4e DIMANCHE du Temps Ordinaire (A) 2023

29 janvier 2023

  • Frère Philippe-Marie VAGANAY Frère Philippe-Marie VAGANAY

INTRODUCTION : Frère Philippe-Marie

Nous sommes heureux d’accueillir Jean-Luc Boulvert, diacre de Nantes, qu’on connait un petit peu maintenant. Et puis nous accueillons aussi les Messagers et Messagères de Marie Mère du Rédempteur qui, à quelques jours de notre fête patronale, vivent un moment fort.

Le chant d’entrée nous invite à monter sur la montagne, parce que c’est Jésus qui est monté le premier sur la montagne, pour nous donner la Charte du Royaume, un appel au bonheur, « heureux ». Mais qui est aussi un appel à nous mettre en marche. En hébreu, c’est la même racine qui dit « heureux » et « aller en avant, marchons ». Voilà, le Seigneur nous invite à nous mettre en route pour le suivre, pour aller toujours plus loin, dans l’amour.

Au seuil de cette Eucharistie, reconnaissons nos manques de dynamisme, nos manques de courage, peut-être notre paresse, notre lassitude, et venons déposer tout cela dans le cœur plein de Miséricorde du Seigneur, au moment où nous célébrons ce mystère de l’Eucharistie. Oui, reconnaissons que nous avons péché.

 

HOMELIE : Frère Philippe-Marie

Les lectures que nous avons entendues, nous ont fait entendre des textes qui remontent à fort longtemps. La première lecture, tirée du prophète Sophonie, date du VIIème siècle avant J.C. La deuxième lecture et l’Évangile datent de 1950 ans environ. Et pourtant, ces lectures ont quelque chose à nous dire aujourd’hui. Elles sont toujours actuelles, parce que la Parole de Dieu est vivante. C’est une Parole vivante, vivifiante, et donc la Parole de Dieu ne vieillit pas.

Sophonie vécut dans le royaume de Juda, sous le règne du roi Josias. Le royaume du nord, celui de Samarie a été envahi et est parti en déportation un siècle plus tôt. Pourtant ce royaume du nord, qui était fait de terres fertiles, était riche. Mais, avec la richesse, s’en étaient suivies la corruption, la débauche, l’injustice, l’idolâtrie. Malgré sa richesse et sa puissance militaire, le royaume de Samarie a été balayé, on n’en reparlera plus. D’où l’appel de Sophonie pour le royaume de Juda à ne pas recommencer. Aux mêmes causes, les mêmes conséquences.

Le royaume de Juda est situé au sud, sur des terres arides, désertiques, et donc beaucoup plus pauvres. Mais, la tentation de la richesse, de l’idolâtrie a atteint aussi le royaume de Juda. L’intuition de Sophonie est que le salut de Juda ne pourra pas venir par les puissants, mais qu’il viendra par les humbles du pays.

Et c’est à eux qu’il s’adresse : « Cherchez le Seigneur vous tous, humbles du pays, qui accomplissez sa loi. » Les humbles, ce sont ceux qui sont sans pouvoir, ceux qui sont courbés, pauvres. C’est par eux que peut passer le salut, que peut venir le relèvement. C’est tout le paradoxe de la foi qui est contenu en cela.

Ce qui leur est demandé, ce n’est pas de faire des choses extraordinaires, ni des actions d’éclat, mais c’est de chercher le Seigneur, tout simplement, si je puis dire. Chercher le Seigneur, c’est le mettre en premier dans notre vie. Sainte Jeanne d’Arc, Jeannette comme on l’appelait, une pauvre elle aussi, l’avait bien compris : « Messire Dieu premier servi ».

Chercher le Seigneur, c’est chercher à s’ajuster à lui, et c’est cela chercher la justice. C’est chercher à nous ajuster au Seigneur dans tous nos actes, en toutes circonstances. C’est vivre sous son regard, dans un cœur à cœur avec lui.

