30e DIMANCHE Du Temps Ordinaire (B)

24 octobre 2021

  • Frère Philippe-Marie VAGANAY Frère Philippe-Marie VAGANAY

Mot d’accueil : Nous souhaitons la bienvenue à nos voisins qui viennent célébrer aujourd’hui avec nous, en cette 50année de notre fondation. Cela fait cinquante ans que nous sommes implantés ici et que nous établissons des relations de voisinage, soyez les bienvenus !
Bienvenue aussi aux Cheftaines qui viennent passer une semaine de formation pédagogique. Bravo à vous de consacrer une semaine de vos vacances pour le service des jeunes, des enfants qui vous sont confiés. Je suis sûr que vous repartirez d’ici en dansant.
Bienvenue à la famille Bauchet qui est venue faire mémoire de Jean-Pierre.
Bienvenue à vous tous, fidèles du dimanche.
Nous sommes aujourd’hui à la clôture de la semaine de prière pour les Missions. La Mission, c’est une intention qui doit habiter notre cœur, la Mission c’est, je dirais, dans la logique de notre foi. Si nous croyons qu’avoir la vie de Jésus en nous est le plus beau des cadeaux, eh bien, nous devons avoir cette envie de la partager et c’est ça la Mission. Demandons en cette Eucharistie, pour nous-mêmes et pour tous les chrétiens, cette ardeur missionnaire, ce souci de faire connaître Jésus, qui est notre vie, notre espérance, notre joie.

