1er DIMANCHE DE L’AVENT (C)

28 novembre 2021

  • Frère Jean François	CROIZÉ Frère Jean François CROIZÉ

Mot d’accueil : Eh bien, nous y voilà. Nous entrons résolument dans ce temps de l’Avent, le temps de la préparation à l’accueil du Seigneur. Ce temps de l’Avent, bien sûr, est symbolisé par cette petite lumière qui brille aux pieds de Notre Dame car elle-même est en attente aussi, avec nous, de ce grand mystère.
Ce mystère de l’Avent vient quelque part nous bousculer dans nos habitudes et réveiller en nous ce désir de grandir dans l’amour de Dieu. Ce désir doit être habité par une prière plus fervente avec cette résolution, cette décision, vraiment, de se remettre en route, c’est-à-dire de préparer notre cœur à la grâce que le Seigneur veut nous donner dans sa visitation.
Entrons dans cette Eucharistie en nous reconnaissant, frères et sœurs, pécheurs, dans l’attente de cette grande miséricorde de Dieu qui vient nous visiter et déjà par l’Eucharistie.

 

Homélie : Chers frères et sœurs, Nous sommes un peu bousculés dans nos habitudes, dans ces aménagements de la liturgie qui correspondent davantage au texte latin, et aussi, dans la Parole de Dieu qui nous bouscule, dans cette affirmation du Seigneur qui pourrait nous inquiéter beaucoup.
Hier soir, à la nuit tombée, les foules se pressaient pour admirer et s’émerveiller de l’artifice des illuminations spectaculaires de Noël dans la ville de Laval. Aujourd’hui, l’évangile, en ce premier jour de l’Avent qui nous prépare à la fête de Noël, ne nous parle pas d’artifice mais de la venue du Fils de l’homme dans un bouleversement cosmique.
Qu’est-ce donc que ce temps de l’Avent pour ceux qui attendent un Sauveur?
S’agit-il d’une attente passive qui ne polarise que notre attention pour nous préparer à accueillir la naissance de Jésus à Noël ? C’est-à-dire trois semaines pour réentendre l’espérance de la venue d’un Sauveur et la quatrième pour se laisser émouvoir sur l’épreuve de Saint Joseph et de la Vierge Marie qui s’accomplira dans le dénuement de Bethléem, et dans ce dénuement, la joie de la naissance de Jésus, célébrée par le chant des anges : « Gloire au ciel et paix aux hommes que Dieu aime ». Est-ce bien cela ?
Si nous (nous) comprenons bien, l’invitation du Seigneur dans l’évangile, nous entendons que le Seigneur viendra avec puissance et grande gloire dans la tourmente d’un monde ébranlé et tourmenté. Il s’agit donc de garder la foi et l’espérance dans une épreuve à traverser. Il nous faut donc demeurer vigilant dans une attente active qui met en mouvement notre cœur, notre intelligence et notre volonté. L’Avent s’apparente ainsi à un temps de délivrance, il est donc tout à la fois promesse, désir, veille active et mise en route pour accueillir, dans la joie, Celui qui se révèle. C’est le temps des veilleurs et non des consommateurs d’artifices.
Certes, l’Avent pour nous, concrètement, est le temps qui prépare la naissance de Jésus. Dans la contemplation de ce mystère, c’est un temps pour éduquer notre cœur à une attente réelle, quotidienne, constante dans la tension vers Celui qui vient nous sauver. Mais aujourd’hui, la Parole de Dieu nous fait comprendre que nous n’attendons pas seulement la naissance de Jésus à Bethléem, nous attendons également son retour définitif, et en vue duquel nous devons tous nous préparer, car nous ne savons ni le jour, ni l’heure.
C’est pour cette raison que ce premier dimanche de l’Avent nous projette au-delà de Noël, vers la deuxième venue du Christ notre Sauveur lorsqu’il viendra dans sa gloire. L’évangile nous rapporte les paroles du Christ avant sa passion, avant que lui-même traverse cette épreuve, et il évoque les événements cosmiques et sa venue dans la gloire. Il s’agit de la dernière prédication de Jésus. Le style, comme vous pouvez le remarquer, est apocalyptique, il y aura des signes prémonitoires, des guerres entre les peuples, des persécutions, et la destruction de Jérusalem, après les souffrances causées et subies par les hommes. En écoutant ce récit, une sainte crainte nous tient en éveil et nous aide à nous préparer, avec conscience, à la venue du Christ, qu’il s’agit de la rencontre décisive ou de Noël pour notre salut.
Jérémie, dans sa prophétie, présente le retour du Christ en tant que juge, ayant pour nom « germe de justice », celui qui sera notre justice, autrement dit celui qui nous rend juste devant Dieu. Et c’est vers celui-ci que le psalmiste dirige notre prière : « Dirige-moi dans ta vérité, enseigne-moi ; tu es le Dieu qui me sauve. » Saint Paul qui aspire résolument d’être avec le Seigneur, exhorte les fidèles de Thessalonique, et nous-mêmes par conséquent, à recevoir du Seigneur « un amour de plus en plus intense et débordant » afin que lorsque le Seigneur reviendra, nous soyons justifiés dans son amour.
