17ème Dimanche du Temps Ordinaire C 2022

24 juillet 2022

  • Frère Jean François	CROIZÉ Frère Jean François CROIZÉ

INTRODUCTION : Chers Frères et Sœurs, nous achevons une semaine « Marie Espérance » avec les familles dont le thème est : « Avec Saint Joseph, redevenir enfant du Père ». Redevenir enfant du Père, qui donc nous fait redevenir enfant du Père, si ce n’est ce que Jésus nous demande, et ce qu’il nous demande expressément dans l’Évangile : son Esprit ? Priez le Père pour qu’Il vous donne son Esprit, c’est le plus grand bien, et c’est dans cet Esprit que nous découvrons nous-mêmes notre propre identité, cet amour qui nous tourne vers le Père.
Nous avons la joie d’accueillir André (diacre permanent qui sert à l’autel), voilà, qui vient partager avec nous l’Eucharistie, et c’est aussi la journée de prières pour les grands parents et les personnes âgées, ces personnes qui ont un esprit de sagesse souvent, de conseil aussi. Eh bien ! prions pour eux, et entrons dans cette Eucharistie avec cette puissance de l’Esprit Saint qui nous conduit, par Jésus, avec Jésus, au Père.
Eh bien ! frères et sœurs, préparons-nous à célébrer le mystère de l’Eucharistie en reconnaissant que nous avons péché.

