33ème Dimanche du Temps Ordinaire (A)

15 novembre 2020

  • Frère Marie-Jean BONNET Frère Marie-Jean BONNET

Introduction à la Célébration : Eh bien, nous sommes en communion toute particulière, bien sûr, avec tous les fidèles qui sont privés de la participation directe à l’Eucharistie, mais soyez assurés, chers fidèles, chers amis, chers Frères et Sœurs, qu’en participant de tout votre cœur par les réseaux sociaux à cette Eucharistie et à celles qui sont célébrées aujourd’hui, vous recevrez toutes les grâces, les mêmes grâces, que le Seigneur pourrait vous donner en participant physiquement à l’Eucharistie car il voit le désir de vos cœurs et il y répond car sa miséricorde, sa charité, n’a pas de borne : il est juste et bon.
En ce temps éprouvant de nouveau confinement nous pourrions être tentés d’attentisme passif, voir de fuite dans des futilités ou autres. Eh bien non, le Seigneur nous rappelle par sa Parole combien ce temps-ci, comme tout temps, est précieux et peut être habité, justement l’important, il est précieux s’il est habité par la présence de Dieu, qui Lui ne nous fait jamais défaut, qui Lui est toujours avec nous, même s’Il est discret Lui aussi. L’évangile nous dit que : « Le maître part en voyage », mais c’est pour nous dire qu’il nous laisse vraiment et pleinement la liberté et la confiance, Il nous fait confiance, mais il est toujours avec nous pour nous soutenir et nous permettre de porter du fruit en tout temps.
Demandons la grâce d’accueillir de savoir justement accueillir dans la foi ce temps éprouvant que nous avons à vivre et de pouvoir porter aujourd’hui et demain le fruit que le Seigneur attend de nous.
Entrons dans cette Eucharistie en nous reconnaissant pécheurs et en nous livrant à sa miséricorde.

 

