DIMANCHE DE PÂQUES, LA RÉSURRECTION (A) 2023

9 avril 2023

  • Frère Marie-Jean BONNET Frère Marie-Jean BONNET

INTRODUCTION : Frère Marie-Jean

Cela fait du bien de chanter ensemble notre foi en cette victoire du Christ. Il me revient à l’esprit qu’Augustin, notre père ici, a été touché, bouleversé, préparé aussi, son cœur a été préparé en écoutant les chants de l’Église de Milan, diffusés je dirais, propagés par St Ambroise qui était non seulement un grand prédicateur, mais qui aussi était un liturgiste, chanteur. Et pour Augustin, le Seigneur s’est servi de cela pour, étape par étape, le conduire au Baptême.

Merci. Chantons ensemble notre joie d’être chrétiens. Je pense justement à la joie des nouveaux baptisés. Peut-être vous en connaissez, qui ont eu cette grâce de devenir chrétien, dans cette nuit ou ce matin. A voir la joie qui était déjà la leur en se préparant au Baptême, on peut deviner leur bonheur ce matin.

Peut-être pouvons-nous justement nous poser la question : Quelle est la qualité de ma joie, ce matin ? Est-ce une joie profonde ? La joie spirituelle, la joie de l’Esprit-Saint, qui vient de l’Esprit Saint, la joie chrétienne, notre Pape en parle souvent. Vous l’avez remarqué. Parce que pour lui, la joie, la joie spirituelle, la joie chrétienne est le baromètre de notre foi, de notre union au Seigneur. Alors demandons-nous, prenons le baromètre de notre joie ce matin.

Demandons les uns pour les autres, cette grâce de reprendre conscience de la merveille du Baptême et de la vie dans le Christ ressuscité. C’est ce que nous allons faire par ce rite de l’eau qui nous rappelle justement cette grâce baptismale que nous avons reçue.

 

 

HOMELIE : Frère Marie-Jean

« Dieu fait du neuf. » C’était, cette année, peut-être vous les avez entendus, le fil rouge des conférences de Carême de Notre Dame.

La résurrection est bien sûr cette nouveauté radicale, imprévisible, inouïe, qui a bouleversé le cours de l’histoire, puisque aujourd’hui, des millions, – peut-être des milliards, il faudrait que j’ose le dire, je l’espère en tous cas, – des milliards d’hommes et de femmes à travers le monde entier se rassemblent pour fêter cette victoire plénière du Christ sur le mal et sur la mort. Une victoire que le Christ a vécue pour nous, pour nous la partager, pour nous la communiquer, pour nous transfuser une vie nouvelle, sa propre vie de ressuscité.

C’est ce que nous disait St Paul dans sa lettre aux Corinthiens, sur laquelle je voudrais m’arrêter ce matin : « Purifiez-vous des vieux ferments, et vous serez une pâte nouvelle. », demande St Paul aux Corinthiens.

Pourquoi cette exhortation pressante de Paul ? C’est que dans le passage qui précède, celui que nous venons d’entendre donc, Paul exprime son indignation, face à ce qu’il vient d’apprendre sur la communauté de Corinthe. Une communauté qui souffre non seulement de divisions, de coteries, de parti-pris, mais aussi de différents scandales. Cela nous rappelle de douloureuses actualités, et ce n’est pas d’aujourd’hui hélas ! Différents scandales, dont une situation d’inceste, et Paul s’indigne qu’on laisse perdurer cette situation. Oui ou non les chrétiens de Corinthe veulent-ils vraiment mener une vie nouvelle dans le Christ ?

La fête de Pâques était proche, quand Paul écrit aux Corinthiens. Il repense à la Pâque juive, préfiguration, comme toute la première Alliance, préfiguration de la Pâque chrétienne. Or, la Pâque juive est préparée soigneusement, par un grand nettoyage, suivi d’une inspection. C’est le mot hébreu employé. Une inspection, véritable chasse au levain, à toute trace de fermentation pour que le pain de la Pâque nouvelle, de la Pâque de l’année, soit radicalement nouveau et pur.

Le levain et la fermentation peuvent être pourtant une bonne chose. Jésus avait comparé le Royaume des Cieux à du levain, qu’une femme enfouit dans trois mesures de farine, jusqu’à ce que le tout ait levé. Car la Parole de Dieu, effectivement, a cette puissance de soulever la pâte humaine. Il faut croire à cette puissance de la Parole de Dieu, c’est pourquoi l’Église nous invite encore et sans cesse à nous nourrir de cette Parole qui nous soulève au-dessus de notre lourdeur, de notre torpeur et à mettre cette Parole de Dieu dans tout rassemblement chrétien. Jésus est présent dans sa Parole. Elle peut nous soulever au-dessus de nous-mêmes.

Mais, ce même levain peut aussi être source de corruption. Méfiez-vous, disait Jésus, du levain des Pharisiens et du levain d’Hérode, c’est à-dire l’orgueil qui enfle aux dépens des autres. D’où cette évocation, par St Paul, de la chasse au plus petit reste de levain. Faites-en autant, nous dit St Paul, « purifiez-vous des vieux ferments », autrement dit de l’homme ancien, une autre expression fréquente chez St Paul, et notamment dans la lettre aux Romains : « Purifiez-vous de l’homme ancien avec ses vices, que vous devez impitoyablement rejeter. »

Cette nuit, nous avons justement renouvelé les promesses du Baptême. Et il nous était demandé, vous vous en souvenez bien sûr : « Rejetez-vous le péché ? » Des interrogations fortes qui sont là pour nous réveiller de nos habitudes, nous aider à prendre conscience qu’être chrétien c’est tourner le dos à tout ce qui défigure notre être chrétien. « Rejetez-vous le péché ? Rejetez-vous Satan l’auteur du péché ? Rejetez-vous à ce qui conduit au péché ? Nous le rejetons. »

Voilà, être chrétien c’est se tourner, se retourner sans cesse en raison de nos fragilités, notre faiblesse, retourner sans cesse vers le Christ, la Lumière véritable, éternelle, qui ne connaitra pas de couchant, comme dit aussi la liturgie de cette nuit.