HOMÉLIE : Chers frères et sœurs, comme je vous le disais dans l’introduction de l’Eucharistie, nous venons de vivre une semaine « Marie Espérance » avec les familles, selon le thème : « Avec Saint Joseph, redevenir enfant du Père ». Redevenir enfant du Père. Y-a-t’il un chemin plus vrai que celui de la relation avec notre Père ? Cette relation, œuvre de l’Esprit-Saint qui la nourrit s’appelle : la prière.
Le Père des Cieux attend patiemment le fils important et importun que nous sommes. Il attend de chacun de nous cette intimité filiale, de cette intimité, de cette proximité que Jésus avait avec Marie et Joseph. La Parole de Dieu nous révèle que Dieu attend que l’homme soit « prière ». Qu’est-ce à dire ? Certes il y a ceux qui prient et ceux qui se font prier. La prière est pourtant une expression courante dans le langage quotidien. Quel sens lui donner ?
Nous employons des expressions courantes, usuelles, dans nos relations quotidiennes, telles que :
– « Je vous en prie, après vous ». C’est une forme de courtoisie, de politesse.
– « Je vous prie de m’attendre, de m’aider ». C’est une invitation pressante.
– « Vous êtes priés de traverser la rue sur le passage piétonnier ». La prudence.
– « Prière d’éteindre la lumière en quittant la pièce ». C’est une prévenance directive.
Chaque formulation fait donc appel à un vis-à-vis. (Le mot) la prière n’est jamais impersonnel(le) dans le sens de « je me prie ». Ce qui n’aurait pas de sens.
En d’autres termes, la prière s’inscrit toujours dans une relation interpersonnelle, et non dans une relation à une chose ou à un animal. D’ailleurs, l’animal vous comprendrait-il ? Il faut bien se rendre à l’évidence, les animaux n’ont pas l’âme de la prière.
La relation interpersonnelle est ouverture et vie. Vous sentez bien que nous ne sommes pas très loin de la prière chrétienne. Le mot prière par définition s’inscrit toujours dans une relation qu’elle soit interpersonnelle et/ou communautaire.
Au fond, lorsque je prie, est-ce que j’ai conscience que je m’adresse à quelqu’un, à quelqu’un de vivant ? Le cœur de la prière est confiance et désir, autrement dit foi et espérance. La prière est le signe tangible de l’espérance et elle prend sa source dans un regard intérieur de connaissance et d’amour dirigé vers Dieu.
Étonnamment, pour nous, occidentaux, la prière d’Abraham se fait palabre, pour la bonne cause. Abraham, de par son hospitalité a d’abord été conquis par ses trois hôtes qu’il raccompagne jusqu’à un promontoire d’où l’on aperçoit tout le sud de la Mer Morte. La Mer Morte. À cet endroit, Dieu se fait le confident d’Abraham. Il lui dévoile, découvre son cœur profondément blessé par la gravité du péché de Sodome qui, à cause de cela, court à sa perte et sera détruite.
Cette annonce terrifiante provoque la première prière dans la Bible. C’est une prière, je dirais missionnaire, en ce sens qu’elle a pour but le salut du pécheur, des pécheurs, qui se sont endurcis et sont inconscients de leurs péchés mortels.
La prière d’Abraham est au fond un chez d’œuvre de finesse, d’à-propos, d’humilité profonde, de hardiesse, dont la confiance en Dieu est sans limite, ou presque. C’est étrange, mais dès qu’une personne s’ouvre dans la confiance à Dieu, elle se sent tout d’un coup responsable des autres ! Si Abraham était demeuré païen, le nomade Abraham n’aurait peut-être pas souhaité autre chose que la destruction de ces gens de la ville aux mœurs infâmes. Autrement dit, la qualité de notre prière révèle quelque chose du fond de notre cœur.
Devenu l’ami de Dieu, il sent que Dieu l’appelle à participer à sa paternité universelle. Il se met à prier pour des pécheurs menacés comme il le ferait pour ses enfants. Il devine que la vertu ou la droiture de quelques personnes seulement peut compenser l’iniquité du plus grand nombre. A l’insu des méchants, il y a une communion dans le bien infiniment plus forte que la solidarité dans le mal. Le fleuve de la grâce coule, irrésistible, dans les profondeurs de l’humanité qu’il purifie et renouvelle.
Si la prière d’Abraham nous découvre jusqu’où veut aller la Miséricorde de Dieu, un seul juste, prophétisera Isaïe, suffira à sauver le monde. C’est déjà l’annonce du Serviteur souffrant qui prendra sur Lui les péchés du monde, ce que développera si bien Saint Paul dans cette lecture que nous avons entendue.
Dans l’Évangile, Saint Luc nous découvre un Jésus attentif et attentionné, bien sûr à son Père, mais qui ne le ferme pas à ses disciples. Il montre que Jésus est un « interlocuteur », un « ami », un « témoin », un « maître ». En lui, ajoute-t-il, se révèle la nouveauté de notre dialogue avec Dieu, celle d’une prière filiale que le Père attend de ses enfants.
Le regard d’un enfant vers sa mère et son père, que nous avons contemplé cette semaine, le rassure, lui donne d’exister. Ce regard est prière dans toutes ses harmoniques : sourire, joie, questionnements, cris, pleurs. Et la prière constante nous aide à interpréter notre vie, à faire nos choix, à reconnaitre et accueillir notre vocation, à découvrir que les dons que Dieu nous a donnés, à faire chaque jour la volonté d’amour du Père, l’unique chemin à parcourir pour réaliser notre existence dans la vérité.
Dans son sens étymologique, bien sûr, « prier » veut dire demander, demander de l’aide, exprimer le désir de recevoir quelque chose, surtout la vie, en s’adressant à Dieu.
Pour Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, la prière est d’abord un élan du cœur, un don de soi, mais également la demande de réaliser la vocation de notre vie. Cette attraction vers Dieu, que Dieu lui-même a placée dans l’homme, est l’âme de la prière, qui s’exprima ensuite sous diverses formes et modalités selon l’histoire et le temps.
Tout être humain porte en lui le désir de Dieu, tant il est vrai que nous portons tous en nous une soif d’infini, une nostalgie d’éternité, une recherche de beauté, un désir d’amour, un besoin de lumière, de vérité, qui nous pousse vers cet Absolu que sur le chemin de notre terre nous ne pouvons guère atteindre, mais vers lequel nous tendons.
À cet Absolu, on s’adresse par la prière absolue, avec un grand « A », bien sûr, qui est la position la plus réaliste et la plus vraie de l’homme face à Dieu, tout le sens de la vie que nous désirons connaitre et voir. Ce désir habite l’homme depuis toujours.
Or, dans l’évangile, tout commence par le regard des disciples sur Jésus, Jésus qui prie son Père. Et ce regard se fait désir, ouverture, demande : « Seigneur, apprends nous à prier ». Ce vœu se veut imitation. Il ne suffisait pas d’être avec Jésus pour prier, pourtant être en présence de Jésus, c’est le commencement de la prière.
Cette expérience atteste de quelque chose d’universellement humain, qui passe par le regard, l’écoute, le toucher, qui est tout simplement la pure et simple prière de requête de la part de qui se trouve dans le désir, comme le cri de l’aveugle entendant passer Jésus : « Mon cœur désire Te voir et Te connaitre, Toi qui m’as fait voir les ténèbres, crée pour moi la lumière. Fais que je Te voie, que je T’entende, que je Te connaisse » ! C’est ce qui constitue le cœur de la prière, le désir de connaitre, de contempler en Jésus le visage du Père.
En toute vérité, le toucher du Père en Jésus est le jour de notre naissance à la Vie divine, le jour de notre Baptême : « Dieu vous a donné sa Vie », affirme Saint Paul. Le Baptême nous fait passer de la mort à la Vie. « Vous étiez des morts parce que vous aviez péché ». Nous (avons) pouvons tout à fait à être en vie physiquement et, en même temps, être morts à la Vie de Dieu. Le Baptême est une résurrection, un passage de la mort à la Vie.
Du « Notre Père » enseigné par Jésus, la plus belle définition de la Providence divine qui gouverne le monde avec sagesse et par amour pour le conduire jusqu’à sa perfection en Jésus, le seul juste sur la croix, qui obtiendra le pardon de tous les péchés : « Père, pardonne leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ». Le péché de tous les hommes est pardonné dans le Sang de Jésus, car rien n’est impossible à Dieu !
Ainsi, nous sommes, aujourd’hui, dans cette Eucharistie, au cœur de la prière du Fils, de Jésus. Nous sommes invités à entrer dans la prière de Jésus : prière de confiance, d’abandon, de louange, d’intercession. Plus nous entrerons dans cette prière de Jésus, plus nous grandirons dans cet esprit filial, et plus nous aurons part à son Esprit Saint.
À ses enfants qui La contemplent dans le ciel de PontMain, la Vierge Marie leur rappelle cette invitation pressante : « Mais, priez, mes enfants, Dieu vous exaucera en peu de temps. Mon fils se laisse toucher ». AINSI SOIT-IL. AMEN.