DIMANCHE DU SAINT-SACREMENT Messe (A) 2023

11 juin 2023

  • Cardinal Philippe BARBARIN Cardinal Philippe BARBARIN

Homélie de la Fête Dieu, Année A, Dimanche 11 juin 2023, Mgr Philippe Barbarin

Introduction : [Frère Jean-François] Chers amis, soyez les bienvenus ! C’est une joie pour Dieu, une grâce pour toute l’Église et pour chacun de nous, de célébrer la solennité du Très Saint Sacrement du Corps et du Sang du Christ, notre Seigneur.

Pour nous aider à célébrer, à honorer et à adorer dignement le Christ Seigneur, dans son mystère d’amour, nous avons la joie d’accueillir le cardinal Philippe Barbarin. Merci Monseigneur d’avoir accepté de présider cette journée comme pasteur. Aidez-nous à grandir dans la foi, la ferveur et dans l’amour de l’Eucharistie, nous donner le goût de Dieu.

Oui, chers frères et sœurs, pour la gloire de Dieu, que notre louange, notre chant, soutenu par la chorale, face vibrer le cœur et les murs de cette église. Amen

[Mgr Barbarin] Frères et sœurs bien-aimés, cette solennité du Saint Sacrement du Corps et du Sang du Christ, dans le peuple de Dieu, on l’appelle la Fête Dieu. C’est un magnifique résumé, parce que c’est certainement le plus beau cadeau que Dieu nous a fait. Celui de Sa présence dans ce Pain vivant consacré, notre grande joie, le centre, le cœur de notre foi. Demandons au Seigneur de vivre cette Eucharistie dans une grande foi et commençons par Lui demander Son pardon pour nos péchés et pour tous les péchés de nos frères et sœurs du monde entier.

Homélie : [Mgr Barbarin] Frères et sœurs bien-aimés, pour la fête du Saint Sacrement, l’Église choisit des textes magnifiques, splendides. Dans l’Ancien comme dans le Nouveau Testament, nous comprenons que le plus beau cadeau que Dieu nous ait fait, c’est manger de ce Pain et ce Pain c’est le Corps de son Fils.

Et donc on reprend cette histoire depuis le début. Le peuple de Dieu auquel Il, Dieu, a fait attention si profondément tout au long de son histoire. « Souviens-toi, dit Moïse au peuple d’Israël, la longue marche que tu as faite. Le Seigneur veillait sur toi. Il t’a fait passer par la pauvreté. Il voulait, il voulait te tester, il voulait t’éprouver, savoir ce que tu as dans le cœur. »

C’est peut-être un premier appel, dans la première lecture : est-ce que je vais communier comme un pauvre ? Avec mes mains avancées comme ça, comme un mendiant. Peut-être savez-vous, frères et sœurs que la première Béatitude, traduite habituellement par « heureux les pauvres en esprit » serait plutôt ici « heureux les mendiants ». On peut on peut avoir des richesses intellectuelles, humaines, sociales, financières, mais devant Dieu on sera toujours un mendiant, voilà.

Et je viens pour manger ce Pain vivant descendu du Ciel et que mon Baptême soit vivant, pour écouter un peu de cette Parole, qui va me fortifier intérieurement. Je veux te faire passer par la pauvreté. Voilà. Est-ce que tu avances avec un cœur de pauvre ?

Et une phrase célèbre d’ailleurs dans cette première lecture : « On ne vit pas seulement de pain, mais de tout ce qui sort de la bouche du Seigneur. » Célèbre, parce que Jésus lui-même l’a utilisée, quand il a été testé, attaqué par le démon. Il répondait, les trois fois d’ailleurs, avec un passage de la Bible, de ce livre du Deutéronome que nous lisons aujourd’hui. Parce que, pour les Juifs, le Deutéronome, c’est un concentré de toute la Torah. C’est un truc comme l’Évangile pour nous, si vous voulez.

Et quand Jésus chasse le démon, ce qui lui vient à l’esprit, ce n’est pas : « Tais-toi, pousse-toi de là, etc. » Il va puiser dans la Parole de Dieu et il dit : « non, car il est écrit ». On voit Jésus habité par cette Parole de Dieu, comme à nous, il nous est demandé aussi d’être habités par l’Évangile. Pour que la Parole de Dieu présente en nous dans notre mémoire, sur nos lèvres, dans notre cœur, soit toujours notre force, dans les situations de difficultés ou d’adversité.

