23e Dimanche du Temps Ordinaire B 8 septembre 2024
8 septembre 2024
- Frère Philippe-Marie VAGANAY
ACCUEIL : [Frère Marie-François]
« Effata », ouvre-toi. Le Seigneur vient ouvrir les oreilles de notre cœur pour entendre sa Parole et pour nous donner de nous tenir en éveil dans cette mémoire du Seigneur et de garder au cœur de nos vies quotidiennes ses merveilles. Nous demandons cette grâce à la Vierge Marie, en ce jour où nous honorons aussi sa nativité. Pour bien célébrer ce sacrement de l’Eucharistie, nous reconnaissons que nous avons péché.
HOMELIE : [Frère Philippe-Marie]
Le passage d’Isaïe que nous avons entendu dans la première lecture est un appel à l’espérance. Le nom même d’Isaïe est en lui-même porteur d’espérance, et à lui seul tout un programme, car Isaïe, cela veut dire « le Seigneur sauve ».
A un moment où rien ne va plus pour le royaume de Juda, menacé au nord par Israël et la Syrie, menacé plus encore par le puissant Sennakérib, roi de Ninive, il semble que le mal doive toujours l’emporter. Les justes se sentent impuissants à changer le cours des choses. C’est alors qu’Isaïe, conseiller des rois de Juda, apporte un message d’espérance : « Dites aux gens qui s’affolent, soyez forts, ne craignez pas, voici votre Dieu. Il vient lui-même et va vous sauver. »
Ce message d’Isaïe semble fait pour aujourd’hui, alors qu’il nous semble impossible d’enrayer le déferlement du mal et des forces de destruction dans notre monde : mariage homosexuel, avortement inscrit dans notre constitution, imposition du LGBTQ à tous les niveaux de la société, au monde du travail, à l’école, volonté de guerre, génocide en Palestine, perte des libertés, désinformation, etc… On pourrait poursuivre la liste.
« Soyez forts, ne craignez pas, voici votre Dieu. Il vient lui-même vous sauver. » Cela ne vous rappelle-t-il pas le message de Pontmain ? « Mais priez mes enfants, Dieu vous exaucera en peu de temps. Mon fils se laisse toucher. »
Les rois de Juda voulaient faire des alliances politiques avec l’Égypte, et Isaïe leur dit : « Non, c’est sur Dieu qu’il faut s’appuyer, c’est sur son alliance à lui qu’il faut compter. C’est lui qu’il faut mettre au centre. » Dieu a-t-il vraiment la première place dans notre vie ? Est-il vraiment notre appui ? Prions-nous vraiment ? Tout est là.
Saint Marc est le seul évangéliste à nous rapporter la guérison de ce sourd bègue. La mission de Jésus devient un échec. Après les nombreuses guérisons, les libérations des esprits mauvais, Jésus a voulu introduire ses disciples au cœur de sa mission permanente auprès des hommes, sa mission permanente jusqu’à aujourd’hui. C’était le discours sur le Pain de Vie que nous avons entendu tout au long de ces dimanches d’été.
Mais son message n’est pas reçu. Il est abandonné par les siens, non seulement par son peuple, par les scribes et les pharisiens, mais aussi par ses propres disciples. Alors il quitte le pays, il part en Phénicie, le Liban actuel, Tyr, Sidon. Et puis il revient par la Syrie, à l’est du Golan, ces dix villes qu’on appelait la Décapole. Dans son pays, il a trouvé un monde clos, fermé sur lui-même, fermé à sa parole et à ses enseignements. Alors il s’ouvre, il sort de cet enfermement et va à l’extérieur, chez les païens. Là, il peut libérer la fille de la Syro-phénicienne, et sur le chemin du retour, il va guérir le sourd bègue.
St Marc résume cette guérison par un mot qu’il conserve en araméen, un impératif : « Effata », ouvre-toi. Quand tout est fermé, clos, il faut la puissance d’une parole créatrice, recréatrice « ouvre-toi ». Jésus reprend là les gestes du Créateur qui avait façonné de l’argile pour en faire l’homme et la femme. Parlant de cette action de Jésus envers l’infirme, Marc écrit littéralement : « Jésus jeta ses doigts dans ses oreilles et, ayant craché, il toucha sa langue et, ayant levé le regard vers le Ciel, il soupira. »
Ce soupir de Jésus exprime la difficulté de la tâche à accomplir, l’effort nécessaire pour vaincre la résistance, la rude opposition à laquelle il est aux prises. Ce qu’il doit faire à travers cet homme, ce n’est rien moins que reprendre l’œuvre première de la création, pour faire une création nouvelle, ouvrir à nouveau l’homme au souffle de Dieu.
Ce n’est pas pour rien que, dès l’Église primitive, ce rite de l’Effata sera repris dans la célébration du Baptême. Par le Baptême c’est Jésus qui agit en personne, qui rencontre un homme, une personne enfermée en elle-même, incapable de communiquer vraiment et qui la guérit de fond en comble. Il la rend capable d’entendre la Parole de Dieu, et de se laisser toucher par elle, et aussi il lui donne de pouvoir la redire aux autres. Nous avons besoin d’être ouverts par Jésus pour accueillir le mystère du Royaume.
Extrêmement frappés, les gens disaient : « Il a bien fait toutes choses, il fait entendre les sourds et parler les muets. » Comment ne pas voir dans cette réaction des gens, l’écho du Livre de la Genèse ? « Et Dieu vit que cela était bon, que cela était très bon. »
Saint Jacques nous met en garde, nous les baptisés, de ne pas retomber dans nos enfermements. C’est notre grande tentation, juger sur les apparences, mettre les gens dans des boites, honorer les riches et reléguer les pauvres. « Or, dit St Jacques, Dieu a choisi ceux qui sont pauvres aux yeux du monde pour en faire des riches dans la foi et des héritiers du Royaume. »
Alors nous pouvons nous poser la question : qu’est-ce qui demeure fermé en nous, en moi ? Qu’est-ce qui m’empêche cette communion avec Dieu, cette communion avec les autres ?
Demandons humblement au Seigneur Jésus de nous recréer du dedans et de nous restaurer.
AMEN