12e DIMANCHE Du Temps Ordinaire (B)

20 juin 2021

  • Frère Jean François	CROIZÉ Frère Jean François CROIZÉ

Toute vie dans son histoire traverse des tempêtes qu’elles soient provoquées ou subies. Peut-être souvenez-vous de la tempête fin décembre 1999, qui a fait tant de destructions dont le souvenir est encore présent dans la mémoire, particulièrement de ceux qui ont été sinistrés, nous-mêmes nous n’avons pas été épargnés. Plusieurs années après ces évènements un homme de la terre faisait cette remarque audacieuse et lapidaire : « les tempêtes çà permet de vérifier ce qui tient debout ! » Des tempêtes, ces gémissements de la nature, il y en a toujours eu, la création elle-même est une gigantesque tempête.

« Ce qui résiste et traverse l’épreuve! » constate notre brave homme. Les lectures de ce dimanche sont elles-mêmes l’écho d’expériences du déchaînement et de la violence de la nature que nous appelons : tempêtes, parfois imprévisibles, qu’aucune puissance humaine ne peut maîtriser. Le récit de la vie de Job, la prière du psalmiste ainsi que l’épisode de la traversée du lac de Tibériade en font mémoire. Peut-être avez-vous été surpris, étonnés, d’entendre que le Seigneur parle à Job du milieu de la tempête, alors que pour le prophète Elie, Dieu n’est pas présent dans la tempête mais dans le silence de la brise légère.

De plus, le psalmiste affirme que le Seigneur est l’auteur des tempêtes dans les océans et du retour au calme ensuite : « Il provoque la tempête et la réduit au silence ». L’évangéliste St Marc attribue la tempête nocturne aux forces occultes qui sèment la terreur chez les disciples, seul Jésus ne semble pas, de prime à bord, concerné, il dort, mais c’est bien lui et lui seul qui commande et apaise d’un parole, les déchaînements des flots et les affolements des disciples. Pour Jésus, c’est tout simple, il dit et cela se fait. Il s’adresse à la mer et au vent comme Il s’adresse aux esprits mauvais : « Silence, tais-toi !». Et Il interpelle le vent. Et il se fait un grand calme, les forces du mal sont vaincues et chassées, c’est un véritable exorcisme. D’où l’extraordinaire surprise, effroi, des disciples en voyant cela : « Mais qui est-Il pour faire des choses pareilles ? ». Immédiatement après, Jésus calme la tempête intérieure des disciples : « Pourquoi avez-vous peur, comment se fait-il que vous n’ayez pas la foi ? ».

La foi serait-elle la puissance supérieure à toute épreuve et le remède à la peur ? Certes la foi est un don qui vient de Dieu et qui nous conduit à Dieu. Habituellement, Jésus la recommande et la réclame avant d’agir. Les disciples, devant le danger du naufrage et de la mort, en criant vers Jésus, font un acte de confiance désespéré, un acte de confiance quand même. Leur ultime confiance est l’acte de foi, imparfait certes, mais qui les sauve. Il y a des tempêtes de mort, il y a aussi les tempêtes de Pentecôte et celles-ci sont annonciatrices du souffle de l’Esprit Saint au sortir de la Passion où la mort semblait avoir vaincu la vie sur la Croix. Comme les disciples dans la barque, il s’agit bien de passer sur l’autre rive et de vivre cette Pâques avec la présence du Christ qui nous conduit par son Esprit.

Souvenez-vous de l’histoire annonciatrice de Jonas, lui aussi dormait au fond de son bateau, alors qu’il fuyait l’ordre de Dieu et que le bateau était secoué par la tempête. Les marins étaient venus secouer Jonas : « Qu’as-tu à dormir ? Lève-toi, crie vers ton Dieu ! Peut-être songera t-il à nous et nous ne périrons pas ! » Et si l’équipage a été sauvé, c’est au prix de la vie de Jonas, que finalement le Seigneur épargnera ». Si par la faute d’un seul, tous peuvent périr, à combien plus forte raison par la vie offerte d’un seul, tous peuvent être sauvés.

Et pourtant, à l’orgueil, à l’agitation et au vacarme des flots s’oppose une parole d’autorité de Jésus en trois mots : « silence, tais-toi ! », et il se fit un grand calme, il dit et cela est, mais c’est la parole de Jésus. Après la crainte terrifiante de la tempête, voici la crainte de l’effroi devant une puissance divine : « Qui est-il donc celui-là que même le vent et la mer lui obéissent ? ». Le geste et la parole de Jésus devient source de paix et d’espérance.