Homélie : « Jésus parlait à ses disciples de sa venue », c’était l’introduction de la traduction précédente que j’avais sous les yeux, alors je vais commencer comme ça. Dimanche dernier déjà, l’évangile s’ouvrait par cette même parole : « Jésus parlait à ses disciples de sa venue ». Les derniers dimanches de l’année liturgique tournent nos regards effectivement vers le retour du Seigneur, vers l’accomplissement de l’histoire du Salut, enfin ! J’espère que nous l’attendons, cet accomplissement, après tant de souffrances sur cette terre déchirée ? Dieu viendra remettre tout en ordre, et non seulement remettre en ordre mais donner son achèvement, son accomplissement, sa plénitude à toute sa création si défigurée par le péché des hommes.
Saint Paul lui aussi parle de « la venue du Seigneur », dans cette seconde lecture que nous avons entendue, et rappelant son caractère imprévisible, il invite les chrétiens à la vigilance et à la sobriété. Qu’est-ce que la vigilance chrétienne ? C’est un éveil plutôt qu’une veille, c’est la même racine, mais avec nos ordinateurs on est habitué à mettre en veille, c’est-à-dire en somnolence, mais la veille chrétienne, la vigilance chrétienne n’est pas une somnolence, n’est pas un « standby », c’est au contraire un éveil, au sens où Sainte Elisabeth de la Trinité demandait à la Trinité justement d’être toute éveillée, toute éveillée dans la foi. Voilà, c’est avoir les yeux grands ouverts et non pas dormir d’un œil.
Cette foi qui est une lumière intérieure, la lumière du Christ lui-même, « Je suis la lumière du monde », (Jean 9,5), nous dit Jésus, cette foi qui est une lumière intérieure dans nos cœurs nous fait voir toutes choses comme Dieu les voit dans leur vérité, dans leur profondeur, alors que nous voyons les choses si souvent dans leur superficialité, dans leur superficie, du moins extérieure. Dieu ne regarde pas comme les hommes. Les hommes regardent l’apparence, le Seigneur regarde le cœur et nous invite à regarder, à voir les choses comme il les voit dans leur épaisseur, dans leur profondeur, dans leur vérité.
Oui, « soyons vigilants », dit Saint Paul, « gardez vos lampes allumées », dit Jésus, c’est la même idée.
Alors l’évangile de dimanche dernier nous invitait justement, en nous mettant sous les yeux ces jeunes filles prévoyantes ou insouciantes, nous rappelait que la lampe de la foi, cette lumière de la foi, don gratuit de Dieu, bien sûr, ne peut rester allumée sans une provision d’huile, cette huile qui est le symbole de la charité, car toutes les vertus théologales se tiennent entre elles, ou s’effondrent toutes, on ne peut prétendre avoir la foi sans la charité. Les démons, la foi, ils tremblent, mais c’est une foi qui précisément est morte car ils sont dans la mort, la mort éternelle. Non, la foi réelle agit par la charité, nous dit Saint Paul. « La foi sans la charité meurt », nous dit aussi l’apôtre Jacques (2, 17) dans sa lettre.
On ne garde pas la foi comme on garde des bijoux dans un trésor, illusion ! Oui, j’ai la foi, mais voilà, je fais ce que je veux, mais j’ai la foi ! D’ailleurs, c’était l’erreur de Luther, la grosse erreur de Luther, « Pèche autant que tu veux mais croit encore plus », quelle folie, quelle erreur, comme si on pouvait séparer la foi de la charité, de cette communion de vie avec le Christ. Non, la foi meurt quand on ne la met pas en acte. On ne garde pas la foi comme on garde des bijoux dans un tiroir, mais comme on garde du feu dans la cheminée en l’alimentant. Ou mieux encore, comme on garde un enfant en vivant avec lui.
Car la foi n’est pas d’abord une adhésion intellectuelle à un ensemble de vérités, elle l’est aussi mais en second lieu. Elle est d’abord et avant tout une relation vivante de personne à personne, qui comme toute relation ne peut vivre que si elle est entretenue.
Inversement, on ne perd pas la foi comme on perd un mouchoir, mais on perd la foi quand on la laisse dormir justement, quand on l’enfouit dans la terre de notre cœur comme ce serviteur paresseux de la parabole.
Il est tout-à-fait significatif d’ailleurs, -excursus, je n’avais pas prévu,- de noter combien ce serviteur il est d’abord paresseux, parce qu’il est paresseux il va devenir, enfin c’est un mal d’être paresseux, c’est un péché capital, rappelons-le, capital ça veut dire qui en entraîne d’autres, et précisément ici nous est montré que cette paresse va le conduire à être injuste, injuste envers Dieu, il finit par accuser son maître de dureté alors qu’en fait il est paresseux et il essaie de justifier sa paresse par la peur, autrement dit en accusant Dieu il se fait une représentation de son maître, du moins qui est fausse, qui est injuste. Et voilà combien de fois aussi, voilà, j’ai en tête une lettre que j’ai reçue il y a quelque temps par une personne qui disait justement qui se demandait si elle avait la foi, ou en tous cas sa foi était tout autre, et finalement c’était une accusation de Dieu qui était derrière.