Dans la Pâque juive, le sang de l’agneau protégeait de la mort les Hébreux, vous vous souvenez. Et dans la Pâque nouvelle, le sang du Christ nous purifie et nous protège, nous protège du péché qui mène à la mort de l’âme. Pour autant que nous communiions avec foi, avec ferveur, comme on dit aussi, avec désir et avec foi que le Seigneur nous donne cette nourriture, j’allais dire ce viatique, c’est-à-dire cette nourriture pour la marche, la marche de notre vie, jusque dans la vie éternelle. Puisque recevoir la vie du Christ, c’est recevoir la vie éternelle, en germe.  Le sang du Christ nous purifie et nous protège du péché qui mène à la mort de l’âme.

Vivre Pâques, oui c’est faire du neuf, faire un grand nettoyage intérieur. Hier, je passais devant une maison et je voyais une maitresse de maison qui s’affairait à passer l’aspirateur sur sa fenêtre, et ça m’a fait penser à cette idée de grand nettoyage.

Autrefois, dans les communautés religieuses, – je dis autrefois, mais, je pense que ça se fait beaucoup encore dans les communautés des sœurs, qui sont plus soigneuses que nous, – il y avait cette coutume du grand nettoyage pascal. Et c’était bien. Et c’était dans la lignée de cette Pâque juive, de cette chasse à tout ce qui est ancien.

Faire un grand nettoyage intérieur, une chasse impitoyable à nos vieux démons. Ah, je pense qu’il en traine parfois des petits, et parfois des grands dans nos vies. Oui, la puissance du Ressuscité peut faire du neuf avec nos vieux démons, nos vieilles rancœurs. Ah ça, qu’est-ce que ça s’accroche ! Et les rancœurs, ça sent la rance.

Notre vieille somnolence spirituelle peut-être. On est habitués à être chrétiens. On s’habitue. Ça ne nous fait ni chaud ni froid, peut-être, parfois. Quelle désolation ! Il faudrait remercier chaque jour de la grâce baptismale qui revient. Oui, nous réveiller de notre vieille somnolence spirituelle peut-être : « L’heure est venue, dit St Paul aux Romains, de sortir de votre sommeil, rejetons les activités des ténèbres », – encore des termes forts, – « rejetons les activités des ténèbres, revêtons-nous pour le combat de la lumière. »

C’est cet appel de St Paul qui, un jour, a frappé, au sens fort, le cœur d’Augustin, le futur St Augustin, et l’a décidé à se préparer au Baptême, lui qui pensait ne pas pouvoir quitter ses vices, dans lesquels il se sentait enchainé, enfermé. Et, à vue humaine, ça lui semblait impossible de changer de vie. La Grâce de Dieu a réussi cela. Et un jour, il va s’émerveiller et dire : « Le péché m’a vieilli, la Grâce me renouvelle. »

Comme la source de Massabielle à Lourdes, que Bernadette a dû dégager pour que jaillisse enfin une eau claire et abondante, il nous faut sans doute, encore et encore, – et voilà pourquoi l’Église nous demande au moins une fois par an, mais c’est le minimum minimorum, au moins une fois par an de vivre justement notre Pâque, dans toutes ses dimensions. Il nous faut, sans doute encore et encore, laisser la Grâce de Dieu désembourber la source baptismale qui est en nous pour qu’elle irrigue, vivifie et renouvelle sans cesse toute notre vie.

Beaucoup d’entre nous, je l’espère, se sont laissés laver et rénover par le Christ, dans le sacrement de son Pardon. Et si ce n’était pas le cas, le Seigneur Jésus a prévu un rattrapage, pour les retardataires, dans la fête de la Miséricorde, que nous aurons dimanche prochain. De plus il est toujours l’heure d’aimer Dieu. J’aime cette parole du bienheureux Charles de Foucauld : « Il est l’heure d’aimer Dieu et donc il est toujours temps de recevoir sa Miséricorde toute l’année. »

Il n’y a pas d’overdose, on ne risque pas de faire d’overdose dans le sacrement du Pardon. Dérangez vos prêtres, « mangez vos prêtres » disait un prédicateur. Bon, nous, parfois, on n’est pas toujours assez disponibles peut-être, mais en tous cas, voilà, n’hésitez pas. Le Christ le demande aux prêtres d’être disponibles, pour laisser la vie, sa vie jaillir et rejaillir dans les âmes.

Vivre Pâques, oui, c’est aussi inséparablement se faire miséricorde les uns aux autres, se laver les pieds les uns aux autres comme le Seigneur nous l’a commandé. Sa Grâce rend possible ce qui nous parait peut-être impossible. Oui, combien de témoignages en ce sens !

Quelle joie, quelle fête nous sont promises et offertes lorsque dans notre cœur, notre famille, notre communauté, notre paroisse, nous laissons la Grâce de Dieu faire du neuf !

Saintes et joyeuses fêtes pascales.

AMEN