Et dans la seconde lecture, un texte merveilleux, où vient deux fois le mot « communion » : « communion au Sang du Christ », « communion au Corps du Christ ». Mais encore plus étonnant surtout, le mot « corps », voilà dans la fin de la première épître aux Corinthiens. Peut-être la connaissez-vous bien. Il est toujours question de ce corps. Il part du corps de Jésus. C’est important la communion, le Corps de Jésus, que les enfants nous le disent ou que nous nous souvenions de notre propre enfance.

Et en fait, c’est ce Corps qui sera ma force tout au long de ma vie. D’abord, parce que je vais le manger comme un Pain vivant, descendu du Ciel. Et parce qu’il va m’agréger au Corps du Christ, où il y a beaucoup de membres et où Saint-Paul nous dit que le Christ est la tête. Et pour que je sois à l’intérieur de ce Corps, il faut que le sang coule aux artères, il faut qu’il soit vivifié intérieurement. Dans la fin de cette première épître aux Corinthiens, c’est toute une longue méditation sur le corps, qui d’ailleurs à la fin va aboutir à notre avenir.

Vous savez pourquoi je vous dis tout ça ? Parce qu’un jour, vous ressusciterez. Alors faites attention à votre corps. Il est très sain et destiné à la lumière. Il nous dit même le sang qui coule dans les artères. C’est dans le chapitre d’après. Vous le connaissez bien, quand il dit : « la charité, la charité supporte tout, endure tout, la charité, la charité, la charité ». L’hymne à la charité.

Quand on le voit venir en plein milieu de ce grand développement sur le corps, c’est pour nous faire comprendre que ce qui doit circuler à l’intérieur d’une communauté religieuse chrétienne, à l’intérieur de l’ensemble de l’Église, c’est la charité. Et c’est elle qui fait que nous sommes un seul Corps. C’est elle qui nous met en communion les uns avec les autres, dans ce corps.

Et puis petit à petit, d’ailleurs, dans les écrits de Saint Paul, on voit comment sa comparaison travaille dans sa tête. Et il dit : « ben dans ce corps, dans ce corps, la tête c’est Jésus ». Nous nous sommes habitués, et c’est intéressant de voir comment la pensée se développe en lui. C’est une comparaison qu’il aime, qu’il enseigne aux Corinthiens, puis aux Éphésiens, puis aux Philippiens.

Et au fur et à mesure de sa prière, comme pour nous au fil des années, les choses changent, évoluent et s’enrichissent. Et il dit : « Il faut que le sang coule aux artères et que nous, nous soyons vraiment reliés au Christ, qui est notre tête, qui est notre chef, qui est à faire l’unité de tout le corps. »

Voilà donc pourquoi aussi nous communions. Si je mange le Corps du Christ, alors je serai encore plus enraciné, dans ce grand corps de l’Église, dont le Christ est la tête. Et ainsi l’Église pourra parcourir les chemins, annoncer l’Évangile aujourd’hui. Nous avons là notre mission et notre vocation de témoins et de messager de l’Évangile.

Et puis, bien sûr, à la fin, dans l’Évangile d’aujourd’hui, arrive un très grand « Je suis ». « Je suis le pain vivant descendu du ciel. Quand vous allez communier, au fond, c’est Moi. Je me donne à vous dans mon Corps, mon Sang, mon Âme, ma Divinité – comme on nous a appris au catéchisme. » Et c’est toute la personne de Jésus qui est là et qui vient.

En fait, les « Je suis », dans l’Évangile, vous le savez bien, c’est presque comme une litanie, vous savez. Au chapitre 8 et 9, quand Il parle de l’aveugle, Il dit : « Je suis la lumière du monde. » Ah oui, il y en a des aveuglements et des cécités. Ça c’est vrai, qu’il y en a, dans notre vie, dans le monde. Il y a aussi des aveugles qui physiquement ne voient pas. « Je suis la lumière du monde. Si je guéris un aveugle, c’est parce que je voudrais que vous compreniez qu’il faut sortir de votre cécité et voir la lumière du monde dans la personne de Jésus. »

