3e DIMANCHE du Temps Ordinaire (A) 2023

22 janvier 2023

  • Frère Jean François	CROIZÉ Frère Jean François CROIZÉ

INTRODUCTION : Nous sommes heureux d’accueillir aussi les guides des Scouts Unitaires de France qui, courageuses, ont passé la nuit sous tente. Voilà. Merci aussi à chacun de vous d’être là, de répondre à l’appel du Seigneur.
C’est le Dimanche de la Parole de Dieu, institué par le Pape François, et surtout le Dimanche, c’est le jour de la Parole. Il y a un dimanche plus particulier pour sensibiliser notre attention à la présence du Seigneur dans sa Parole. C’est très important parce qu’il y a une action particulière du Seigneur dans sa Parole, qui est Lui-même, qui se donne à travers sa Parole et aussi dans l’Eucharistie.
Eh bien, reconnaissons devant le Seigneur que nous avons une dette, une très grande dette de reconnaissance dans le don de Lui-même, le don de Dieu à travers sa Parole, qui est une parole de vie.
Entrons dans l’Eucharistie en reconnaissant que nous avons péché.

 

HOMÉLIE : Chers frères et sœurs, la procession d’entrée dont j’ai porté l’Évangile, et cet Évangile qui est la Parole de Dieu, je l’ai déposé sur l’autel. Le symbole est très fort, ce qui veut dire que la Parole de Dieu nous conduit à l’Eucharistie. La Parole de Dieu, c’est vraiment la présence de Dieu, et nous communions au Corps et au Sang du Seigneur qui est une parole de vie pour nous.
Or, nos paroles à nous, eh bien : il y a peu, lors d’un voyage je me trouvais entre des gens qui étaient italiens, et pendant tout le voyage, qui a duré plus de deux heures, l’échange des paroles était extrêmement soutenu, et n’a pas baissé pendant plus de deux heures et demi, et au bout d’un moment, je me suis endormi. Incroyable notre capacité d’entretenir une parole, je ne sais pas ce qu’ils racontaient, mais je me disais en moi-même : « mon Dieu », il n’y a pas eu une seconde d’interruption. Nous avons une capacité d’endurance de ce côté-là et il peut faire moins vingt, ça ne change pas le débit, contrairement à l’eau qui gèle.
Nous savons que nous avons cinq sens naturels qui sont la vue, l’ouïe, l’odorat, le toucher et le goût. Ce sont cinq sens d’accueil dont on dit qu’ils sont des portes d’entrée pour appréhender le réel, nourrir une pensée, dont notre parole ne sera que la résultante, et Dieu sait si nos paroles sont très abondantes, et pourtant nous ne disons pas que la parole est un sixième sens. Or, il n’y en a qu’Un qui soit Parole, avec un « P » majuscule, c’est le Christ, le Verbe c’est-à-dire la Parole, le Verbe fait chair, c’est la Parole éternelle du Père. Et cette Parole est une lumière et elle est vie : « Lumière née de la Lumière », venue en ce monde pour éclairer tout homme.
Et donc, la Parole de Dieu, nos cinq sens, ce sont des sens d’accueil de cette Parole qui est là pour porter du fruit en nous. Nous avons entendu avec Isaïe qui était répétée cette phrase dans l’Évangile : « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière. Sur ceux qui gisaient dans le pays de l’ombre, une lumière a resplendi ». Il y a un philosophe qui s’appelle Michel SERRES qui affirme que, avant la venue du Christ, nous étions dans la civilisation de la nuit, c’est-à-dire une civilisation d’angoisse. Il ne savait pas très bien ce qu’il se passait après la mort. D’où pour les Égyptiens, notamment les pharaons, qui pensaient que tant qu’il resterait quelque chose de leur corps, eh bien, ils continueraient à exister dans le temps, d’où ces pyramides qui sont des cryptes, c’est-à-dire quasiment impénétrables pour ne pas que leur crypte soit violée, et qu’il reste quelque chose, et ça leur donnait l’impression qu’ils pouvaient durer dans le temps.
Or, avec le Christ, la venue du Christ, dit Michel SERRES, nous sommes entrés dans la civilisation du jour, car le Christ est la Résurrection et la Vie, et depuis que le Christ est venu, Il nous a révélé et le Père et l’Esprit, c’est-à-dire cette vie en Dieu à laquelle nous sommes appelés. Et le Christ est le Soleil Levant, la Résurrection et la Vie.
Or, cette présence de Dieu s’est manifestée de deux façons au Peuple élu, ce peuple choisi qui a été visité par Dieu, donc d’une part, Il s’est manifesté par la Table des dix commandements c’est-à-dire les dix Paroles que contenait l’Arche d’Alliance, et d’autre part ce peuple, lors de la traversée du désert, était précédé d’une nuée lumineuse. La Parole est lumière et vie, parole et lumière, symboles de la présence de Dieu au milieu de son peuple.
Ainsi le psalmiste chante : « Le Seigneur est ma lumière et mon salut, de qui aurais-je crainte ? Le Seigneur est le rempart de ma vie devant qui tremblerais-je ? »
Et cette lumière nous est révélée dans la Parole de l’Évangile, nous l’avons entendu : « Pays de Zabulon et pays de Nephtali, route de la mer et pays au-delà du Jourdain, Galilée des nations ! Le peuple qui habitait dans les ténèbres a vu une grande lumière. Sur ceux qui habitaient dans le pays de l’ombre de la mort, une lumière s’est levée. À partir de ce moment, Jésus commence à proclamer : « Convertissez-vous, car le royaume des Cieux est tout proche. » »
