4e DIMANCHE DE L’AVENT (B) 2023

24 décembre 2023

  • Frère Marie-Jean BONNET Frère Marie-Jean BONNET

INTRODUCTION : PERE MARIE-JEAN

Cette année nous avons été un peu frustrés, j’allais dire, puisque l’Avent était court, trois semaines, mais nous avons cette grâce d’avoir du concentré liturgique avec ce 4ème dimanche de l’Avent qui précède immédiatement la célébration de Noël. Le Seigneur nous offre la grâce de plonger vraiment dans la liturgie, dans la prière de l’Église pour que nos cœurs soient le mieux ajustés possible à célébrer le Sauveur.

Oui, faisons nôtre ce cri, « réveille Seigneur ta puissance et viens délivrer ton peuple ! », viens me délivrer, parce que c’est pour chacun de nous aussi que le Sauveur vient. Nous savons tous, tous ces liens peut-être qui nous entravent encore, petits ou gros, et que le Seigneur veut briser, toutes ces chaines, tous ces liens, pour que nous puissions Lui répondre comme Marie, dans la confiance et la générosité.

Préparons-nous, frères et sœurs à célébrer ce mystère qui nous sauve, ce mystère de l’Eucharistie, en reconnaissant que nous avons péché.

 

HOMELIE : PERE MARIE-JEAN

Vous êtes bien assis ? Ce sera peut-être un peu plus long que d’habitude.

« L’homme propose et Dieu dispose », dit le proverbe, et cela est vrai, mais l’inverse aussi n’est pas moins vrai, et peut-être est encore plus vrai. « Dieu propose et l’homme dispose ». Deux attitudes où se rencontrent la liberté de Dieu et la liberté de l’homme. Deux attitudes où se joue finalement une vraie rencontre entre Dieu et l’homme, ou pas, deux attitudes qui sont comme incarnées dans ces deux figures que nous donne la liturgie de ce jour, David et Marie.

David a réussi, lui qui était le petit pâtre de Bethléem, le petit dernier qui avait si peu d’importance. Ah oui, il reste encore le petit dernier qui est touchant, oui, mais bon… et le voilà à présent roi des douze tribus d’Israël, non sans mal. Ça n’a pas été facile de rassembler toutes ces tribus, mais voilà que finalement il est reconnu comme roi des douze tribus et son royaume est en paix, après, là aussi pas mal de guérillas quand même, mais enfin il est en paix. Tout lui réussit, mais il sait, il n’oublie pas qu’il doit cela à la grâce de Dieu, au Seigneur.

Alors il se demande comment exprimer son immense reconnaissance au Seigneur, et il envisage alors de bâtir un temple au Seigneur, comme c’était la coutume de beaucoup de rois, des royaumes environnants, aussi à l’époque, qui commandaient des travaux de temples pour honorer leurs dieux. Un temple au Seigneur pour l’abriter, pour l’accueillir dans une demeure qui lui fasse honneur, qui fasse honneur au Seigneur, qui fasse peut-être aussi honneur à David, peut-être secrètement cherchait-il aussi sa gloire ? Notre orgueil nous colle tellement à la peau, même dans les meilleures initiatives, voilà, l’intention n’était pas forcément complètement pure, mais enfin il y avait quelque chose de tout à fait louable.

Cependant, malgré l’intention fondamentalement louable de David, le prophète Nathan, de la part du Seigneur, va lui dire que son généreux projet n’est pas ce que Dieu attend de lui, et ceci pour trois raisons. Donc, « l’homme propose et Dieu dispose ».