Des fois, vous hésitez sur votre chemin. Et Jésus dit aussi encore un autre « Je suis » bien célèbre : « Je suis, Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie. » C’était une question naïve de Thomas. On aime bien Thomas parce qu’il est assez naïf et naturel. Et il dit : « Le chemin ? Bah, alors montre-nous le chemin. » Et avec cette question assez banale, vous arrive une réponse en or : « Je suis le Chemin, la Vérité, la Vie. » « Je suis la Lumière du monde. Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie. »

A d’autres moments, comment Il s’occupe de nous. Dans le chapitre 10, de ce même Évangile de Saint Jean, où il y en a comme une litanie. Il dit : « Je suis le Bon Pasteur. Je vous connais. Je connais mes brebis, Je sais ce qui se passe dans votre cœur et Je vais veiller sur vous. Et mes brebis, parfois, elles s’égarent, mais J’irais les chercher. Je suis le Bon Pasteur. » Le Bon Pasteur, il aime, il connaît ses brebis et il fait attention à elles. C’est extraordinaire.

C’est une vraie litanie au fond, tous ces « Je suis », comme celui que nous rencontrons aujourd’hui : « Je suis le Pain vivant, descendu du Ciel. » Et nous, chaque dimanche, nous venons à la messe et nous disons : « Bah oui, je mange le pain à la maison, tous les jours, pour nourrir mon corps. Mais le Jour du Seigneur, je viens manger le pain du Seigneur, qui est le Corps du Seigneur, pour fortifier ma foi pour que pour qu’elle soit vivante. »

En fait, au centre de l’Évangile de Saint Jean, je ne sais pas si vous le connaissez bien, il y a une phrase qui est centrale, au chapitre 11 et au verset 25. On connaît très bien cet Évangile d’ailleurs, c’est l’Évangile de la résurrection de Lazare. Il a été mis exprès en plein centre de l’Évangile de Saint Jean. Et au moment où Il va ressusciter Lazare, les gens se rapprochent et disent : « Ben non, ça fait déjà trois, quatre jours qu’il est là. On ne va pas enlever la pierre. Il a déjà été enterré. » Et là, il y a cette phrase extraordinaire de Jésus qui dit : « Je suis la Résurrection et la Vie. »

Ça, c’est notre grande espérance. Ma vie, ma vie, elle a ses fragilités et puis elle passe des obstacles. Des fois, il y a des chutes et des maladies, ou des blessures. De toute façon, il y a une fin et à la fin, on a l’impression qu’elle va s’écraser contre la muraille de la mort. Et alors beaucoup de gens sont désespérés à cause de cela.

Et nous, dans notre foi chrétienne, nous avons ce qui est le centre de notre foi. C’est-à-dire que quand le Christ est allé sur cette muraille de la mort, Il a percé une brèche, c’est sa résurrection. C’est la plus belle définition de lui.

Il y en a des « Je suis » dans cet évangile de Saint Jean, mais peut-être celui que nous préférons, que nous aimons le plus, c’est : « Je suis la Résurrection et la Vie. » Donc pour nous, là est notre plus grande espérance.

Cependant, aujourd’hui, il y en a un qui est assez étrange. Il y a un « Je suis », mais pas d’attribut derrière. Alors là, évidemment, c’est assez surprenant voilà. « Moi je suis le pain vivant descendu du ciel. » Mais, dans le chapitre 8, il nous dit : « Avant qu’Abraham fut, Je suis. » Et on a l’impression que la totalité de l’être de Dieu est là pour nous bénir, pour veiller sur nous et sur notre route.

Alors pour tenir et rester fidèle, aujourd’hui, Il nous donne cette consigne. C’est la fête de l’Eucharistie, la fête du Saint Sacrement du Corps du Christ. Et donc, on a cet Évangile-là, bien sûr. « Je suis le Pain vivant descendu du Ciel. » Alors, venez, mangez-en en régulièrement et vous aurez cette force en vous. La force du « Je suis », qui vous permettra de continuer votre propre route. Et d’être, à nous tous, d’être, ce que chacun d’entre nous, nous sommes, dans notre chemin d’humanité et de Foi, derrière celui qui a dit : « Je suis le grand ‘Je suis’ de l’humanité toute entière. »

C’est une belle litanie, parcourir l’Évangile de Saint Jean, relever tous ces « Je suis ». Et chaque dimanche se sentir appelé à aller participer à la messe et à la communion, avec cette phrase qui est le trésor de l’Évangile d’aujourd’hui : « Je suis le Pain vivant qui est descendu du Ciel pour vous nourrir. » Amen.