24e Dimanche du Temps Ordinaire (A) 2023

17 septembre 2023

  • Frère Marie-Jean BONNET Frère Marie-Jean BONNET

INTRODUCTION : FRERE MARIE-JEAN

Nous sommes heureux d’accueillir dans notre assemblée des membres de la Communauté Vie Chrétienne de Laval, et puis vous avez vu ou aperçu ou entendu des Scouts Unitaires de France qui sont, j’allais dire dans nos murs, qui sont plutôt dehors, et qui auront une messe de rentrée cet après-midi, avec leurs parents et leur aumônier. Prions aussi pour eux, pour cette jeunesse, pour qu’elle puisse rencontrer, découvrir, aimer le Christ.

Il y a trois jours, la liturgie de l’Église nous faisait célébrer la fête de la Croix Glorieuse. Et en ces mêmes jours, nos frères juifs célèbrent ou ont célébré le Yom Kippour, le Jour des Expiations, le jour où tout le peuple d’Israël, et autrefois le grand prêtre appelaient le pardon de Dieu sur son peuple. C’est dire combien le pardon et la liturgie de ce jour nous le rappellent justement, combien le pardon dans nos vies chrétiennes est central et vital.

Et bien reconnaissons effectivement d’abord, pour célébrer, avec fruit, cet acte de pardon qu’est l’Eucharistie, le sacrifice du Christ rendu présent. Reconnaissons, combien nous, toujours, inlassablement nous avons besoin de la Miséricorde de Dieu. Reconnaissons que nous avons péché.

HOMELIE : FRERE MARIE-JEAN

Vous avez peut-être lu aussi, en préparant cette liturgie d’aujourd’hui, dans une excellente petite revue liturgique – vous allez deviner – ce commentaire de cet Évangile que nous venons d’entendre. Un commentaire que j’ai trouvé particulièrement pertinent. Et pour ceux qui ne l’ont pas encore lu, qui ne pourront pas le lire, je suis heureux d’en partager quelques extraits, quelques paroles que je trouve particulièrement fortes.

« Combien de fois dois-je lui pardonner ? Jusqu’à sept fois ? » C’était effectivement un sujet de discussion rabbinique, dans les cercles justement, et les plus généreux allaient jusqu’à sept fois, au moins pour le prochain. Alors donc ce commentaire de dire, franchement c’est déjà très généreux, non ?

Peut-être, mais qu’en penserait l’apôtre Pierre qui pose la question si la question était posée en sens inverse ? « Seigneur, lorsque je commettrai des fautes contre mon frère, combien de fois devra-t-il me pardonner ? »

Ce n’est pas mal trouvé. Et là, chacun de nous préfèrerait qu’il n’y ait pas de maximum, oui ou non ? Car nos relations ordinaires, même fondées sur l’amour, n’échappent pas aux accrocs, grands ou petits, faits à l’amour : l’indifférence, l’égoïsme, le manque d’attentions ou de respect. Seul le pardon, reçu et donné, nous garde en lien et en vie.

Et la personne qui commente de continuer : « Imaginons deux fiancés préciser, avant d’échanger leur consentement, qu’ils se pardonneront mutuellement jusqu’à sept fois, et pas davantage. Ce serait ridicule, on le sent bien. Nous savons, et j’aime répéter, que le pardon mutuel, bien sûr, justement, que ce soit en couple, en famille, en communauté, est la clé de l’amour durable. Il n’y en a pas d’autre, le pardon inlassable. »

Pardonner, pourtant, nous est parfois – là ce n’est plus le commentaire – pardonner nous est parfois pourtant si difficile Oui nous le savons bien aussi. Cela nous parait même parfois impossible. Cependant la Parole de Dieu d’aujourd’hui est on ne peut plus claire. Elle met en lumière l’incohérence profonde et finalement l’ingratitude envers Dieu lui-même, qui est la nôtre, lorsque nous refusons le pardon à quelqu’un. Lorsqu’un homme nourrit de la colère contre un autre homme, comment peut-il demander à Dieu la guérison remarque Ben Sira le sage, avec sagesse.

La colère, certes, est une réaction, une émotion, une passion, souvent spontanée, qui peut être légitime, face à un mal objectif. Mais, ce qui est dénoncé ici par Ben Sira le sage, c’est de nourrir cette colère, c’est-à-dire de l’alimenter, de l’entretenir par le ressentiment, par la rancune. La rancune est un cancer spirituel qui détruit de l’intérieur celui qui l’entretient. En se campant, en se cramponnant dans la rancune, l’homme ressemble à une bernique qui s’accroche à son rocher. Il se durcit et se rend lui-même incapable de recevoir la miséricorde de Dieu. « C’est ainsi, dit Jésus, que mon Père du Ciel vous traitera si chacun de vous ne pardonne pas à son frère du fond du cœur. »

Alors, puisque c’est si difficile parfois, quel remède, quel chemin prendre pour toujours pardonner ? Bien sûr et avant tout, demander au Seigneur avec persévérance cette grâce du pardon, car c’est une grâce et nos forces humaines n’y suffisent pas, souvent.

