1er Dimanche de l’AVENT (B)

29 novembre 2020

  • Frère Philippe-Marie VAGANAY Frère Philippe-Marie VAGANAY

Introduction: C’est une joie de ne pas dire « Le Seigneur soit avec vous » à des bancs vides même s’ils sont un peu clairsemés, c’est toujours ça.
C’est aujourd’hui le premier jour de l’Avent, le premier jour de l’année liturgique, alors je vous souhaite une bonne année.
Et puis habituellement au début d’une année nous faisons des projets, nous fixons des objectifs, alors quel objectif pourrions-nous nous donner pour cette nouvelle année ? Je crois que les circonstances que nous vivons, eh bien, sont l’occasion justement de re-fixer nos objectifs. Cette épidémie que nous vivons, la manière dont elle est gérée nous invite peut-être et sûrement à nous poser la question : quel est l’essentiel, quel est l’accessoire, quel est le secondaire ? Pourquoi est-ce que nous vivons, ou pour qui est-ce que nous vivons ? Peut-être que l’objectif de cette année serait que notre cœur soit plus totalement donné au Christ et plus totalement tendu vers lui, qu’il soit notre seule richesse, qu’il soit la santé de notre âme et de notre corps, qu’il soit vraiment le tout de notre vie.
Alors, demandons cette grâce à la Vierge Marie, la Vierge de l’Avent, la Vierge de l’attente, elle qui a su préparer son cœur à accueillir le Messie. Qu’elle nous aide aussi, justement pour que notre cœur soit vraiment prêt à l’accueillir dès maintenant par la grâce qui nous est offerte chaque jour et jusqu’au jour de sa venue dans la gloire.
Alors, au seuil de cette Eucharistie, demandons au Seigneur le pardon pour tous nos péchés.

 

Homélie : Nous voici donc entrés dans le temps de l’Avent.
Dans la première lecture, nous avons entendu le prophète Isaïe exprimer l’attente du peuple d’Israël, un peuple qui fait le constat de ses nombreuses infidélités : « Nous avons encore péché », confesse-t-il, au nom du peuple. Mais au lieu de se décourager, il appelle la venue d’un Sauveur : « Ah ! Si tu déchirais les cieux, si tu descendais !… »
Ce cri du cœur nous oriente vers la perspective de l’Incarnation, vers Noël, Dieu qui est descendu et qui s’est fait l’un de nous.
L’Évangile, lui, nous situe dans une toute autre perspective : celle de l’attente du retour du Maître, comme cette attente d’un homme parti en voyage, avec un appel quatre fois répété en quatre versets seulement : « Veillez ».
Nous voyons donc deux attentes qui se superposent, en ce premier dimanche de l’Avent, l’attente de la rédemption qui nous prépare à la fête de Noël, avec Isaïe ; et l’attente de la venue finale du Seigneur, sous l »image de l’homme parti en voyage, avec Saint Marc.
Mais dans les deux cas le message est le même, se convertir et veiller.

