de tout, dans l’esprit des disciples, à commencer par Pierre. Dans la Croix se concentrait la fin de tout, mais peu de temps plus tard, les disciples allaient découvrir dans la Croix justement un nouveau départ. L’espérance de Dieu germe de cette manière, elle nait et elle renait dans les trous noirs de nos attentes déçues. Pensons justement à la Croix, poursuit-il, c’est de l’instrument de torture le plus terrible, que Dieu a pris le signe le plus grand de l’amour. Ce bois de la mort est devenu l’arbre de vie, et nous rappelle que les débuts de Dieu commencent souvent avec nos fins. Voilà comment il aime accomplir des merveilles. »
Nous savons bien combien ce chemin d’Emmaüs, nous l’avons entendu souvent et c’est tellement juste, nous savons combien ce chemin d’Emmaüs, sur lequel justement Jésus rejoint ses disciples découragés, et ce chemin d’Emmaüs évoque le chemin de l’Eucharistie. Et ce chemin de l’Eucharistie est la grande pédagogie du Seigneur, pour ressusciter nos cœurs et notre espérance.
C’est pourquoi l’Église, et dès les premiers temps apostoliques, a saisi, a compris qu’elle était convoquée, c’est ça que veut dire l’Église qu’elle était convoquée par son Seigneur ressuscité, chaque dimanche, chaque semaine pour faire mémoire de cette résurrection afin que nos cœurs, par l’Eucharistie ressuscitent de tout ce qui les alourdit, de tout ce qui les écrase.
On parle souvent évidemment de la liturgie de la Parole que Jésus vit avec les disciples d’Emmaüs, en leur ouvrant l’esprit à l’intelligence de l’Écriture qui annonçait mystérieusement, effectivement, ce mystère pascal du serviteur de Dieu, et puis de cette fraction du pain que Jésus vit aussi avec les disciples, et qui leur ouvre les yeux.
Et peut-être, on oublie un peu parfois la première partie aussi, qui est, d’ailleurs Jésus fait preuve aussi d’un petit peu de, j’allais dire de malice, ce n’est pas ça, ce n’est pas le terme sans doute qu’il faudrait, mais en tous cas d’un certain humour. Il est déconcertant c’est vrai, il fait semblant de ne pas être au courant. Et du reste, je trouve déjà que le fait de leur demander de quoi ils parlent, ce n’est pas très…, enfin, on ne ferait pas ça quoi ! Alors je ne sais pas, en Orient, peut-être que c’est courant. Mais enfin, de s’approcher de gens qui marchent et de leur dire « de quoi vous parliez », je n’oserais pas faire ça.
Jésus nous déconcerte, mais c’est lui qui a raison. Il sait ce qu’il fait, et il fait celui qui ne sait rien qui n’est au courant de rien. Il se laisse traiter d’étranger, sans réagir, et ceci pour qu’ils vident leurs sacs, pour qu’ils disent tout ce qui écrase leur vie, leur cœur, toute leur déception, toute leur amertume, et sans doute aussi leur colère, leur révolte. Jésus ne court-circuite pas cette étape.
J’aime y voir le sacrement du Pardon qui nous prépare à vivre avec fruit l’Eucharistie, la liturgie de la Parole et la liturgie de l’Eucharistie du Corps livré. Car dans le sacrement du Pardon, nous sommes appelés aussi à nous laisser, à laisser Jésus mystérieusement faire la lumière, lui offrir tout ce qui pèse lourd dans nos cœurs, tout ce qui nous a abimés, tout ce qu’on ne comprend pas, toutes nos révoltes. Voilà, lui donner tout ça.
Et alors ça nous met une fois, il le sait Jésus, pédagogue, évidemment, éminent, et une fois qu’on a pu vider notre sac de lourdeurs et de péchés, on est en état de nous laisser enseigner par sa Parole qui va redresser notre manière de voir. Oui, Dieu est toujours au-delà de ce dans quoi on l’a enfermé, de ce qu’on lui a dit qui était bien de faire pour nous. Il sait mieux que nous, et ce qu’il fait est toujours sage et bon.
Alors, oui, cette Eucharistie qu’il nous est donné de pouvoir vivre, chaque dimanche et plus souvent, quand on le peut. Il y a pas mal de chrétiens qui découvrent l’Eucharistie, qui en ont faim. J’aime à rappeler, je l’ai dit ici déjà plusieurs fois, que le père Caffarel qui parlait à des couples, qui étaient comme tous les couples au sein du monde, disait que l’Eucharistie quotidienne, en 1947 par-là, l’Eucharistie quotidienne, vous êtes bien assis ? « L’Eucharistie quotidienne c’est le régime normal d’un chrétien normal ». Vous vous rendez compte, je répète : « L’Eucharistie quotidienne, c’est le régime normal d’un chrétien normal ! »
Le père Caffarel qui, sans doute sera béatifié un jour, parlait à des couples. Bon, alors, je ne dis pas que tout le monde peut vivre ça. En tous cas, ça doit nous laisser réfléchir. Et que la messe dominicale, c’est le minimum que le Seigneur sait dont nous avons besoin pour ressusciter nos cœurs chaque semaine. Eh bien qu’il en soit ainsi !
AMEN