26ème Dimanche du Temps Ordinaire (A)

27 septembre 2020

  • Frère Jean François	CROIZÉ Frère Jean François CROIZÉ

Introduction : Hier, nous avions un groupe d’enfants de préparation de première communion ; et au moment de la récréation, un groupe d’enfants se sont adressés à un prêtre pour lui dire : « Veux-tu jouer avec nous à cache-cache ? ».

Jouer à cache-cache c’est essayer de trouver celui qui se cache. Eh bien, peut-être que dans notre vie, je ne sais pas qui joue à cache-cache, est-ce que c’est le Seigneur par rapport à nous, ou nous par rapport au Seigneur, mais peut-être les deux ? Le Seigneur, c’est vrai, il se cache, il se laisse découvrir aussi, notamment dans l’Eucharistie, et aussi dans notre cœur et il nous faut le retrouver pour pouvoir communier avec lui. Le dimanche est une belle occasion justement de se laisser découvrir, d’ouvrir son cœur et d’avoir cette intimité avec le Seigneur pour communier à sa joie et ce qui fait aussi notre bonheur.

Demandons au Seigneur cette ouverture du cœur pour déposer en lui tout ce qui nous efface, nous abîme ou qui nous cache à ses yeux. Demandons pardon.

 

Homélie : Chers Frères et Sœurs, la Parole de Dieu de ce dimanche, à quelle objection de notre temps pourrait-elle répondre ? Je pense notamment à ceci : qu’il n’y aurait pas de liberté dans l’obéissance, et que nous naissons avec des blessures quelles soient psychologiques, sociologiques, peu importe, celles-ci nous entravent et nous aliènent. Les médias s’entendent à diffuser un discours fascinant qui conditionne les personnes et qui peut aller jusqu’à faire perdre le sens des responsabilités personnelles et mettre en échec celles de la croissance et de l’épanouissement de la famille, par exemple. Autrement dit, le fatalisme c’est la maladie de l’homme.

La nouveauté c’est la vie, le désir et la volonté de Dieu, la volonté de Dieu. Oui, la volonté de Dieu, dans la première lecture, c’est la vie et le salut de l’homme dans la vérité et la justice. C’est aussi la prière du psalmiste : « Dirige-moi dans ta vérité, enseigne-moi, tu es le Dieu qui me sauve ». (Psaume 24). L’exhortation de Saint Paul est magnifique d’encouragement dans l’amour fraternel et le don de soi à l’exemple de Jésus qui a pris un chemin d’humilité pour nous sauver.

Jésus, dans l’évangile, nous donne un exemple concret de la liberté dans l’amour, symbolisé par l’attitude de deux fils, représentant deux situations humaines diamétralement opposées, et il précise celle des pharisiens, celle des publicains et des prostituées, il ne justifie ni l’une ni l’autre. La parabole du Père qui envoie ses deux fils travailler à la vigne, comme elle est réaliste ! Chacun de nous peut s’identifier ou à celui qui dit oui, mais désobéit ensuite, ou à celui qui se rebelle à la demande paternelle, mais finit par obéir.

En réalité, le problème est-il celui de la résistance à la demande du père ou celui de la non-reconnaissance du père en sa qualité de père, c’est-à-dire de l’amour qui veut le bien de ses enfants ? Dans le fond, ces deux frères font, je pense, tous deux la même non-reconnaissance : pour tous les deux, le Père est considéré comme un maître qui commande et eux-mêmes se comprennent comme des exécutants.

Le premier accepte tout de suite, veut-il faire croire ce qu’il n’est pas ? Cependant, dès qu’il le peut, il ne respecte pas l’engagement pris. Le second répond clairement : « Je ne veux pas », sans doute préférerait-il faire autre chose, aurait d’autres projets, d’autres intentions ? Cependant « Il se repent ». Le remords prend le dessus et il s’achemine vers la vigne, bon gré mal gré, au travail dans la vigne.

Que comprendre ? La conversion à laquelle nous-mêmes sommes invités consisterait à convertir la crainte servile en amour filial, ce peut-être onéreux. Par cette parabole, le Christ nous indique qu’en se repentant nous pouvons suivre la volonté du Père par attraction d’amour et non par contrainte. Dieu est un Père, plus qu’un maître. Dieu est le Père qui aime et invite à accueillir son amour.

L’amour n’est pas facile, surtout quand il nous demande ce que nous considérons comme des ordres et que nous ne comprenons pas et que nous les vivons comme quelque chose qui limite notre liberté. A ce propos, Jésus nous enseigne que notre liberté exige d’abord la renonciation de notre propre égoïsme, de notre égocentrisme, de notre péché. La marche de l’âme dans la vraie vie est un rapport d’écoute, d’obéissance. Au début, il s’agit certainement d’un renoncement à soi pour sortir de cet état d’aliénation dans lequel le péché nous a placés, pour retourner en pleine possession de notre être en Dieu, en enfant de Dieu.

