3e DIMANCHE DE CARÊME B

7 mars 2021

  • Frère Philippe-Marie VAGANAY Frère Philippe-Marie VAGANAY

Introduction : Nous souhaitons la bienvenue à la patrouille de scouts de Versailles, et puis au groupe « Chanctification », « che ne chont » pas des auvergnats, ce sont des angevins qui vont nous aider à prier par le chant, donc déjà nous leur disons merci.
Visage de tendresse, c’est précisément vers ce visage de tendresse que nous dirige tout le Carême. Et nous le verrons pendu à une croix, ce visage de tendresse, nous serons invités à le contempler, pour accueillir en nous cette tendresse, pour transformer nos cœurs de pierre en cœurs de chair, pour que ce visage nous transforme au plus profond.
Alors, oui, livrons-nous dès maintenant à ce regard posé sur nous et confessons humblement notre péché.

 

Homélie : J’ai omis de dire, au début de la messe, que c’est aussi aujourd’hui la Fête des grands-mères, donc Bonne Fête à toutes les grands-mères et nous les portons dans notre prière.
Le temps du Carême est un temps de conversion, vous le savez, c’est-à-dire un temps de retournement, de changement d’habitude pour vivre de la grâce de la Résurrection.
On avait des repères, des habitudes, et nous sommes invités à en trouver de nouveaux. Dans ce processus de retournement, au bout d’un moment, nous ne savons plus bien où nous en sommes. Nous perdons nos repères. Est-ce que je progresse ? Est-ce que je régresse ? Est-ce que je monte, est-ce que je descends ? Est-ce que j’avance, ou, comme les Dupont dans le désert, (dans Tintin au pays de l’or noir), est-ce que je tourne en rond ?
Dans cette marche de conversion, dans cette marche dans le désert avec le peuple Hébreu et avec le Christ, j’ai besoin de repères, de balises.
Et le Seigneur vient lui-même à notre  rencontre pour nous donner des repères sûrs : le Décalogue, dix Paroles qui protègent l’homme, dix garde-fous qui nous gardent de tourner en rond ou de nous engager sur de fausses routes.
Le Seigneur se révèle à nous comme étant celui qui nous libère. « Je suis le Seigneur ton Dieu qui t’es fait monter du pays d’Egypte, de la maison d’esclavage ». Le Carême est un chemin de libération : le Seigneur nous a libérés comme il a libéré les Hébreux de l’esclavage d’Egypte, mais il nous faut marcher vers la terre de la liberté, -tout ne tombe pas tout-cuit-. Et cette marche, personne ne peut la faire à notre place, pas même Dieu.
« Tu n’auras pas d’autres dieux en face de moi ». Pourquoi ? Parce que les autres dieux ne sont pas Dieu ; ce sont des dieux illusoires, mensongers. Ils ne peuvent que nous rendre esclave. Le seul Dieu qui libère, c’est le Dieu d’Israël, c’est notre Dieu.
« Tu ne feras aucune idole ». L’idole, c’est un dieu à notre image et nous savons ce que font les hommes quand ils se prennent pour Dieu : ils censurent, ils éliminent tous ceux qui ne sont pas comme eux, qui ne pensent pas comme eux.
« Je punis la faute des pères sur les fils, jusqu’à la troisième et la quatrième génération ; mais ceux qui m’aiment et observent mes commandements, je leur montre ma fidélité jusqu’à la millième génération ».
Alors, faisons un petit calcul, si nous calculons le temps qui nous sépare de Moïse, il y a environ, un peu plus de 100 générations, soit un peu plus de 3000 ans. Or la fidélité de Dieu est promise pour 1000 générations, soit 30 000 ans. Ce qui veut dire que nous en sommes encore seulement à 10 % de la fidélité promise à Moïse. Autrement dit, la bénédiction, la miséricorde l’emportent de loin sur la justice, sur la punition.