Homélie : La première lecture que nous venons d’entendre est pleine de joie et d’émotions. On crie de joie, on pleure, on est dans la louange. Pourquoi ? Parce qu’on rentre chez soi, on rentre de l’exil. Par avance, alors que le peuple de Dieu infidèle est en train de partir en déportation, à Babylone, le prophète Jérémie voit le Dieu fidèle à l’œuvre. Il voit à l’avance l’œuvre de Dieu réussir. Il voit à l’avance, le retour des exilés, dans une grande émotion. Tous rentreront, même les aveugles et les boiteux ; il n’y aura pas d’exclus. Eux aussi connaîtront la joie du retour. Cependant, les aveugles resteront aveugles et les boiteux resteront boiteux !…
Dans notre évangile, la joie et la louange sortent de la bouche d’un aveugle qui recouvre la vue sur la seule parole de Jésus. Dernier signe de Jésus avant sa Passion : ouvrir les yeux d’un aveugle. C’est un signe ! C’est comme si Jésus criait à la foule de ceux qui le suivent : « mais ouvrez donc les yeux, vous aussi ! Désirez la lumière comme Bartimée a désiré la lumière ! »
Tous ces derniers dimanches, saint Marc nous a montré le fossé qui se creusait entre Jésus et ses disciples. Il nous a montré combien les disciples s’enfonçaient dans un aveuglement, alors que Jésus leur apportait la lumière : ils en sont encore à rêver d’honneur et de réussite humaine (cf Marc 10, 37), alors que lui leur a annoncé par trois fois sa croix. Jésus leur a affirmé qu’il fallait tout quitter pour le suivre, qu’il fallait perdre sa vie (8, 35), se faire le dernier, s’arracher les yeux, les mains et les pieds pour ne pas pécher (9, 47). Il leur a dit qu’il faut « boire la coupe et recevoir le baptême » où va être plongé Jésus, et se faire « le serviteur de tous » (10, 38.44). Non, décidément, Jésus en demande trop !
Paradoxalement, c’est un mendiant aveugle, démuni de tout, qui va s’ouvrir à Jésus, qui va le suivre vraiment…, jusqu’à monter à Jérusalem derrière Jésus, qui va le suivre jusqu’à la croix !
Bartimée est un aveugle. Comme il est aveugle, il ne peut pas travailler. Il ne peut pas gagner sa vie. Il est donc réduit à la mendicité. Autrement dit, il est renvoyé aux marges de la société.
Dans la symbolique biblique, l’aveugle est l’image même du « pauvre », de celui qui est démuni de tout. Il est le symbole de l’homme laissé à ses seules forces. Le pauvre est, en définitive, le portrait de tout homme, de moi, de chacun d’entre nous. Et c’est, paradoxalement, ce « mendiant-aveugle-assis » qui va devenir notre modèle, le modèle pour les disciples qui « croient voir » et qui ne se rendent pas compte qu’ils sont aveugles.
Si Bartimée ne voit pas, il a des oreilles pour entendre et il sait donner de la voix. Il a perçu de loin la rumeur d’une foule insolite ; il a interrogé les passants. Apprenant que c’est Jésus de Nazareth, il se met à crier : « Fils de David, Jésus, prends pitié de moi ! ». Beaucoup de gens le rabrouent pour le faire taire, mais il crie de plus belle : « Fils de David, prends pitié de moi ! »
Il se trouve toujours des gens pour faire taire le pauvre.. Le pauvre dérange ! Il y a toujours des catégories qu’on ne veut pas entendre : marginaux, immigrés, quart-monde, gilets jaunes, non-vaccinés, manifestants du samedi pour la liberté…
Jésus s’arrête et dit : « Appelez-le ». Que fait Jésus ? Il est en train de mettre ses « disciples » au service des petits, de ceux que l’on ne veut pas voir, qu’on ne veut qu’ils ne se fassent surtout pas entendre.
Oui, Jésus s’adresse aux disciples que nous sommes pour nous dire d’aller au contact des pauvres, des déclassés. Sommes-nous attentifs aux cris qui montent autour de nous ? Et il en monte des cris en ce moment ! Et Jésus nous dit : « Appelez-le ».
Nous clôturons aujourd’hui la semaine de prière pour les missions. Il y a les missions au loin, et nous pouvons porter dans notre prière les missionnaires de notre diocèse, notamment les pères Cyrille Delort et David Journault. Mais il y a aussi des missions au plus près : dans notre village, dans notre quartier, dans notre rue. « Toi aussi, tu as besoin de percevoir la totalité de ta vie comme une mission », nous disait le pape François (cf Gaudete et exultate n° 23). « Tu as besoin de percevoir la totalité de ta vie comme une mission ». Le baptême fait de nous des missionnaires, des relais de la grâce. « Appelez-le ! » nous dit Jésus. « Soyez en sortie », nous dit le pape François. C’est le même message.
« L’aveugle jeta son manteau, bondit et courut vers Jésus. »
Il y en a tant dans notre société qui attendent que nous leur disions : « Confiance, lève-toi, il t’appelle ! »
L’aveugle jette son manteau et il court. Le manteau est la seule propriété du pauvre ; c’est sa seule protection. Bartimée l’abandonne pour courir vers Jésus alors qu’il ne voit pas. Quelle audace ! Quelle confiance ! Quelle leçon !
Il court alors qu’il ne voit rien. Là encore, audace de la confiance.
« Que veux-tu que je fasse pour toi ? » Question qui peut nous paraître étrange et, pourtant, qui est essentielle. Question qui s’adresse à notre liberté : « Que veux-tu ? Que veux-tu vraiment ? » L’homme aurait pu dire : « Je veux 2 dollars » ou 2 shekels, à l’époque ; ou bien « Je veux être hébergé dans un centre d’accueil ! ». Mais il répond : « Rabbouni, que je retrouve la vue. »
Lui qui était plongé dans la nuit a su voir qui était Jésus. Il a su toucher son cœur, et il a été exaucé sur le champ.
« Va, ta foi t’a sauvé. » En mettant sa foi en Jésus, Bartimée n’a pas seulement recouvré la vue, il a été sauvé ! Il n’a pas été seulement guéri, mais sauvé. C’est beaucoup plus profond. Et c’est maintenant quelqu’un qui marche avec Jésus, qui marche à sa suite, qui vit de sa vie. C’est un vrai disciple. Et il a probablement fait partie de la première communauté chrétienne puisque c’est le seul aveugle guéri par Jésus dont on connaisse le nom.
Aujourd’hui, Jésus s’adresse à notre cœur, il nous dit à chacun, à chacune : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » Il nous dit aussi « Appelez-le ».
Alors, écoutons Jésus qui nous interpelle. Écoutons-le vraiment. Amen.