Alors, le Seigneur annonce qu’il laissera un peuple pauvre et petit. Ce sera un petit reste, mais ce petit reste fera la joie et la consolation de Dieu, parce qu’il prendra pour abri, c’est à dire pour protection, le Nom du Seigneur. Ce sera un peuple qui ne mettra plus sa confiance en lui-même, en ses capacités, en ses armes, en ses alliances politiques, mais uniquement dans le Nom du Seigneur. Autrement dit, ce sera un peuple qui prendra Dieu au sérieux, et qui mettra toute sa confiance en lui seul.

Le peuple pauvre et petit, c’est, dans notre Évangile, celui qui va s’approcher de Jésus, se grouper autour de lui, lui le berger doux et humble de cœur. Dans les versets qui précèdent immédiatement l’Évangile que nous venons d’entendre, Saint Mathieu nous dit qui étaient ces foules qui s’approchaient de Jésus : des malades, des infirmes, des gens qui souffrent de toutes sortes de tourments.

Ce peuple pauvre et petit, annoncé par Sophonie, ce sont tous ces bras cassés qui suivent Jésus et dont il va faire son Royaume. Et il en sera de même au début de l’évangélisation, Paul avait dû fuir Thessalonique puis Bérée, pourchassé par les Juifs furieux de son enseignement. Il a fallu qu’on l’emmène à bonne distance de là. Alors, on le conduisit à Athènes. Là, il annonça Jésus et la résurrection aux philosophes qui se moquèrent de lui, le traitant de perroquet. Bref, ce fut un échec auprès de ces sages.

Il arrive alors au port de Corinthe, et là, ce sont des conversions en masse. Mais qui sont ces convertis ? Nous l’avons entendu dans la deuxième lecture : « Parmi vous, il n’y a pas beaucoup de sages aux yeux des hommes, – il a un souvenir cuisant des sages d’Athènes – ni de gens puissants ou de haute naissance. Au contraire, ce qu’il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi, pour couvrir de confusion les sages. Ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi, pour couvrir de confusion ce qui est fort, […] ainsi aucune chair ne pourra s’enorgueillir devant Dieu. »

Aujourd’hui où nous voyons l’Église, au moins en France et en Occident, se réduire comme une peau de chagrin, aujourd’hui où nous la voyons perdre toute influence, nous pouvons peut-être être tentés par le découragement. Nous pouvons avoir envie de baisser les bras et de nous dire « à quoi bon ? ». C’est là qu’il nous faut écouter à frais nouveau l’appel de Sophonie : « Cherchez le Seigneur vous tous les humbles du pays qui accomplissez sa Loi. Je laisserai chez toi un peuple pauvre et petit. Il prendra pour abri le Nom du Seigneur. »

C’est à ce peuple, pauvre et petit, que Jésus dit : « Heureux les pauvres de cœur, car le Royaume des Cieux est à eux. » Oui, nous serons vraiment heureux, dans la mesure où nous rechercherons le Seigneur, par le murmure constant de sa Parole, par la prière, par les sacrements, par la solidarité avec le prochain. Heureux les miséricordieux, ils verront le visage du Christ, en pratiquant les œuvres de miséricorde. Et même si nous n’étions plus que nous seuls, tous seuls, cela vaudrait quand même le coup. Il en suffit d’un seul, pour apporter la joie de l’espérance à beaucoup.

L’abbé Michel Guérin est en cela un témoin éloquent. Cet homme pauvre et petit, sans moyens, a transformé sa paroisse, parce qu’il a cherché le Seigneur toute sa vie, et qu’il a pris pour abri le Nom du Seigneur.

Alors oui, la Parole du Seigneur est toujours actuelle. Elle est pour nous aujourd’hui, chacun personnellement. Prenons-la dans notre vie, et nous ferons l’expérience du secours de sa Grâce, et cette expérience nous rendra alors vraiment heureux.

AMEN