« Souviens-toi du jour du sabbat pour le sanctifier ». Là encore la sanctification du sabbat, du jour du Seigneur, le fait de mettre ce jour à part dans la semaine, c’est une œuvre de libération. L’homme ne doit pas être esclave de son travail ou de son employeur. Le travail est fait pour l’homme et non pas l’homme pour le travail. Et il est significatif qu’avec l’effacement de Dieu dans notre société, s’efface par contrecoup le repos dominical, ce jour pour Dieu, pour l’homme, pour l’unité familiale.
« Honore ton père et ta mère », puis toutes les autres paroles du Décalogue qui suivent nous invitent à respecter les autres. Chaque personne est digne de respect, et d’abord ceux qui nous ont donné la vie, c’est-à-dire ceux qui nous ont transmis la bénédiction de Dieu. Car la vie est le fruit de la bénédiction de Dieu. Si je suis en vie, c’est que je suis béni. Et je dois respecter toute personne, car en toute personne repose la bénédiction de Dieu. Et par contrecoup je dois respecter les biens de toute personne.
Le désert nous fait perdre nos repères, mais ces dix Paroles de Dieu sont notre boussole.
La croix aussi peut nous faire perdre nos repères. La croix nous prend toujours à contre-pied.
Les Juifs réclament des signes miraculeux, les Grecs recherchent une sagesse, mais Dieu nous présente la croix, le Messie crucifié : « scandale pour les Juifs, folie pour les Nations païennes ».
Sur le chemin du Carême, le Seigneur nous invite à regarder longuement son Fils, le Messie crucifié. Il nous demande de faire taire nos cris scandalisés devant la croix, nos idées bien logiques. Il nous demande de seulement regarder, dans le silence des pensées du cœur, le Crucifié. Ce n’est qu’ainsi que pourra descendre en nous cette sagesse de Dieu qui transformera notre cœur et le retournera pour nous faire connaître la vraie puissance de Dieu : celle de son amour vainqueur du mal.
Le désert, la Croix, peuvent nous faire perdre nos repères ; des actions surprenantes de Jésus aussi.
Jésus qui chasse les vendeurs du Temple. Remarquez que les Juifs ne demandent pas à Jésus pour quelle raison il pose ce geste subversif. Ils ont bien compris ce qu’il faisait. Mais il lui demande : « quel signe peux-tu nous donner pour agir ainsi ? » Autrement dit, par quelle autorité fais-tu cela ?
Et Jésus de répondre : « Détruisez ce sanctuaire (et non pas ce Temple), et en trois jours je le relèverai ». Le Sanctuaire était la partie la plus sacrée du Temple, le Saint des Saints, dans lequel ne pouvait pénétrer que le Grand Prêtre, une fois par an, parce que c’est là que reposait la présence de Dieu, la Shekhina.
En trois jours, Jésus relèvera, ressuscitera ce sanctuaire. À la lumière de la Résurrection, Jean comprendra qu’il parlait du Sanctuaire de son corps, le véritable Sanctuaire. Alors, lui et les disciples croiront à l’Écriture et à la parole que Jésus avait dite.
C’est la lumière de la Résurrection qui est le repère définitif de notre marche dans la foi. Cette lumière de la Résurrection jaillit de chacun des quatre Évangiles. D’où l’importance de lire assidûment l’évangile pour avancer, sans risquer de nous tromper, sur notre chemin de conversion. Ce n’est pas pour rien que le Livre des Évangiles est remis aux catéchumènes qui se sont engagés dans ce chemin de conversion. Mais ce n’est pas pour qu’une fois baptisés, nous refermions ce Livre et que nous laissions la poussière s’accumuler.
Le Décalogue, la Croix de Jésus, la lumière de la Résurrection sont les trois « instruments » indispensables pour nous guider en ce temps de Carême. Ils nous conduiront sans risque d’erreur vers Pâques, vers le Ressuscité et vers notre propre résurrection. Amen.