MERCREDI DES CENDRES 2024

14 février 2024

  • Frère Jean François	CROIZÉ Frère Jean François CROIZÉ

INTRODUCTION : PÈRE JEAN-FRANCOIS

Mercredi des Cendres nous ouvre le temps du Carême. Entendons l’appel à la conversion : « au nom du Christ, nous vous le demandons, laissez-vous réconcilier avec Dieu. […] C’est maintenant le moment favorable, c’est maintenant le jour du salut ».

Le temps du Carême, qui commence aujourd’hui, ne prend pleinement son sens que si notre regard est tourné vers son terme, c’est-à-dire la célébration pascale, l’offrande de Jésus sur la croix, et sa résurrection d’entre les morts. Pour tout baptisé le temps de Carême est un approfondissement du Baptême. Au jour de notre Baptême, nous nous sommes engagés à suivre Jésus Christ inconditionnellement, et le Carême est là, pour reprendre chaque année l’élan qui nous a portés à Jésus.

Par le sacrement de Pénitence, de Réconciliation, par une prière plus régulière et appliquée, nous nous remettons dans la dépendance filiale de Dieu notre Père. Par une sobriété dans la nourriture, les distractions, et autres excès de notre civilisation de consommation, nous remettons de l’ordre dans notre vie qui oublie si facilement l’essentiel. Par le partage fraternel et l’aide à ceux qui sont dans le besoin et la nécessité, nous reconstruisons des relations de fraternité, là où nous nous contentons si souvent de nous supporter les uns les autres.

Et en ce mercredi des Cendres, entrons résolument dans une démarche de conversion avec les moyens spirituels que nous offre l’Église. Et le signe liturgique des cendres qui seront posées sur notre tête avec l’appel à la conversion et à croire à l’Évangile, marque le début de notre itinéraire des quarante jours vers Pâques.

HOMÉLIE : PÈRE JEAN-FRANCOIS

Frères et sœurs, aujourd’hui, nous commençons, sous le regard du Père, avec le Seigneur, l’aventure du Carême. La Parole de Dieu nous donne l’esprit dans lequel nous devons le vivre, les moyens à entreprendre, et la finalité vers laquelle il oriente notre espérance, le désir de Dieu, pour notre bonheur.

Tout d’abord, le prophète Joël nous aide à entrer dans l’esprit du Carême. Il a exercé son ministère dans les années 400 avant Jésus-Christ. Nous sommes après l’exil à Babylone, le Temple est reconstruit, le sacerdoce est au service du culte, il est question des prêtres serviteurs du Seigneur. Tout semble aller pour le mieux, ça fonctionne, et pourtant…

Le contexte est celui d’une catastrophe qui s’est produite ou qui menace de se produire. Il est fait mention d’une invasion soudaine de sauterelles qui entraine la famine, et en conséquence la mort. Et le prophète tire la sonnette d’alarme, il appelle le peuple de Dieu à une liturgie pénitentielle pour se convertir, pour faire pénitence, afin que Dieu mette fin à ce fléau. Et c’est dans ce sens que la liturgie du Carême recourt à cette clameur du prophète.

Que réclame-t-il ? La réponse est : tout de suite, c’est urgent, faites pénitence. Le texte commence par « maintenant ». C’est donc le ‘maintenant’, le ‘tout de suite’ de l’entrée en Carême.

Et pourquoi ? Pour la conversion dans le sens d’une relation à Dieu : « Revenez à moi de tout votre cœur. » Revenez au Seigneur votre Dieu. La véritable conversion n’est pas d’abord un travail sur soi-même, ascétique, pour répondre à une image idéale de soi, de perfection. Il s’agit de venir et de revenir vers le Seigneur.

Et qui est concerné ? Le prophète Joël mentionne tout le peuple, démarche communautaire, ecclésiale. Il est écrit : « Réunissez le peuple, les anciens, les petits enfants, les nourrissons, les jeunes mariés, les prêtres. » Cela a du sens pour entrer en Carême, tout le peuple de Dieu est concerné.

Et comment vivre l’entrée en Carême ? Dans une liturgie publique appelée « fête solennelle », « annoncez une fête solennelle ».

Et par quels moyens vivre ce Carême ? Réponse du prophète : « Le jeûne, les larmes, le deuil, prescrivez un jeûne sacré ». Il y a donc une insistance sur le jeûne, comme privation de nourriture, et sur la dimension pénitentielle de pleurer ses péchés.

Quelle forme de prière propose-t-il ? Une prière d’intercession : « Pitié, Seigneur, pour ton peuple ! » Intercession, supplication. Nous voulons dire au Seigneur : regarde Seigneur notre contrition. Cette prière véhémente s’adresse à un Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour.

Et quelle est l’issue de cette démarche de pénitence et de conversion ? C’est la conclusion de l’adresse du prophète Joël : « Et le Seigneur s’est ému en faveur de son pays. Il a eu pitié de son peuple. » Cette affirmation est au passé, comme si déjà le peuple avait l’assurance d’être exaucé du Seigneur.

Et en ce jour de conversion et de pénitence, il nous faut redécouvrir la prière d’intercession personnelle et communautaire, le jeûne pour une vie renouvelée dans la grâce de notre Baptême.

Le pape François disait ceci : « L’ascèse de Carême est un effort, toujours animé par la Grâce, pour surmonter nos manques de foi et nos résistances à suivre Jésus sur le chemin de la croix. […] Le chemin ascétique du Carême a comme objectif une transfiguration, personnelle et communautaire, ecclésiale. Une transformation qui trouve son modèle dans celle de Jésus et se réalise par la grâce de son mystère pascal. »

Oui, le temps de Carême qui commence aujourd’hui, ne prend pleinement son sens que si notre regard est tourné vers son terme, c’est-à-dire la célébration pascale, l’offrande de Jésus sur la croix, et sa résurrection d’entre les morts.

Les cendres, signes de vulnérabilité, de mort, ont pour vis-à-vis au terme de cette quarantaine, un feu, signe de force et de vie. Le Carême nous prépare à vivre avec le Christ le passage de la mort à la vie, et cela est d’autant plus marquant pour les catéchumènes qui seront baptisés dans la nuit de Pâques.

Dans l’Évangile, Jésus nous donne le sens de la démarche du Carême : ce que vous faites pour devenir des justes, gardez-vous de vous faire remarquer des hommes, sinon il n’y a pas de récompense pour vous auprès de votre Père qui est aux Cieux.

Jésus nous donne un enseignement de sagesse humaine et spirituelle. Au fond, le Carême qui plait à Dieu est celui que Jésus a assumé lorsqu’Il fut conduit au désert par l’Esprit Saint pendant quarante jours, c’est-à-dire une profonde intimité avec son Père, habité de la Parole de Dieu, accompagné par le jeûne.

Comme Marie, laissons l’Esprit Saint œuvrer en nous. C’est l’Esprit de Jésus qui prie en nous, qui se livre en nous, pour nous orienter vers le Père. L’ascèse que nous devons mener sous l’action de l’Esprit Saint est une participation au combat et la victoire du Christ, car « c’est maintenant le moment favorable, c’est maintenant le jour du salut », nous rappelle St Paul. Amen.