BAPTÊME DU SEIGNEUR (B)

10 janvier 2021

  • Frère Philippe-Marie VAGANAY Frère Philippe-Marie VAGANAY

Introduction : Dans l’évangile, nous entendrons Saint Jean-Baptiste dire : « Moi, je vous baptise avec de l’eau ; Lui vous baptisera dans l’Esprit-Saint ». Voilà la volonté de Jésus : nous baptiser, nous plonger dans l’Esprit-Saint, c’est notre vocation : être complètement immergé dans l’Esprit-Saint, dans l’amour du Père et du Fils. Mais pour cela, il faut d’abord être plongé dans l’eau, c’est-à-dire reconnaître notre péché, car le péché qui est la rupture de l’amour empêche cette réception de l’amour de Dieu, cette réception de l’Esprit-Saint.
Alors au seuil de cette Eucharistie où nous allons être justement aspergés de l’eau qui nous rappelle notre baptême, eh bien, intérieurement, demandons au Seigneur le pardon de tous nos péchés, réconcilions-nous les uns avec les autres, enlevons de notre cœur toute amertume, tout ressentiment, pour pouvoir alors accueillir cette plénitude de l’Esprit-Saint.

 

Homélie : L’événement du Baptême du Seigneur est d’une richesse et d’une densité qui dépassent notre entendement. Tout l’Évangile s’y trouve concentré, annoncé. Nous sommes un peu devant cet événement comme lorsque nous sommes éblouis par une forte lumière et que tout nous apparaît noir tout d’un coup.
En Occident, le Baptême du Seigneur fait partie des épiphanies de Jésus. En Orient, cette Fête a pour nom la Fête des théophanies, la Fête des manifestations de Dieu.
Jean le Baptiste commence à annoncer « Celui qui doit venir » comme « plus fort que lui ».
Lui, Jean, n’est pas digne de s’abaisser pour défaire la courroie de ses sandales.
Qu’est-ce que vient faire cette mention de la sandale de Jésus ? Qu’est-ce que cela veut bien dire pour que les quatre évangiles le relèvent ? Eh bien, il faut aller chercher dans le livre du Deutéronome, à propos de la loi du lévirat : lorsqu’une femme perd son mari sans laisser d’enfant, le frère du défunt doit la prendre pour épouse pour lui susciter une descendance. Et si celui-ci refuse, le Deutéronome dit ceci : elle « s’approchera de lui en présence des anciens, lui ôtera sa sandale du pied, lui crachera au visage et prononcera ces paroles : « Ainsi fait-on à l’homme qui ne relève pas la maison de son frère ». (Deutéronome 25, 8-10).
Autrement dit, Jean le Baptiste en disant qu’il ne peut pas faire cela, désigne Jésus comme l’Époux d’Israël, comme celui qui vient relever la maison de David ; c’est lui le Rédempteur d’Israël, le Rédempteur de l’homme. Cet homme, inconnu de tous, qui vient se faire baptiser par Jean, c’est le Rédempteur de l’homme.
Et Jésus descend dans l’eau. En s’incarnant, Jésus avait déjà fait une descente inimaginable : l’égal du Père, le Très-Haut, s’est fait fils d’homme, petit enfant. Non content de cela, il va descendre plus bas encore : déjà au plan géographique, il va descendre dans le lieu le plus bas de la planète, plus bas que Jérusalem, plus bas que Bethléem, plus bas que Nazareth, il descend dans le Jourdain à 421 mètres en dessous du niveau de la mer.
Jésus est baptisé, plongé dans le Jourdain. Autrement dit, il prend le chemin de l’abaissement, de l’humiliation en rejoignant les pécheurs publics qui confessent leurs péchés, en se faisant purifier par Jean. Parlant de Jésus, Saint Paul dira que Dieu « la fait devenir péché pour nous » (2e Corinthiens 5,21). Quelle descente !…