Pourquoi ce n’est pas le projet de Dieu ? Hé bien d’abord parce que Dieu n’a rien demandé. En substance, Il lui fait dire, je ne t’ai rien demandé et c’est d’ailleurs ce verset 7ème qui malheureusement n’est pas dans le texte liturgique d’aujourd’hui, mais qui fait partie intégrante de cette révélation de Nathan à David, de la part de Dieu : « Je n’ai jamais réclamé qu’on me construise une maison. Voilà, très bien, tes idées c’est généreux, mais ça ne m’intéresse pas ». Dieu n’a pas besoin de nos offrandes matérielles. Notre manière de les exprimer, ce n’est pas mauvais, mais Dieu fondamentalement n’en a pas besoin bien sûr. Il se contente de peu, de si peu, et Bethléem le dira merveilleusement.

  • « Tout ce que l’homme fait pour Dieu profite à l’homme, et non à Dieu », dit St Augustin.

Deuxième raison pour laquelle Dieu dit : « Hé bien non ce n’est pas mon projet, Tu es sympa mais ce n’est pas mon projet ». Dieu ne se laisse pas enfermer. Quelque part, il y a toujours cette tentation de mettre la main sur Dieu, de le confiner dans un lieu. Et il rappelle à David que depuis la sortie d’Égypte, Il chemine sous la tente, et Il ne s’en est pas plaint, et ce sont des versets aussi qui ne sont pas dans le texte d’aujourd’hui, mais qui sont présents dans le texte originel. Salomon, lorsque finalement il construira un temple au Seigneur, avec la bénédiction du Seigneur cette fois-ci, lorsque Salomon prendra la truelle je dirais, il s’en souviendra en consacrant plus tard le temple et avec humilité, dira au Seigneur :

  • « Mais Seigneur, comment pourrais-Tu habiter ce que j’ai construit, Toi qui a fait les Cieux et les galaxies ».

Oui, humilité, Dieu ne se laisse jamais réduire, enfermer, confiner dans nos lieux, même si nous savons bien qu’Il est présent par excellence dans le sacrement de l’Eucharistie. Il est aussi présent de mille manières, et surtout, la raison principale pour laquelle Dieu lui dit : « Mais je ne t’ai rien demandé, ce n’est pas mon projet », surtout ce qui intéresse Dieu, ce n’est pas d’habiter effectivement des temples de pierre, mais dans le cœur de son peuple. Et finalement, Jésus nous révèlera qu’Il veut habiter dans le cœur de tous les hommes :

  • « Celui qui m’aime gardera ma Parole. Nous viendrons chez lui avec mon Père. Nous ferons chez lui notre demeure ».

C’est ça qui intéresse Dieu, sa créature faite à son image, la seule créature faite à son image, c’est habiter le cœur de ses enfants, le cœur des hommes, et d’abord le cœur de son peuple qui avait et qui garde la mission d’être témoin de la présence de Dieu aux hommes. Ce qu’Il veut, présentement, avec la collaboration de David comme berger de son peuple, c’est établir, enraciner son peuple sur une terre, pour l’enraciner dans une relation d’alliance, d’amour.

  • « Je fixerai en ce lieu mon peuple Israël, je le planterai, il s’y établira, il ne tremblera plus »

Et pour cela, pour aider son peuple à s’enraciner et à être fidèle à l’alliance, ce n’est pas du luxe aussi de se choisir, de se susciter d’abord David qui aura la mission, et qui sera, malgré tous ses péchés, qui sera confessé comme le saint roi David parce que, un roi pieux, un roi qui, au cœur même de sa misère humaine et de ses péchés, saura se tourner inlassablement vers Dieu pour Lui demander sa miséricorde, et y croire. Mais surtout Dieu révèle à David son projet de donner à David un descendant dont le règne sera stable et sera sans fin, parce qu’Il sait que, puisqu’Il veut habiter le cœur de tous les hommes, il faut aussi un berger, un berger de toute humanité comme nous le chantons et ce sera Jésus.