Reprenons un peu cela, si vous le voulez.
Dans la première lecture, Isaïe dit des choses importantes sur Dieu et sur nous-mêmes. Voici ce qu’il dit sur Dieu : « Notre-Rédempteur-depuis-toujours, tel est ton nom. » -Notre Rédempteur depuis toujours-.
Ce mot de « Rédempteur » est lourd de signification. Il traduit le terme « go’el » en hébreu. Le « go’el » est le parent qui intervient en faveur d’un membre vivant ou mort de sa famille. S’il s’agit d’un proche qui a été assassiné, le « go’el » est le vengeur du sang (Nombres 35, 19-27). S’il s’agit de quelqu’un mort sans enfant, le « go’el » épouse sa veuve pour lui assurer une descendance (Ruth 3,12-4,14). S’il s’agit de quelqu’un réduit à la misère ou à l’esclavage, le « go’el » paie les dettes ou rachète l’esclave (Lévitique 25, 23-28, 47-49). Ainsi le « go’el » devient le défenseur en justice, celui qui revendique le droit des opprimés, celui qui  rachète, c’est cela ce que veut dire rédempteur, celui qui rachète, eh bien, depuis toujours Dieu est le Rédempteur, celui qui rachète. Pourquoi racheter l’homme sinon parce qu’il est tombé dans l’esclavage ?
Et qu’est-ce qui rend l’homme esclave sinon le péché ? « Nous avons encore péché et nous nous sommes égarés… », dit Isaïe, « Tous nous étions desséchés comme des feuilles, et nos fautes, comme le vent, nous emportaient ».
Cette image traduit bien les  conséquences du péché. Le péché nous coupe de la source de la vie, comme la feuille qui se détache de l’arbre et qui se dessèche. Le péché nous fait perdre notre consistance, notre assise intérieure, notre poids. Et, dans ce cas là, ce n’est plus nous qui menons notre vie, mais le péché qui nous entraîne, comme le vent emporte la feuille morte.
Autrement dit, le péché nous rend esclaves ; nous ne sommes plus libres, nous ne sommes plus maître de nous-mêmes. Et nous avons besoin de quelqu’un pour nous libérer, pour payer le prix de notre libération, nous avons besoin d’un Rédempteur.
C’est la perspective qui nous conduit à Noël. Et nous portons des vêtements liturgiques de couleur violette, qui est la couleur de la pénitence, de la conversion, car si nous attendons un Sauveur, c’est que nous avons besoin d’être sauvés.
Et Isaïe de conclure : « Maintenant, Seigneur, c’est Toi notre Père ». Dieu est notre parent, plus, il est notre Père et il nous donne son Fils comme prix de notre rachat. Dieu est notre Rédempteur.
Dieu s’est fait proche en Jésus. Mais voici que celui-ci annonce son départ, comme celui d’un homme parti en voyage. Ces versets d’évangile que nous avons entendus, précèdent immédiatement l’entrée de Jésus dans sa Passion, il nous dit : « Prenez garde, veillez… »
« Prenez garde » : Jésus a souvent utilisé ce mot dans un contexte de « combat ». La vigilance ne peut pas se faire sans la lutte.
Jésus nous met en garde contre l’engourdissement, contre l’assoupissement. Car il suggère un retour de nuit, ce qui est étonnant. Car à cause du danger des routes au temps de Jésus, on ne voyageait presque jamais la nuit. Ce détail, un peu invraisemblable, a une signification symbolique profonde, qui remplit toute la Bible : La « nuit », c’est le temps des ténèbres, c’est le temps de la puissance des ténèbres. La nuit, c’est donc bien le temps de la tentation, le temps de l’épreuve… C’est la nuit surtout qu’il faut être vigilant ! car le temps qui dure peut mettre à l’épreuve notre foi, notre fidélité. « A quoi bon attendre quelqu’un qui ne viendra pas ? » La nuit, c’est la tentation de notre monde d’incroyance, notre monde d’aujourd’hui qui a totalement tourné le dos à Dieu et qui vit comme si Dieu n’existait pas. Insensiblement, nous pouvons nous laisser gagner par cet esprit du monde.
Jésus peut venir au chant du coq. Le coq est l’animal qui discerne la venue de la lumière. C’est le chant du coq qui bientôt fera discerner à Pierre qu’il s’était détourné de la lumière, dans la nuit du reniement. Même à ce moment Jésus peut venir.
Le contexte que nous vivons en ce moment est pour beaucoup un contexte de lassitude, de découragement, un contexte de vexation en matière religieuse. La tentation qui peut nous guetter est celle de baisser les bras.
Et c’est là que l’appel de Jésus à la vigilance et à la conversion prend tout son sens. Nous sommes engagés dans un combat spirituel ; et dans ce combat nous attendons le Sauveur, Jésus, l’homme fort qui vient dépouiller l’adversaire de son équipement de combat. Jésus nous invite à prendre en main les armes du combat : la prière et les sacrements, le chapelet, la lecture priante de la Parole de Dieu qui fortifie notre foi, la confession.
Préparons ainsi notre cœur à la venue du Seigneur, car son Jour est proche. Amen.