LE SAINT-SACREMENT C (Messe et Vêpres) 22 juin 2025

22 juin 2025

  • Monseigneur Matthieu DUPONT, évêque de Laval Monseigneur Matthieu DUPONT, évêque de Laval

intégralité de la Messe de la Fête-Dieu sur youtube et des Vêpres de la Fête-Dieu 

Homélie retranscrite non relue

Accueil : [Frère Omer]

Bienvenue Monseigneur, nous sommes heureux de vous accueillir pour cette édition de la Fête Dieu, au Prieuré. Etant habitué à la maison, étant habitué aux Frères, je pense que c’est la première fois que vous présidez la Fête Dieu au Prieuré. Une portion de votre Église diocésaine est représentée ici. Passer cette journée avec nous, pour nous, Frères, laïcs présents, c’est passer cette journée avec notre Pasteur, pour entendre ce que votre cœur veut nous dire. Nous savons que l’Esprit vous habite depuis votre Baptême et encore profondément à votre Ordination épiscopale, et nous serons heureux de nous mettre à votre école.

Bienvenue Monseigneur, et bienvenue à toutes et à tous.

 

Homélie : [Monseigneur Dupont]

« J’ai moi-même reçu ce qui vient du Seigneur, et je vous l’ai transmis. » C’est par ces mots que Saint Paul nous dit ce qu’il a reçu, d’une part, et ce qu’il nous a transmis, c’est-à-dire ce mémorial de l’Eucharistie, ce que nous célébrons, aujourd’hui particulièrement, deux dimanches après Pâques.

« J’ai moi-même reçu ce qui vient du Seigneur, et je vous l’ai transmis. » J’aimerais avec vous ce matin entrer, entrer dans cette transmission, ce que nous avons reçu et ce que nous sommes appelés à transmettre. Et peut-être m’appuyer, une fois n’est pas coutume, sur la première oraison que j’ai priée, il y a quelques instants. Souvenez-vous, j’invoquais le Seigneur en ces termes : « Tu nous as laissé le mémorial de ta Passion, donne-nous de vénérer avec une telle ferveur les Saints Mystères de ton Corps et de ton Sang, que nous puissions goûter sans cesse en nous le fruit de ta Rédemption. »

Peut-être s’appuyer sur cette oraison très ancienne, celle qui a traversé les siècles, pour redécouvrir ce qu’est l’Eucharistie. Et notamment, redécouvrir que l’Eucharistie est faite pour vivre du projet d’amour de Dieu. Et pour cela, nous appuyer sur ces trois regards que cette oraison nous offre sur l’Eucharistie. D’abord, l’Eucharistie est un mémorial. Ensuite l’Eucharistie ce sont ces Saints Mystères du Corps et du Sang. Enfin, nous sommes appelés à goûter, goûter sans cesse en nous le fruit de la Rédemption. Un mémorial, des Saints Mystères, pour goûter.

Un mémorial. Nous l’avons entendu et nous le savons, Jésus, juste avant de mourir, a pu dire : « Faites cela en mémoire de moi. » C’est-à-dire que ce que nous célébrons, c’est la mémoire de Jésus selon sa volonté.

Qu’est-ce qu’un mémorial ? Nous entendons bien sûr le mot mémoire, mais c’est bien plus que cela. Dans la Bible, le mémorial était souvent une stèle, une pierre qu’on érigeait à un endroit pour se souvenir. Se souvenir de quoi ? D’un évènement de salut, de se souvenir de l’action de Dieu et de se souvenir de cette action pour toujours. La pierre nous rappelait sans cesse que Dieu a agi et que Dieu agit. Quelque part ce mémorial, dans l’ancienne alliance, c’était se souvenir que Dieu continue d’agir. Il y a comme une présence que cette pierre rappelait au peuple d’Israël.

Alors bien sûr, pour nous, c’est bien plus qu’une pierre, c’est Jésus lui-même qui choisit de se rendre présent à son Église. Il y a comme une actualité sacramentelle que l’Eucharistie permet, actualité de la mort et de la Résurrection du Christ. Nous devrions approcher de l’Eucharistie avec crainte et tremblement, car c’est Dieu lui-même qui se rend présent pour nous.

Bien sûr, cela peut nous paraître un peu obscur car nous sommes habitués. Mais il nous faut, je crois, nous souvenir. Nous souvenir par exemple qu’un souvenir, pour le coup humain ou personnel, peut encore agir sur nous. Je pense par exemple à la photo, la photo d’un être bien-aimé décédé qui peut encore nous faire pleurer. Si une photo peut encore nous toucher, vous imaginez bien comment Jésus lui-même, présent dans l’Eucharistie, dans ce mémorial de sa mort et de sa Résurrection, peut nous bouleverser.