Notre âme, et par notre âme, nous-mêmes, tout nous-mêmes, nous sommes appelés à vivre, à nous épanouir, à nous dilater de plus en plus, dans l’immensité de l’amour et de la vie en Dieu. C’est pourquoi, l’obéissance est le chemin de la vie. Obéir à l’amour, au fond, c’est être libre. L’obéissance comme conversion de l’amour. Vouloir nous dispenser d’obéir, c’est-à-dire d’écouter la Parole de Dieu et à en vivre, équivaut à nous dispenser de la vie, à rester enfermés dans notre moi, comme étouffés par le péché, aliénés à nous-mêmes, à notre vrai moi, aimé de Dieu, dont l’Amour (avec un grand A) ouvre notre cœur à son amour.

Qu’est-ce qui a pu désarmer le refus de ce fils ? Un certain repentir, son repentir signifie « changer de mentalité, changer sa façon de voir », de voir son père et de voir la vigne. Alors le père n’est plus un maître auquel il faut s’assujettir ou, pire encore, que l’on peut tromper, mais il est le père de famille qui envoie son fils dans la vigne, qui est aussi la sienne, pour une vendange abondante, pour un vin de fête pour toute la maison. Et la fatigue devient pleine d’espérance et d’amour.

Le fils qui « se repentit » avait compris je pense que l’alternative de fond était entre une existence stérile et une existence féconde, qui transforme une vigne délaissée en une vigne fructifiée, et par voie de conséquence, transforme sa propre famille en un lieu de vie, j’allais dire, de paradis en Dieu. Loin de diminuer sa dignité de fils, l’obéissance fait grandir sa liberté et l’ordonne, comme une vocation, pour la mission de cultiver la vigne : c’est symbole de l’Église dans le monde.

Nous pourrions faire une application le jour de l’ordination sacerdotale qui marque les débuts de la mission du prêtre, le moment où l’évêque, au nom de Dieu, l’envoie à aller dans la vigne du Seigneur. Obéir en ce sens, c’est imiter le Christ et participer à sa mission. Celui qui obéit se préoccupe de faire ce que Jésus a fait et, en même temps, ce que Jésus ferait dans la situation où chacun de nous se trouve aujourd’hui.

Dieu « ose » nous confier Sa vigne, Il nous donne Sa « propriété », nous demande de travailler, en confiant son projet de bonté à notre liberté et de le réaliser. L’obéissance de la Vierge Marie qui s’est donnée à Dieu, elle donna sa chair à Dieu, et fit une très haute expérience de liberté. Dieu nous demande la même chose, je pense. Et l’obéissance est notre réponse à son amour. L’obéissance est le fruit de l’amour et un service à l’Amour. Il n’y a pas d’amour sans obéissance et sans amour l’obéissance devient servile.

Pour chaque enfant rebelle à Dieu, mais repenti et capable d’amour, c’est ainsi que le Fils de Dieu a assumé la condition humaine, qu’Il a vécu parmi nous, comme serviteur, et qu’Il a affronté le jugement, le rejet et la condamnation des hommes, qu’Il est monté sur la croix, et qu’Il est mort; mais dans sa mort toute faute a été lavée, et, dans sa résurrection, tout pécheur revient à la vie et devient capable d’aimer Dieu à nouveau, de l’écouter et d’obéir à sa Parole, qui interpelle chacun de nous et tous les jours.

Mais Jésus ne nous met pas seulement en garde contre une religiosité vide, froide et formelle, qui se réduirait à des actes extérieurs sans conviction, il nous invite à cultiver en profondeur la foi et une vraie relation filiale avec Dieu, relation enracinée fortement dans l’amour qui accueille, écoute et obéit humblement.

Jésus est le Fils bien-aimé du Père qui offre son « oui ». Ce fils est le Fils unique de Dieu, Jésus-Christ, qui, en entrant dans le monde, a dit : « Me voici, je suis venu, mon Dieu, pour faire ta volonté » (Hébreux 10,7). Ce « oui », Jésus ne l’a pas seulement prononcé, il l’a accompli, il a obéi et souffert jusqu’à la mort, et la mort de la croix (cf Philippiens 2, 6-8), par amour pour son Père et pour nous sauver.

C’est en toute humilité et obéissance que Jésus a fait la volonté du Père, qu’Il est donc mort sur la croix pour ses frères et sœurs – pour nous – et qu’Il nous a rachetés de notre orgueil, de notre entêtement. L’amour et l’obéissance forment la croix qu’il nous est « donnée » chaque jour de prendre, pour nous sauver et sauver le monde. Le fondement de la croix est l’humilité de Jésus et de Marie. Et comme dit Saint Augustin : « Il n’y a pas de charité sans humilité ».

Alors, accueillons dans l’humble Eucharistie que nous célébrons, ce sacrement de l’unité, de la charité, et devenons ce que nous recevons pour la gloire de Dieu. Amen.