C’est alors que Jésus a pris sur lui l’humiliation des pécheurs, qu’il voit les cieux se déchirer. Selon Saint Marc, seul Jésus est témoin de cette « déchirure » par laquelle va passer l’Esprit-Saint. Non seulement les cieux s’ouvrent, mais en Saint Marc, ils se « déchirent ». Nous nous souvenons de cette prière ardente du Prophète Isaïe que nous avons entendue pendant le temps de l’Avent, Isaïe qui s’écriait : « Ah ! si tu déchirais les cieux et si tu descendais » (Isaïe 63,19).
Depuis qu’Adam avait voulu un bonheur à sa mesure, c’est-à-dire sans Dieu, et s’était replié, refermé sur lui-même, et du fait même il avait fermé les cieux.
Jésus, en se reconnaissant pécheur au nom d’Adam et de toute l’humanité, fait que les cieux se déchirent. Dieu peut à nouveau passer.
Le Baptême de Jésus est un acte prophétique qui annonce la croix. Lorsque Jésus mourra humilié sur la croix, c’est alors que le rideau du Temple se déchirera par le milieu. L’accès à Dieu sera définitivement ouvert. Le Baptême de Jésus est une anticipation de la croix.
C’est par cette déchirure que passe l’Esprit-Saint qui va apparaître « comme une colombe ». Dans le langage apocalyptique, la particule « comme » est utilisé pour suggérer précisément ce qui n’est pas « visible ». Nous sommes en pleine théophanie où se révèle ce qui n’est pas visible. Et c’est l’humiliation de Jésus qui provoque cette manifestation divine.
L’Esprit-Saint se laisse percevoir, entrevoir, et une voix venant des cieux se fait entendre : « Tu es mon Fils bien-aimé, en toi je trouve ma joie ».
Les auditeurs de ces mots, et ces auditeurs sont tous ces pécheurs qui venaient se faire baptiser, ces auditeurs ont tout de suite compris le sens de ces mots : en effet, à chaque sacre d’un nouveau roi à Jérusalem, on prononçait sur lui cette phrase, tirée du psaume 109 : « Tu es mon fils, aujourd’hui je t’ai engendré », tu es mon fils.
Autrement dit, le Père lui-même prononce sur Jésus la phrase rituelle d’investiture pour en faire le nouveau roi d’Israël, le nouveau David.
Nous avons donc au Baptême du Seigneur un concentré de révélation : l’humiliation de Jésus ouvre les cieux et permet la première révélation explicite de la Sainte Trinité, Jésus est là, le Saint-Esprit se laisse entrevoir, la voix du Père se fait entendre. Jean-Baptiste désigne Jésus comme étant le Rédempteur d’Israël, et le Père investit Jésus de la royauté d’Israël.
Après la Résurrection, les disciples comprendront que cette royauté est non seulement pour Israël mais qu’elle est universelle, et que Jésus est le Fils éternel du Père, pas seulement un homme adopté.
Mais Jean, le Baptiste, avait aussi déclaré à notre endroit : « Moi, je vous ai baptisé dans l’eau, lui vous baptisera dans l’Esprit-Saint ». Le baptême de Jésus nous concerne donc aussi !
Le baptême chrétien c’est cela : être plongé, immergé dans l’Esprit-Saint.
Nous sommes tous tentés, à cause du milieu athée et matérialiste dans lequel nous sommes immergés, de mettre le « salut » de l’humanité dans le prolongement de nos efforts, de nos attitudes humaines les plus chargées de valeurs. Or la révélation biblique nous apprend que l’homme ne s’accomplit totalement qu’en s’ouvrant à une réalité supérieure : l’Esprit de Dieu. Ce n’est pas nos œuvres qui nous sauvent, c’est d’être plongés, c’est accepter d’être plongés dans l’Esprit de Dieu. !
Au Baptême du Seigneur, les cieux sont déchirés. Eh bien, que nos cœurs se laissent aussi déchirer, se laissent ouvrir, pour que l’Esprit-Saint puisse passer, puisse nous envahir, pour que l’amour du Père nous submerge et que, nous aussi, nous puissions nous entendre dire : « tu es mon Fils bien-aimé, en toi je trouve ma joie ». Alors, en Lui, nous aurons trouvé notre identité, notre vocation. Amen.