Ainsi ce mémorial, c’est ce que nous avons reçu et c’est ce que nous sommes appelés à transmettre. Mais Jésus lui-même se charge de la transmission. C’est pourquoi à chaque Eucharistie, nous proclamons la Parole de Dieu, non pas comme un apéritif, non pas comme un décor, mais comme le moyen que Dieu a choisi pour nous transmettre le sens profond de l’Eucharistie.

Le concile Vatican II nous rappelait : « Il est là présent dans sa Parole, car c’est lui qui parle tandis qu’on lit, dans l’église, les Saintes Écritures. » Il y a quelques instants, Jésus lui-même nous a parlé. Il y a quelques instants, il nous a donné le sens de ce que nous célébrons.

Alors ce mémorial, vous le mesurez bien, est un mémorial qui dilate, dilate notre cœur et que nous sommes appelés à recevoir. L’Eucharistie est un mémorial qui agit encore aujourd’hui. L’Eucharistie ce sont aussi ces Saints Mystères, ces Saints Mystères que j’ai invoqués, du Sang et du Corps de Notre Seigneur.

Qu’est-ce qu’un mystère ? Le mystère, aujourd’hui, est pour nous quelque chose d’un peu fumeux, d’un peu lointain, d’un peu brouillardeux, si j’ose dire. Le mystère dans la Bible, c’est ce qui est caché en Dieu. Le mystère dans la Bible, c’est le cœur de Dieu. Le mystère dans la Bible, c’est le projet d’amour de Dieu qui se révèle sur la terre. Ainsi les Saints Mystères sont ce projet de Dieu qui se dévoile pour nous. Et nous l’avons entendu dans l’Évangile : « Jésus parlait aux foules du règne de Dieu, et guérissait ceux qui en avaient besoin. »

Ainsi, lorsque nous célébrons l’Eucharistie, nous célébrons le déploiement du projet d’amour de Dieu, dans le temps et dans l’espace. Nous célébrons cet accomplissement qui se réalise dans le temps et dans l’espace, depuis 2000 ans. Le Christ est mort et ressuscité. Et en mourant et en ressuscitant, il nous révèle le cœur même de Dieu. Et il nous laisse l’Eucharistie, pour que ce déploiement se réalise dans le monde entier. Rien que cela. Ainsi, les Saints Mystères nous révèlent le cœur de Dieu et ils nous révèlent une présence agissante en notre temps.

Le Pape Benoit XVI, en 2005, aux jeunes rassemblés à Cologne, osait une image audacieuse que je nous redis. « Il s’agit d’une fission nucléaire, portée au plus intime de l’être, la victoire de l’amour sur la haine, la victoire de l’amour sur la mort. Seule l’explosion intime du bien qui vainc le mal peut alors engendrer la chaine des transformations qui peu à peu changeront le monde. » Eh bien, très chers frères et sœurs, par la mort et la résurrection du Christ, la victoire de l’amour s’est manifestée dans le monde. Par la célébration de l’Eucharistie, nous renouvelons cette fission nucléaire.

Peut-être qu’à la différence d’une fission nucléaire classique, elle ne peut malheureusement ne rien faire en nous. Car il nous faut l’accueillir au plus intime de nous-mêmes, et c’est peut-être le sens profond de la Communion. Par la Communion, nous laissons le Seigneur nous transformer ou non. Par la Communion, nous entrons dans le déploiement de la mort et de la Résurrection du Christ, dans le temps et dans l’espace. Les Saints Mystères sont révélation du mystère de Dieu, de son mystère d’amour, de l’action de Dieu dans nos vies et dans le monde.

Alors, mes frères, mes sœurs, il nous faut goûter, il nous faut nous asseoir, comme Jésus nous y invite dans l’Évangile : « Faites-les asseoir. » Non pas pour nous endormir, mais pour pouvoir goûter, goûter et d’abord écouter, écouter la Parole de Dieu, où Dieu nous dit qui il est et ce mystère que nous célébrons. Mais aussi, goûter de participer à l’Eucharistie.

Le Concile Vatican II écrivait à propos de cette participation : « Aussi l’Église se soucie-t-elle d’obtenir que les fidèles n’assistent pas à ce mystère de la foi, comme des spectateurs étrangers et muets, mais qu’ils participent, de façon consciente, pieuse et active, à l’action sacrée. » Ne soyons pas comme des pierres, assis sur nos bancs à attendre, peut-être pieusement, que cela se passe. Il nous faut, de façon consciente, pieuse et active, nous unir à ce qui est en train de se réaliser, dès le début de la messe.

