7e DIMANCHE Du Temps Ordinaire (C)

20 février 2022

  • Jean-Luc Boulvert, diacre permanent de Nantes Jean-Luc Boulvert, diacre permanent de Nantes

Introduction à la Célébration (par Frère Philippe-Marie) : Nous souhaitons la bienvenue à Jean-Luc Boulvert, Diacre permanent du Diocèse de Nantes ; les lecteurs assidus de « Vivre Marie » l’auront peut être reconnu puisqu’il apparaissait en vignette dans le dossier du dernier bulletin, une excellente revue pour laquelle vous pouvez souscrire un abonnement.
Bienvenue aussi aux Cheftaines venues en semaine de formation, en camp école, bienvenue à vous Tous, toutes les personnes qui nous rejoignent par Radio Fidélité et les réseaux sociaux.
Le Seigneur est tendresse et pitié, voilà ce que nous venons de chanter, l’Évangile nous  invitera à devenir nous-mêmes tendresse et pitié à l’image de Dieu, c’est le sommet de la vie chrétienne, aimer nos ennemis, nous savons combien nous avons de chemin à parcourir pour parvenir à cet amour, à la ressemblance de l’Amour du Père et du Christ.
Alors au seuil de cette célébration de l’Eucharistie, avant de célébrer le Mystère de l’Eucharistie, reconnaissons que nous avons péché.