L’Évangile nous invite aussi à prendre conscience de l’infinité du pardon de Dieu. C’est le cœur de notre Évangile d’aujourd’hui, de cette parabole lumineuse que nous offre Jésus, infinité du pardon de Dieu. « Prends patience envers moi », chacun de nous peut faire sienne cette supplication du débiteur insolvable, car loyalement, quand nous essayons de faire la vérité devant le Seigneur, nous sentons bien tout ce qui est à convertir encore en nous. Nous sommes des débiteurs insolvables du pardon de Dieu. Et ceux qui pratiquent la confession fréquente le savent bien. Et normalement justement, un chrétien fervent, un chrétien amoureux de Dieu devrait pratiquer la confession régulière environ tous les mois. Et si on ne voit plus ses péchés, si on ne se sent plus pécheur devant Dieu, c’est probablement qu’on est atteint de cécité spirituelle.

« Oui, prends patience envers moi. » C’est le cri que l’on pourrait crier tous les jours au Seigneur. Ne sommes-nous pas pourtant si souvent entre nous dans la comptabilité, comme Pierre ? Dans le donnant-donnant ? Alors que le Seigneur, lui, est dans le don perpétuel, un don qui est sans limites puisqu’Il se donne Lui-même. Et donc Il est également pardon, don par-delà nos offenses, pardon perpétuel à l’infini. «

Dieu ne se lasse pas de pardonner. », nous a répété si souvent notre Pape François, et c’est vrai. Quel mystère cette patience de Dieu, cette confiance de Dieu, cette espérance, j’allais dire, de Dieu en nous ! Oui, Dieu est pardon perpétuel, à l’infini. C’est ce que chantait ce psaume 102, que l’on appelle le psaume de la Miséricorde justement, qui est magnifique : « Le Seigneur est tendresse et pitié, Il pardonne toutes tes offenses. Il n’agit pas envers nous selon nos fautes », selon le donnant-donnant, heureusement, parce qu’on serait tous foutus. « Il met loin de nous nos péchés. »

La première lecture nous offre encore quelques pistes pour aider à choisir le pardon : « Pense à ton sort final, dit Ben Sira, pense à ton déclin et à ta mort. » Ce n’est pas vraiment à la mode. Le langage du monde c’est plutôt « carpe diem », jouis de l’aujourd’hui. Oui, mais bien sûr qu’il faut bien vivre l’aujourd’hui, c’est aussi dans la spiritualité chrétienne, en n’oubliant pas demain et après-demain et la vie éternelle. Car précisément, c’est en vivant bien l’aujourd’hui, où c’est dans la mesure où l’on n’oublie pas l’éternité, que l’on va faire les bons choix pour aujourd’hui, et c’est aujourd’hui que nous construisons notre éternité, par nos choix.

« La mesure dont vous vous servez pour les autres servira aussi pour vous », nous avertit Jésus. « Pense aux commandements », ajoute Ben Sira. Et alors là, la liste est longue évidemment, les commandements du Seigneur et de Jésus, et en particulier bien sûr, celui qui rejoint notre Évangile, bien sûr : « Aimez vos ennemis, priez pour ceux qui vous persécutent. »

C’est aussi la porte d’entrée du pardon, la prière, sans cesse et toujours, c’est toujours la première chose. Nous sommes incapables d’être juste, justifiés, ajustés à ce que Dieu attend de nous si nous ne prions pas. En priant nous nous mettons dans une attitude de pauvre, de mendiant qui attend tout du Seigneur, et c’est l’attitude juste. « Priez pour ceux qui vous persécutent. » Voilà, la prière, si elle est vraie, si elle n’est pas du bout des lèvres, voilà ce qui permet au Seigneur de transformer peu à peu nos cœurs.

Et cette dernière recommandation, si je puis dire, « pense à l’Alliance du Très Haut ». Cette alliance, qui est nouvelle et éternelle en Jésus, nous sommes en train de la célébrer et elle nous est offerte en chaque Eucharistie. « Elle est un pardon invraisemblable », je cite le père Le Guillou, « un pardon invraisemblable qui couvre tous nos péchés, toutes nos misères. » Un pardon qui n’est pas pitié au sens de condescendance. Mais une ouverture que Dieu nous fait, nous donne. Mais une ouverture pour que son amour nous libère jusqu’au fond de notre être, et nous donne un regard nouveau sur nous-mêmes et nos frères, nos frères qui sont des êtres sauvés par Dieu, sauvés à l’infini, comme nous le sommes nous-mêmes.

AMEN