« C’est-à-dire, poursuit le Concile, être formés par la Parole de Dieu, écouter, se restaurer à la table du Corps et du Sang du Seigneur, rendre grâce à Dieu. Qu’offrant la victime sans taches, non seulement par les mains du prêtre, mais aussi en union avec lui, ils apprennent à s’offrir eux-mêmes et de jour en jour. »

Il est dangereux frères et sœurs de venir participer à l’Eucharistie, car nous ne pouvons pas rester inactifs. Il nous faut, par les mains du prêtre présentant Jésus, nous offrir nous-mêmes, c’est-à-dire entrer dans ce projet d’amour de Dieu pour l’humanité. Il nous faut donc goûter, c’est-à-dire écouter, participer et profondément communier.

« La Communion, nous dit le Concile, est le sommet de la participation à la messe, le sommet le plus intime. » Lorsque nous communions, certes nous recevons Jésus en notre cœur, mais nous recevons la puissance d’amour de Dieu, cette fission nucléaire dont nous parlait le Pape Benoit XVI. Nous entrons dans une participation intime au projet de Dieu, c’est-à-dire à sa mort et sa Résurrection.

Alors n’ayez pas peur. N’ayez pas peur, car Dieu est infiniment délicat, infiniment bon. Mais peut-être que tout à l’heure, en allant communier, nous pourrions, dans le secret de notre cœur, nous laisser eucharistier. C’est-à-dire nous laisser prendre par la mort et la Résurrection de Jésus, pour nous unir au projet même de Dieu, non pas pour nous-mêmes, mais pour ceux qui en ont besoin au dehors. Tel est le projet de Dieu.

Alors très chers frères et sœurs, reconnaissons que l’Eucharistie est ce mémorial, cette actualité sacramentelle. Reconnaissons que l’Eucharistie nous révèle les Saints Mystères, c’est-à-dire le Mystère de Dieu, une présence agissante en nous. Et choisissons d’écouter, de participer et de communier intimement au projet de Dieu. C’est ce que nous vivons maintenant. C’est le sommet vers lequel nous tendons qui sera dans quelques instants la Communion.

AMEN

 

Intervention de Mgr Dupont pendant les Vêpres :

Homélie retranscrite non relue

« Ceci est mon Corps donné pour vous. » Cette brève parole de Jésus que chaque prêtre redit à chaque messe, nous l’entendons face au corps du Christ ressuscité, présent dans son Eucharistie. Il nous est bon, je crois, de l’entendre comme un renouveau profond ou un rappel profond de notre humanité.

« Ceci est mon Corps donné pour vous. » Le nouvel Adam, vrai homme et vrai Dieu, est celui qui nous redit, qui nous rappelle, que nous avons été créés à l’image de Dieu et que nous pouvons pleinement nous trouver uniquement dans le don désintéressé de nous-mêmes.

« Ceci est mon Corps donné pour vous. » L’homme se retrouve lorsqu’il se donne. Et Jésus, vrai homme et vrai Dieu, a choisi d’assumer, d’assumer pleinement cette logique de notre humanité. Nous sommes faits pour le don de nous-mêmes.

En contemplant l’Eucharistie durant cette Adoration, nous contemplons Jésus qui s’est donné jusqu’à la radicalité du don, c’est-à-dire jusqu’à s’anéantir. Cet anéantissement nous le considérons sous l’apparence de l’Eucharistie. Le Créateur du ciel et de la terre, le Fils de Dieu, s’est donné et se donne, dans cette humble hostie.

Ce don de lui-même éclaire le don de nous-mêmes. Nous sommes invités à notre tour non pas à nous anéantir, au sens qu’il nous faudrait disparaître, mais à considérer que la logique même de notre vie est celle de se donner. Donner dans notre état de vie quel qu’il soit : la vie consacrée, le mariage, le sacerdoce ou tout simplement par le baptême, nous donner.

Et nous le savons, c’est de cette façon que nous sommes pleinement humains, par le don de nous-mêmes. Il est heureux qu’à quelques instants de notre vie, nous goûtions cette plénitude de l’humanité lorsque nous nous donnons.

Être présent face à Jésus eucharistie, c’est choisir d’entrer dans cette logique du don que Jésus a vécu radicalement. Mais Jésus ne nous a pas simplement dit qu’il est donné pour nous, il nous a dit : « Ceci est mon Corps donné pour vous. »

C’est un appel à renouveler notre regard sur nous-mêmes, et particulièrement sur notre corps, quel qu’il soit : jeune, en bonne santé, âgé, handicapé. Notre corps est le moyen que Dieu nous a donné pour nous donner. Ce corps est fait pour les autres. Il est comme ce moyen, cette existence reçue pour nous donner. Ce corps peut être traversé par la fatigue ou au contraire par la force. Il est le moyen que Dieu nous a donné pour nous donner.

Alors face au Saint Sacrement, face à cette hostie que Jésus a choisie pour nous manifester le don de lui-même, à notre tour laissons-nous rejoindre, pour retrouver la noblesse de notre corps sans mépris, de pouvoir nous redire : par ce corps j’aide, par ce corps j’écoute, par ce corps je me donne, à l’image du Christ.

AMEN