Oui, la foi ne se perd pas, elle se perd quand on la laisse dormir, enfouie dans la terre de notre cœur. « La foi grandit au contraire lorsqu’on la partage », disait Saint Jean-Paul II, autrement dit lorsqu’on en vit, lorsqu’on la partage par la parole, mais surtout lorsqu’on la partage en en vivant, lorsqu’on la met justement en acte, lorsqu’elle agit par la charité.
C’est bien le message que nous donne encore l’Évangile de ce jour dans l’exemple de ces deux serviteurs qui se donnent de la peine pour leur maître, ou dans la première lecture, la femme vaillante qui se donne de la peine pour les siens, mais aussi pour les malheureux. Ces doigts s’ouvrent en faveur du pauvre, elle tend la main aux malheureux.
Et tout-à-l’heure en écoutant, en l’entendant cette première lecture et cette interrogation : « la femme parfaite qui la trouvera ? » Eh bien, nous l’avons trouvée, c’est Marie, la femme parfaite, celle qui craint le Seigneur, cette crainte filiale qui est de justement craindre de ne pas s’ajuster totalement, parfaitement à la volonté de Dieu. Marie est cette femme parfaite qui s’est ajustée à chaque instant à la volonté de Dieu, parce qu’elle aimait cette volonté, elle savait de toute son âme que la volonté de Dieu est toujours ce qu’il y a de bon.
Ce qui me semble encore important à relever dans cette parole, dans cette parabole, c’est cette parole du maître au serviteur fidèle : « Tu as été fidèle pour peu de choses ». Autrement dit, le Seigneur ne nous demande pas la lune, comme on dit, il ne nous demande pas des exploits extraordinaires, d’autant « qu’il donne à chacun selon ses capacités », nous dit encore l’Évangile.
Autrement dit, comme l’a bien compris Saint Augustin : ce que Dieu nous demande, il nous le donne. Nous sommes injustes, il nous donne de pouvoir lui donner. « C’est lui qui produit en nous et le vouloir et le faire », dit Saint Paul, voilà pourquoi l’apôtre s’exclame : « Je peux tout en celui qui me donne la force » (Philippiens 4). Et Dieu sait, si, lui, il avait reçu plus de cinq talents, en tous cas il en avait reçu beaucoup, mais il lui a été demandé beaucoup, et c’est lui qui dit : « Je peux tout en celui qui me donne la force », et quand on entend tout ce qu’il a souffert pour le Christ, on est évidemment époustouflé, mais Dieu lui a donné la force, il a été fidèle.
Le modèle d’une foi active par la charité nous est d’ailleurs donné dans la première lecture, dans cette épouse et mère de famille fidèle, à bien assumer, au bon moment l’ordinaire de sa vie. Pourquoi avons-nous si spontanément l’idée dans notre tête que la sainteté c’est pour les autres ? Non, voilà le modèle que nous donne l’Écriture aujourd’hui, une épouse et mère de famille fidèle dans l’ordinaire de sa vie.
Sainte Thérèse nous a rappelé cela que la sainteté est à notre portée puisque, encore une fois, elle est un don de Dieu à accueillir dans l’ordinaire.
« Tu as été fidèle pour peu de choses », et pourtant même celui qui a reçu un talent, nous savons qu’un talent, je n’ai plus les chiffres en tête, mais c’est une somme énorme, un talent dans l’Antiquité.
Donc Dieu nous donne toujours en surabondance, même celui qui a moins reçu, à ses yeux d’ailleurs, qui sommes-nous pour évaluer, pour nous jauger les uns les autres sur nos talents ? Dieu nous donne en surabondance, pourquoi ? Parce que ce que Dieu nous a confié n’est pas peu de chose, finalement. Une parabole est une parabole, tout n’est pas à prendre au pied de la lettre. Ce que Dieu nous a donné n’est pas peu de chose, il nous a tout donné en son Fils et continue de tout nous donner en se donnant lui même. C’est bien ce que nous vivons notamment dans les sacrements, il nous donne sa vie en surabondance.
Il nous fait totalement confiance comme ce maître, il risque tout pour nous parce que « nous avons du prix à ses yeux ».
Du coup en retour, et c’est justice, et c’est la loi de l’amour, en retour il attend, l’Amour attend en retour, bien sûr, en retour de ses dons infinis et de cette confiance, il attend notre fidélité dans la vie ordinaire, c’est-à-dire que nous soyons accordés, en accord avec cette confiance et la grâce qui l’accompagne toujours.
De cette fidélité dépend notre éternité de bonheur ou de malheur. L’Évangile nous le rappelle, comment peut-on gommer cette vérité, c’est une possibilité terrible d’être séparé de Dieu pour toujours par justement dureté de cœur, égoïsme, dureté, fermeture du cœur à ses appels à la conversion. Oui, de cette fidélité dépend notre éternité de bonheur ou de malheur comme le rappelait le verset de l’Alléluia : « Voici qu’il vient sans tarder, le Seigneur, il apporte avec lui le salaire pour donner à chacun selon ce qu’il aura fait », (Apocalypse 22,12).
Alors, faisons nôtre profondément la prière d’ouverture de cette messe : « Accorde-nous, Seigneur, » accorde-nous – mais bien sûr que le Seigneur veut nous l’accorder, à nous de l’accueillir – accorde-nous, Seigneur, « de trouver notre joie dans notre fidélité, car c’est un bonheur durable et profond de servir constamment le créateur de tout bien. » Amen.