« Dieu propose et l’homme dispose », c’est vrai aussi, et c’est Marie qui l’incarne. Elle aussi se sait toute dépendante du Seigneur. Depuis l’éveil de sa conscience Elle s’est orientée totalement vers Dieu, c’est ce que nous fêtons le 21 novembre dans la fête de la présentation de Marie au temple. Et finalement, Elle a choisi de consacrer sa virginité au Seigneur comme le manifeste sa réponse à l’ange Gabriel :

  • « Comment cela va-t-il se faire, puisque je ne connais pas d’homme ? »

C’est bien le signe que Marie a pris le propos de virginité. Comment le Seigneur pourrait-il ne pas accueillir ce propos, cette offrande de toute Elle-même à son Seigneur, ne pas accueillir et ne pas respecter un tel propos, un tel amour ? Cependant, tout en le respectant, elle est là, la délicatesse de Dieu qui sait respecter la liberté, et les choix les plus sacrés des hommes, de ses enfants. Tout en respectant ce propos de Marie, Il va l’intégrer et l’ouvrir à son projet à Lui, la maternité divine. Mais pour cela, Il a besoin du consentement de Marie, et justement Marie ne veut être que la servante du Seigneur, comme Elle le dit, ce qui signifie, non une servilité, mais une libre disponibilité au projet de Dieu, et en cela, sa disposition intérieure est en parfaite harmonie avec celle du Fils de Dieu qui, en entrant dans le monde, nous apprend l’épitre aux Hébreux, ne veut être que le serviteur du Seigneur :

  • « Voici que Je viens Seigneur, pour faire Ta volonté »

Ainsi, Marie, par sa collaboration totale à l’œuvre de son Fils, sera, comme le dit le concile, l’Associée parfaite du Rédempteur.

Alors je voudrais vous partager, ça va peut-être être un petit peu long, mais c’est tellement beau je trouve, des réflexions de Dom André Louf, un ancien abbé du Mont des Cats, l’abbaye cistercienne du Mont des Cats :

  • « Marie consent à la grâce. Consentir à la grâce, c’est aussi ce qui est offert à chacun de nous, tout particulièrement en ce temps de salut où la présence de Jésus à travers la fête de Noël se fait proche, car, pour qui ose consentir à la grâce, la merveille soudain s’éclaire, éclate, et le miracle s’accomplit »

Voilà, vous avez entendu comme moi des récits de conversion, ou des récits d’irruption de Dieu dans une vie. Que c’est beau !

Oui, le Seigneur fait des merveilles encore aujourd’hui.

  • « Aussi longtemps, poursuit André Louf, que nous n’arrivons pas à saisir la grâce là où elle s’offre, nous ne pouvons provisoirement consentir qu’à nous-mêmes, à nos propres forces, à nos propres projets ou à ceux des autres, et c’est là, dit-il, en attendant, un alibi tout à fait honorable, et dont Dieu se contente provisoirement. Mais lorsque la grâce de Dieu se révèlera enfin aux yeux de notre cœur, tout deviendra finalement plus simple, car la grâce simplifie tout. Elle apaise, elle nous situe dans le droit fil de ce que nous sommes vraiment aux yeux de Dieu, dans ce que nous sommes appelés à être et à faire pour le Royaume. La grâce nous conduit avec son infinie douceur, mais infailliblement, à notre plein établissement en Dieu. Pour cela, il suffira toujours d’être la petite servante du Seigneur, de dire « oui » à la grâce, et de savoir par expérience et tous les jours de mieux en mieux, comme la Vierge Marie, que nous n’y sommes vraiment pour rien.

Tout est grâce. Consentir à la grâce. Alors, serons-nous assez pauvres de cœur, en ce Noël, pour nous ouvrir aux projets de Dieu ?  « Dieu propose et l’homme dispose. » Au projet de Dieu… Nous laisser faire comme Marie : « qu’il me soit fait … » Nous laisser faire, ne pas mettre d’obstacles à la grâce ; au projet de Dieu, avec humilité, mais aussi générosité et adhésion, la plus continuelle possible. Aurons-nous assez de foi pour croire que ses projets à Lui, Dieu, sont toujours plus grands, plus beaux, plus heureux que tous nos projets humains ?

AMEN