Homélie de Jean-Luc Boulvert (diacre) : Chers frères et sœurs en Christ, permettez-moi, en tant que hôte de cette hôtellerie, de ce Prieuré, diacre permanent du diocèse de Nantes, de remercier les Frères pour leur accueil toujours chaleureux et fraternel, et il est heureux qu’il y ait des lieux comme celui-ci pour que les Baptisés puissent venir puiser à la Source.
Frères et sœurs, les textes de ce dimanche sont une invitation à approfondir le sens de notre vie chrétienne, la manière dont nous vivons notre baptême. Alors je vous propose de réfléchir ensemble à 3 questions :
Première question : Qui est mon ennemi ?
Deuxième question : Est-ce optionnel d’aimer ses ennemis ?
Puis enfin : Comment aimer ses ennemis ?
1ère question : Qui est mon ennemi ? Vous avez entendu aujourd’hui le Christ : « Aimez vos ennemis, faites du Bien à ceux qui vous haïssent. »
A cela beaucoup d’entre nous seront tentés de dire : « mais, moi, je n’ai pas d’ennemi ! ». En sommes-nous si sûr ? Mais quel est mon ennemi personnel ? Est-ce Vladimir Poutine qui orchestre les bruits de bottes aux portes de l’Europe ? c’est pas très personnel. Est-ce que c’est cet islamiste de Daech, caché derrière l’église de Bazougers et qui m’attend en embuscade avec sa Kalachnikov ? Avouons que c’est peu probable.
Alors ce matin, je vous propose la définition du Père Bernard Jozan, curé du Pouliguen et du Croisic en Loire-Atlantique, il dit ceci : « mon ennemi, c’est celui ou celle dont la présence me gêne. Mon ennemi, c’est celui ou celle dont je me dis, ce serait quand même mieux si il ou elle n’était pas là. » Alors, vous voyez, là ça devient concret… on pense à ce voisin gênant, à cette belle sœur que l’on n’aime pas beaucoup, à ce paroissien qui nous fatigue, à cette cheftaine, ou cette guide qui est pénible…, peut-être même, à son époux, son épouse, peut-être à ce frère de communauté qui nous agace. Alors, Seigneur, viens me convertir pour que je puisse le voir comme tu le vois, avec ses talents, ses qualités, ses limites et ses fragilités.
« Faites du bien à ceux qui vous haïssent ». J’ai un ami professeur des écoles en Seine et Marne, à l’est de Paris, qui s’appelle Gilbert. Un homme très croyant et très engagé dans la défense de la vie. C’est un sujet important pour lui, et c’est important ! Et quand on va chez lui, nous prenons toujours un temps de prière dans un petit oratoire qu’ils ont emménagé avec sa femme dans leur maison. Dans cet espace de prière, il y a de très belles icônes, il y a une bougie, des fleurs, et les photos du Pape Jean-Paul 2, du Pape François, de Mère Térésa et de quelques autres saints importants pour eux. Mais il y a également la photo du président de la République en exercice, du député de Seine et Marne et du maire de Meaux, leur commune. Je sais qu’il ne partage les options politiques des uns et des autres, mais je sais aussi que, tous les jours, Gilbert et sa femme prient pour eux.
Je m’autorise une petite parenthèse : puisque dans quelques semaines, nous aurons, les uns et les autres, en conscience, une échéance électorale importante ; voilà, dans un discernement personnel, quels sont les candidats qui attisent les divisions et qui éveillent nos pulsions revanchardes, ou ceux qui, malgré tout, ont le désir de concorde des Français qui, reconnaissons-le, sont bien différents les uns des autres.
Voilà, qui est mon ennemi ?
2ème question : Est-ce optionnel d’aimer son ennemi ? Il y a un peu la réponse dans la question : mais les chrétiens de souche qui avons été baptisés, confirmés depuis longtemps, qui avons à cœur de pratiquer notre foi, nous écoutons cette parole-là depuis tant d’années que nous n’y faisons plus attention. Et aujourd’hui, le Seigneur nous dit, (pas de chance) : « Aimez nos ennemis, faites du bien à ceux qui nous maudissent, priez pour ceux qui nous calomnient, présentez l’autre joue… » Ces paroles sont pour aujourd’hui et elles ne sont pas optionnelles ou secondaires, elles sont, au contraire, le cœur de la foi chrétienne.
Il y a toujours eu dans l’Église cette tentation (c’est pas nouveau) de classer ou de hiérarchiser les chrétiens bien comme il faut et les autres (ceux qui ne sont pas chrétiens). D’un côté, ceux qui connaissent bien la théologie, la liturgie et la morale, et les autres, avec dans le lot des hommes et des femmes de bonne volonté et aussi des personnes qui ont des paroles très dures pour les chrétiens.
Que nous enseigne l’Évangile ? Que dit Jésus à ses disciples ? d’aimer même ceux qui ne nous aiment pas. De faire aux autres ce que l’on voudrait qu’ils fassent pour nous. De vouloir le bien même des ingrats et des méchants. De ne juger personne, de ne condamner personne. Dans l’Évangile que vous connaissez bien, Jésus passe beaucoup de temps avec les publicains, les pécheurs, et cela agace les pharisiens.
Jésus ne parle pour ainsi dire jamais de théologie, de liturgie et de morale. Ça ne signifie pas que ce n’est pas important, au contraire, la théologie, la liturgie et la morale sont indispensables et précieuses pour rencontrer Dieu et pour vivre notre vocation de baptisés. Mais notre vocation de baptisés n’est pas de nous enfermer dans un palais spirituel en jugeant les autres ou en se considérant comme assiégés par des ennemis. Notre vocation chrétienne, c’est de rencontrer Dieu et d’en vivre pour en témoigner au monde. C’est quand on sort de l’église (tout à l’heure, dans 45 minutes) que le combat spirituel commence, dans le quotidien de l’amour du prochain, en s’efforçant de le vivre, en vérité.
3ème question (la plus difficile) : Comment aimer ses ennemis ?
Soyons clairs, frères et sœurs : ce que nous demande Jésus est impossible à vue d’homme. Car nous sommes des vases d’argile, fragiles et que nous ne pouvons rien faire sans Dieu. Saint Paul nous le dit dans la seconde lecture de ce jour : « de même que nous aurons été à l’image de celui qui est fait d’argile (c’est Adam), de même nous serons à l’image de celui qui vient du Ciel », le Christ, qui vient nous apporter l’Esprit, qui vient nous transfigurer.
L’Esprit-Saint, nous l’avons reçu à notre Baptême, nous avons affermi sa Présence le jour de notre Confirmation : soit c’est un talent qui est enfoui mais qu’on a, qu’on a reçu, soit qu’on le déploie, il faut s’en servir, l’Esprit-Saint, cela veut dire l’invoquer : Seigneur, je ne suis pas capable d’aimer mon ennemi, viens à mon aide
Si nous demandons à Dieu, dans une prière sincère, de venir nous habiter, alors nous deviendrons temple de l’Esprit, malgré tout notre passé, nos misères et notre péché, car Dieu est plus grand que notre cœur. Et si nous demandons et acceptons de devenir temple de l’Esprit, deux miracles se produiront :
1er miracle : nous comprendrons les paroles du Christ, aujourd’hui, et nous serons rendu capables de ne pas juger, de ne pas condamner et de faire nôtre cette parole du Christ à la Samaritaine : « Que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre ». On sera rendu capable de cela.
2ième miracle : si nous invoquons l’Esprit-Saint, du fond du cœur, en sincérité, nous aurons la force de Dieu pour endurer ce qui nous blesse, les attaques, les incompréhensions et les insultes ; et c’est vrai qu’être chrétien dans le monde n’a jamais été facile et cela reste difficile aujourd’hui.
La scène racontée dans l’Évangile de saint Luc aujourd’hui, suit directement la proclamation des béatitudes par Jésus qu’on a entendu dimanche dernier ; cela se passe juste après. Par les béatitudes, Jésus s’adresse d’abord aux disciples qui ont choisi de le suivre. Il leur dit : Heureux vous les pauvres… Heureux vous qui avez faim… Heureux quand on vous repousse et qu’on vous insulte… » Traduisons : vous qui me suivez, chrétiens de la Mayenne, aujourd’hui en 2022, voilà ce que vous récolterez : la pauvreté, la faim ; vous pleurerez de découragement dans l’entreprise d’évangélisation, vous serez même persécutés, mais… vous avez fait le bon choix ! » Vous serez rassasiés, consolés et heureux. Vous n’êtes pas parti pour récolter les honneurs ni la richesse, mais vous avez fait le bon choix puisque vous avez su reconnaitre en Jésus le Sauveur ! »
En conclusion, Frères et sœurs, et à quelques jours du Carême, le 2 mars prochain, demandons humblement au Seigneur de venir guérir nos peurs, nos blessures, de venir nous aider à discerner comment nous pouvons mieux aimer nos ennemis, c’est-à-dire ces personnes proches de nous qui nous gênent. Demandons-lui surtout de venir habiter en nous pour nous rendre capable d’aimer jusqu’à endurer les critiques et les vexations. C’est un beau chemin vers Pâques. C’est notre participation au chemin de croix qu’a enduré Jésus, lui qui désire tant nous entrainer à Lui, nous faire vivre de sa résurrection, dans une joie immense, qui dépasse tout ce que nous pouvons imaginer. Le Seigneur vous aime ! Amen.