Ce royaume révélé, c’est Jésus Lui-même. Et la Parole de Jésus qui est Lumière et qui chasse les ténèbres, c’est un appel à sortir des ténèbres par la conversion, car le Royaume des Cieux c’est Lui-même, c’est à dire, il se fait au sens propre du mot « Metanoia », changement dans la manière de penser, changement d’esprit, transformation de l’âme. La « conversion », ce renouvellement de l’homme intérieur, et l’idée de repentir et de pénitence ne sont que des applications et illustrations de l’invitation de Jésus à se tourner vers Lui, à avancer vers la lumière. Le Messie nous invite à nous convertir à la lumière de la vérité de sa Parole et la béatitude de l’amour. C’est cela.
Donc la première conversion consiste à ouvrir son cœur, c’est-à-dire à accueillir cette Parole, à croire, à croire au Verbe d’amour. « Dans la mesure où la foi est liée à la conversion, elle est l’opposé de l’idolâtrie. Elle est une rupture avec les idoles pour revenir au Dieu vivant au moyen d’une rencontre personnelle ». C’est une rencontre personnelle.
Croire signifie ; s’en remettre à un amour miséricordieux qui accueille toujours et pardonne, soutient et oriente l’existence. Ça donne un sens à notre existence. Et la foi consiste dans la disponibilité à se laisser transformer toujours de nouveau par l’appel de la Parole de Dieu, d’où l’importance chaque jour de fréquenter, d’accueillir la Parole de Dieu, qui est une présence de Dieu. (cf. Pape François, Lettre Encyclique « Lumen Fidei », n° 13)
Et Saint Paul dénonce justement les divisions qui déchirent l’Église de Corinthe ; ce sont des querelles de mots, de personnes qui apparaissent lorsque la lumière du Christ, la Parole de Dieu, est abandonnée au profit de luttes intestines, « ce qui réduit à rien la croix du Christ », dit-il. Il nous faut donc être vigilants, être fidèles à la Parole de Dieu accueillie, méditée quotidiennement, elle est notre nourriture pour la vie. Dès que la Parole disparait, ce sont des paroles d’hommes qui font place, d’où ensuite les dissensions, les prises de position, et tout ce qu’on veut.
Et la Parole de Dieu a vraiment nourri la foi de générations entières. Elle en a fait des saints qui s’en sont nourris avec constance, et le concile Vatican II, dans la constitution « Dei Verbum », dit ceci : « Il est nécessaire que tous conservent un contact continuel avec la Sainte Écriture…, à travers une méditation attentive, et qui se rappelle que la lecture doit être accompagnée par l’oraison. Il ne suffit pas de lire, il faut s’en nourrir. C’est certainement l’Esprit Saint qui a voulu que cette forme d’écoute et de prière sur la Bible ne soit pas perdue à travers les siècles ». La présence de Dieu parmi nous, c’est sa Parole.
Alors est-ce bien sérieux d’aller au Seigneur dans la prière seulement quand il y a un trou dans nos engagements, comme si le Seigneur était un bouche-trou ? Nous connaissons ce refrain : « je n’ai pas le temps ». Souvent, j’entends ça ,et pendant le temps de la journée, ce temps est à notre service ; nous ne devons pas être l’esclave du temps.
Et que les paroles et les images virtuelles n’étouffent pas la Parole ! En cela aussi, il nous faut être vigilants. Si les paroles et les images quotidiennes sont si abondantes, envahissantes, quel « primat » peut avoir concrètement la Parole de Dieu sur elle ? Celles-ci, par leur ampleur, ces paroles humaines, peuvent étouffer la voix divine et ne pas permette que cela croisse et donne son fruit. Eh bien, ce dimanche de la Parole de Dieu nous demande de ne pas rester un dilettante, un écoutant paralysé en face de ce qui devrait être un vrai chemin de conversion.
Chaque jour dans la Parole du Seigneur, elle nous crie : « Oh, si vous écoutiez ma voix ! N’endurcissez pas votre cœur ». Le cœur dur trouve dure la Parole de Dieu, et cela peut arriver aussi aux croyants : « Cette parole est dure, qui peut l’entendre ? » Demandons alors au Seigneur pour toute personne dans laquelle le cœur est un symbole, « un cœur large, un cœur qui écoute », comme Salomon l’a demandé au Seigneur. Il avait demandé la sagesse.
Eh bien, c’est le Saint Esprit qui a présidé à la génération de la Parole. C’est Lui qui l’a faite, Marie l’a écoutée, elle s’est incarnée en elle, -une parole parlée, parole écrite-, à travers les prophètes, les sages, les évangélistes. C’est Lui qui l’a donnée à l’Église. Nous recevons cela comme un trésor. Il l’a fait venir intacte jusqu’à nous.

Eh bien, Inspirée par l’Esprit Saint, seul ce même Esprit peut la rendre compréhensible, (cf. Dei Verbum, n° 12). C’est l’Esprit qui donne la vie. Eh bien, accueillons nous aussi la Parole. Elle a chanté en Marie. C’est pour ça qu’elle disait : « Le Seigneur fit pour moi des merveilles, Saint est son Nom ».
Son cœur est un lieu liturgique, toute sa personne est un temple. La parole de Jésus est un appel et une communion et une communion est une mission. C’est ainsi que la Parole a généré les vocations, cet appel de Pierre, de Jean, de Jacques et des autres disciples. Lorsqu’ils ont entendu la Parole du Seigneur : « Suivez-moi », eh bien, ils ont répondu.
Demandons au Seigneur cette écoute, cette docilité du cœur, cette rencontre avec le Seigneur, cette nourriture, afin que nous puissions communier à son Corps et à son Sang en vérité afin qu’ils deviennent, que nous devenions sa présence, son temple, que nous puissions Le transpirer dans nos gestes, nos paroles, notre agir humain. AMEN.