Devant l’urgence de la situation, nous comprenons la réaction des disciples, Marthe réagira de la même façon, combien de fois nous-mêmes, pensons-nous et faisons-nous à Jésus ce reproche : « Seigneur, cela ne te fais rien, tu n’écoutes pas, à quoi bon ? C’est toute la question de l’acte de foi en l’identité de Jésus à laquelle nous sommes confrontés. C’est une interrogation que souvent nous nous posons. Mais qu’est ce que fait le Bon Dieu ? Et nous, nous disons que le Seigneur est comme impassible alors que nous-mêmes, sommes dans de graves ennuis ou dans des situations angoissantes. Au fond, quelle idée avons-nous de Dieu pour supposer, penser et croire que cela ne Lui fasse rien ?

Déjà, dans l’Ancien Testament on trouve cette phrase, tout au début, dans la Genèse : « et en voyant la prolifération du péché sur la terre, Dieu fut touché de douleur au plus profond de son cœur ». On dira peut-être que c’est une manière de parler. Certes. Mais la Bible parle t-elle pour ne rien dire ?  Mais si la Bible parle pour nous dire quelque chose de vrai sur Dieu, il faut peut être qu’on écoute. Il y a quelque chose qui correspond en Dieu à cela. Dieu est touché au plus profond de son cœur par la détresse des hommes. Mais nous, facilement nous identifions souffrance et faiblesse : si Dieu n’est pas faible, Il ne souffre pas ! Je ne suis pas sûr que ce raisonnement soit juste.

Après avoir fait l’expérience de la parole efficace de Jésus, les disciples se posent la vrai question : « Mais qui est-il ? » C’est à cette question que Saint Marc nous provoque dans une la lente et progressive découverte de la véritable identité de Jésus jusqu’à la confession de foi d’un païen le Centurion devant le crucifié. « Vraiment celui-ci est le Fils de Dieu ». C’est à cette question que la confession de notre foi nous engage dans l’eucharistie.

Qu’est-ce donc que cet apparent silence ou sommeil de Dieu dans nos vies et nos tempêtes ? Peut-être pourrions-nous réfléchir à nos propres façons de penser et d’agir. Par exemple, qui n’a pas eu la volonté d’agir à la place d’un enfant, de décider pour lui sans explication ? Et nous pensons que tout se passera très bien, c’est beaucoup plus simple ainsi. Mais il arrive que l’enfant grandi et que nous ne pouvions plus décider pour lui, face à son autonomie grandissante. Et alors là commence la souffrance de bien des parents impuissants.

Ce n’est pas de l’indifférence que de laisser aux enfants un champ d’autonomie, et je crois qu’on ne peut pas penser que Dieu soit indifférent à ce qui nous arrive, à ce que nous faisons, même s’Il sait et veut nous laisser une grande autonomie. Dieu a un immense respect délicat pour ce que nous sommes. C’est un risque que Dieu a pris. Ainsi Il manifeste l’inquiétude de son cœur, le bouleversement de son cœur ?

Alors pour comprendre Dieu, regardons profondément Jésus et regardons-le avec le meilleur de notre cœur. C’est à cela que St Paul nous convie lorsqu’il nous dit : « frères, l’amour du Christ nous saisit quand nous pensons qu’un seul est mort pour tous afin que nous n’ayons la vie centrée sur nous-mêmes mais sur lui qui est mort et ressuscité pour nous.

Pour conclure, je crois qu’il est bon de goûter la paix qui émane de la tempête apaisée, cette paix que Jésus donnera à ses disciples au matin de Pâques : « La paix soit avec vous ! »  et que Jésus reformule par la voix du prêtre avant chaque communion : « Je vous laisse la paix, Je vous donne ma paix », et le prêtre en votre nom répond au Seigneur : « ne regarde pas nos péchés mais la foi de ton Église ; donne-lui toujours cette paix et conduis-là vers l’unité parfaite. » Jésus en a fait une Béatitude : « Bienheureux les artisans de paix car ils seront appelés fils de Dieu », en écho, St Jean affirme : « enfants de Dieu, nous le sommes. » Eh bien, chers frères et sœurs, confions-nous à Marie, notre Mère, elle nous aide à grandir dans la foi en l’Amour de Dieu qui nous établis dans sa Paix.

                                                                                                                   Amen