26e DIMANCHE Du Temps Ordinaire (B)

26 septembre 2021

  • Frère Philippe-Marie VAGANAY Frère Philippe-Marie VAGANAY

Mot d’accueil de Frère Omer : Bienvenue à chacun et à chacune pour vivre cette célébration du Seigneur, nous sommes heureux d’accueillir les Confirmands du doyenné de Laval. Aujourd’hui c’est aussi la journée de prière pour les Migrants et les réfugiés.

Homélie de Frère Philippe-Marie : En chemin, les douze avaient discuté pour savoir qui d’entre eux était le plus grand. Nous nous en souvenons, c’était l’évangile de dimanche dernier. Arrivés à la maison, Jésus leur demande de quoi ils avaient discuté en chemin. Ils se retranchent dans un silence embarrassé… Alors, Jésus leur déclare que celui qui veut être le premier devra être le serviteur de tous, le dernier de tous et le serviteur de tous.
Et c’est alors que Jean cherche à faire diversion en amenant la discussion sur un autre terrain : « Maître, nous avons vu quelqu’un expulser les démons en ton nom ; nous l’en avons empêché, car il n’est pas de ceux qui nous suivent. » Voilà une action d’éclat qui redore le blason des Apôtres : lutter contre la concurrence.
Cependant, inconsciemment, Jean reste dans la même logique de pouvoir, de puissance, de domination. Les Apôtres viennent même de s’arroger l’autorité de Jésus pour interdire à quelqu’un d’expulser les démons, au motif que cet homme ne les suit pas.
Voilà mis en lumière notre instinct de propriété même dans les choses spirituelles. Notre jalousie spirituelle.
Les Apôtres sont jaloux de cet homme qui, bien qu’il ne marche pas à la suite de Jésus, arrivait à chasser les démons, au nom de Jésus, alors qu’eux-mêmes, qui suivaient Jésus, ne sont pas arrivés à chasser le démon qui possédait un enfant. (C’est raconté un petit peu plus haut, dans le même chapitre 9 de saint Marc.)
Voilà bien comment nous fonctionnons si facilement : ces gens-là ne sont pas de notre groupe. Ils ne sont pas de notre chapelle, de notre église. Montrez vos papiers ! Avez-vous le pass pour faire des miracles ? Décidément, le sectarisme n’est pas mort, il existe toujours, même dans l’Église…
Jean voudrait garder pour lui seul la puissance du Christ, en avoir le monopole. Ne jugeons pas trop vite les Apôtres. Regardons-nous nous-mêmes. Ne voudrions-nous pas que l’Esprit-Saint n’agisse que dans notre Église, ou du moins, qu’il agisse dans notre Église plus que chez les autres ? Les témoignages de grâce reçus hors de l’Église catholique ne nous mettent-ils pas un peu mal à l’aise ?
Eh bien, Jésus répond, et nous répond : « ne l’en empêchez pas, car celui qui fait un miracle [littéralement, un acte de puissance] en mon nom, ne peut pas, aussitôt après, mal parler de moi ».
Nous contemplons là l’admirable largeur de vue de Jésus et du Père face à tous les sectarismes, face à toutes les intolérances. Lorsque Josué, auxiliaire de Moïse, veut faire taire Eldad et Médad, parce qu’ils prophétisent dans le camp, en dehors du groupe, Moïse répond « Ah ! Si le Seigneur pouvait faire de tout son peuple un peuple de prophètes ! Si le Seigneur pouvait mettre son esprit sur eux ! ». On n’enchaîne pas l’Esprit. Il est libre. Il agit hors de nos structures. Il y a quelques années, feu Monseigneur Panafieu, avait eu ce mot : « l’Esprit Saint agit sans nous, il agit malgré nous et parfois même, il agit contre nous. » Il parlait au nom des évêques de France.
Et Jésus de déclarer que le bien fait à quelqu’un en tant que discipline du Christ – fût-ce un simple verre d’eau offert – ne restera pas sans récompense. Extraordinaire dignité du disciple du Christ, et, magnanimité extrême, magnanimité du cœur du Christ.
Mais Jésus poursuit en mettant en lumière ce qui vraiment, d’une manière absolue, ne peut être toléré, à savoir : être une occasion de chute pour un seul de ses petits qui croient en lui. Une religieuse qui est maintenant fort âgée, qui est en EHPAD, m’a raconté comment un de ses frères a perdu la foi en voyant les prêtres de son collège faire la course pour voir quel serait celui qui dirait sa messe le plus vite. C’était avant le Concile. Il n’y avait pas de concélébration. Et donc, la chapelle était pleine de petits autels et chaque prêtre disait en même temps la messe, célébrait la messe, et les élèves servaient la messe. Cet enfant était scandalisé de voir comment ces prêtres jouaient avec la messe. Et il en a perdu la foi.
Alors, plutôt que de regarder les autres et de leur accorder ou de leur retirer des droits, Jésus nous appelle à nous regarder nous-mêmes, à nous examiner nous-mêmes : « Si ta main t’entraîne au péché, coupe-la. Si ton pied est une occasion de chute, coupe-le. Si ton œil est une occasion de chute, arrache-le. »
Autrement dit, il n’y a rien de plus terrible, de plus mortel que le péché. Jésus veut que nous n’ayons aucune connivence avec le péché. Il veut que nous éprouvions la détestation du péché, comme lui-même déteste le péché. Alors qu’Il est plein de compassion et de miséricorde pour le pécheur. La détestation du péché, c’est une grâce à demander pour que notre cœur soit vraiment à l’unisson avec le cœur de Jésus.
Pareillement, saint Jacques montre combien le péché, et spécialement le péché d’injustice, est comme la rouille ou comme les mites qui nous rongent. Les apparences peuvent être très belles mais la réalité est pourrie.
Les lectures de ce jour nous rappellent que nous nous sommes fait disciples d’un maître exigeant parce qu’Il est un maître d’Amour et que l’Amour est exigeant. L’exigence de l’Amour est bien autre chose que la domination d’un pouvoir sur les autres.
Et on ne peut entrer dans l’exigence de cet Amour qu’en entrant toujours davantage dans l’intimité d’un tel maître.
Oui, que notre prière, que nos actes, que cette Eucharistie que nous célébrons, nous fassent entrer dans l’intimité de Jésus, de son cœur, de ce maître pour qui nous vivons toujours davantage et afin que nous vivions toujours davantage par lui, avec lui et en lui, offerts au Père et à nos frères. Amen.