Retenons que Jésus nous avertit de ne pas oublier le cœur, de ne pas l’alourdir de peurs et de désillusions, de fausses joies éphémères du monde qui fascinent, distraient et endorment : « Tenez-vous sur vos gardes, de crainte que votre cœur ne s’alourdisse dans les beuveries, l’ivresse et les soucis de la vie, et que ce jour-là ne tombe sur vous à l’improviste » (Luc 21,34). Donc « restez éveillés et priez en tout temps : ainsi vous aurez la force d’échapper à tout ce qui doit arriver, et de vous tenir debout devant le Fils de l’homme » (Luc 21,36).
Il n’est pas donc pas suffisant de parler de l’Avent uniquement comme d’une période d’attente de Noël, parce que ce temps liturgique nous est également proposé afin de comparaître devant le Christ, d’aller à la rencontre du Seigneur. Le chemin de la vie chrétienne nous rapproche toujours plus de la nouveauté de Dieu qui se fait proche de nous. Ainsi Dieu est à la fois l’Enfant qui nous tend les bras, plein de tendresse, le Pasteur qui cherche la brebis égarée pour la ramener saine et sauve, et aussi le Père qui court à la rencontre du fils perdu qui revient, c’est le Samaritain qui se penche, prévenant, sur le blessé. C’est Jésus qui meurt sur la croix, choix dramatique, pour nous ouvrir le ciel et nous ouvrir au Cœur du Père.
Si donc l’Avent signifie avant tout « attente », il s’agit de l’attente d’une rencontre personnelle, d’une rencontre de lumière. Une rencontre qui s’exprime particulièrement le jour de sa venue, mais qui, dans l’Eucharistie, peut illuminer chaque jour, chaque instant de notre vie. L’Avent est donc le temps dans lequel nous devons nous renouveler dans la décision d’ouvrir la fenêtre de notre cœur et de notre esprit au Sauveur.
Nous pourrions dire que l’Avent est synonyme de visitation. Car il s’agit d’une visite de Dieu qui entre dans notre vie et veut s’adresser à nous par la porte étroite du cœur.
Comment devons-nous nous préparer à cette rencontre ? Comment pouvons-nous reconnaître le Seigneur lorsqu’il vient si nous ne le connaissons pas ? Et comment pourrons-nous le connaître si nous ne le « savourons » pas ?
Souvenons-nous de cette invitation du Seigneur : « Si vous ne redevenez comme des enfants, » comment voulez-vous accueillir dans la simplicité de votre cœur l’Amour de Dieu en Jésus, son Enfant bien-aimé ?
Que l’Esprit-Saint, ce Saint Esprit, nous illumine et soutienne notre recherche du visage du Seigneur. Ce temps donc éduque le cœur et l’esprit de chacun de nous à une attente réelle, quotidienne, constante, dans la révélation de la présence de Celui qui s’est fait homme pour nous sauver.
En cela, la Vierge Marie est un exemple pour nous. Dans cette attente, elle est le modèle à suivre, parce que la Sainte Vierge, selon l’expression du Pape François, est « une fille simple venant d’un village et qui porte dans le cœur toute l’espérance de Dieu » et par son « oui », par son « fiat », l’espérance d’Israël et du monde entier a pris chair. Le temps de l’Avent, qui commence aujourd’hui, « nous redonne l’horizon de l’espérance, une espérance qui ne déçoit pas parce qu’elle est fondée sur la Parole de Dieu… Une espérance qui ne déçoit jamais parce que le Seigneur ne déçoit jamais ! Lui le fidèle ».
Le « oui » de Marie sans réserve à Dieu, première veilleur dans une vie humble, simple, pauvre, obéissante, fidèle, à travers toutes les difficultés et les épreuves, et c’est par Marie que le Seigneur Jésus se rend visible, se donner à contempler et à aimer.
Comme dispositions mariales à vivre pendant l’Avent, prenons le chemin de l’humilité, porte mariale d’entrée de Jésus en Marie et par Marie pour venir à nous.
Saint Bernard nous exhorte à deux sortes d’humilité : l’humilité de connaissance, l’autre d’amour, appelée aussi l’humilité du cœur.
La première, celle de connaissance, nous enseigne que nous ne sommes rien, et nous en sommes instruits par nous-mêmes, par notre propre faiblesse.
L’autre, d’amour, nous enseigne que la gloire du monde n’est rien, et nous en sommes instruits par « celui qui s’est anéanti, en prenant la condition de serviteur », il s’y est offert lui-même de son plein gré, par amour pour nous.
L’humilité mariale nous introduit dans la charité c’est-à-dire dans l’accueil de l’amour de Dieu en Jésus. Amen.