NATIVITÉ DU SEIGNEUR (Noël) NUIT 2021

24 décembre 2021

  • Frère Jean François	CROIZÉ Frère Jean François CROIZÉ

Introduction : « Merci mon Dieu ! Merci mon Dieu ! » C’est cette prière que nous avons entendue pendant cette veillée, cette action de grâce, cet émerveillement de cette visitation de Dieu dans la nuit.
Cette nuit, dans la faiblesse extrême de sa naissance, Jésus aussi est né de Marie dans la nuit de Bethléem. Il est entouré, vénéré, adoré par les petits du royaume. En cette nuit, les anges s’en donnent à cœur joie. Ce que nous célébrons, vénérons, adorons en la naissance de Jésus, Marie le vit dans sa chair. Il est le premier des « tout-petits », de ces petits qui nous font entendre encore aujourd’hui, l’histoire, oh combien actuelle, que notre veillée nous a fait revivre. Un récit simple pour nous immerger dans l’événement qui change pour toujours notre histoire. Tout, dans cette nuit de Noël, devenait source d’espérance. Le ciel et la terre sont unis dans une même louange et adoration devant l’Enfant-Jésus, le Fils bien-aimé du Père. Alors nous aussi, soyons dans la joie de Dieu.

Homélie : Chers frères et sœurs, joyeux Noël ! C’est vraiment cette nuit où il nous faut vivre ce temps dans la joie et l’espérance.
La nuit de Noël que nous célébrons, vient transfigurer, -oui-, en lumière et joie, l’épreuve subie par Marie et Joseph où ils se trouvaient à affronter la chose peut-être la plus difficile : arriver à Bethléem et faire l’expérience que c’était une terre qui ne les attendait pas, une terre où il n’y avait pas de place pour eux. Il est des exodes chargés d’espérance, chargés d’avenir; mais dans beaucoup d’autres, l’exode a un seul nom : la survie.
Et justement là, dans cette situation qui était un défi, Marie nous a offert l’Emmanuel. Le Fils de Dieu a dû naître dans une étable parce que les siens n’avaient pas de place pour lui. « Il est venu chez lui -nous dit Saint Jean- et les siens ne l’ont pas reçu. » (Jean 1, 11). Et là… dans l’obscurité d’une bourgade qui n’a ni espace, ni place pour ces derniers arrivants qui viennent de loin, dans l’obscurité d’une cité encombrée, précisément là, s’allume l’amour de la tendresse de Dieu. À Bethléem, s’est ouverte une petite brèche pour eux qui ont tout perdu : leur terre, leur patrie, leurs rêves mais pas leur joie de vivre. Ils avaient avec eux l’essentiel.
Heureux sommes-nous, en cette nuit, le ciel et la terre sont unis pour accueillir une naissance, celle de Jésus né de Marie. Nuit de Noël, nuit de Lumière ! La nuit, dans une grotte obscure, la Vierge Marie donne naissance dans le silence à la lumière qui vient réchauffer les cœurs des enfants de la terre. Le Père et l’Esprit Saint se font discrets ; ils laissent place à un enfant qui est un des leurs : Jésus.
Le premier Noël de Jésus fut célébré dans une grotte utilisée comme étable, c’est le choix de Dieu, parce que Dieu a voulu entrer dans le monde par cet endroit le plus bas. Aucun être humain n’est plus bas que lui en entrant dans le monde de cette façon. Oui, le Fils de Dieu naît pour nous dans une humble, vraie et pauvre étable à Bethléem, dans le dépouillement.
Le premier endroit où le Fils de Dieu devenu homme est accueilli, est celui où les animaux se réfugient. C’est une étable, une étable dont nous connaissons l’atmosphère bien caractéristique qui  exprime quelque part notre humanité face à la grandeur et à la beauté de Dieu. Un Dieu qui n’a pas peur de la proximité des animaux, de se faire envelopper par ceux-ci, d’être accueilli par ceux-ci, et qui accueille chaque homme dans sa faiblesse, sa fragilité, son péché. Cette étable réelle devient la maison de Dieu, le Temple de Dieu, un lieu saint, où le nouveau-né, le Roi des rois, est accueilli dans ce nouveau sanctuaire. Ce nouveau-né de son Innocence, est déposé dans la crèche des animaux, signe du destin de cet enfant qui devient pain pour nous nourrir. Jésus n’entrera dans le palais d’un gouverneur et d’un roi que prisonnier et défiguré et ne sera élevé que pour être crucifié.
Allons, nous-aussi, avec l’esprit et le cœur à Bethléem, qui signifie Maison du pain. Cet enfant a été déposé dans une mangeoire, ce fut le premier ciboire. Il me semble que ce signe ait une signification : Jésus, nouveau-né, met en nous, entre nous la présence délicate et pacifiante de Dieu, parce que Lui est l’Emmanuel, le « Dieu avec nous » et pour toujours.
Aussi le rêve utopique de l’humanité, qui a débuté au Paradis Terrestre, qui consistait à vouloir être comme Dieu, se réalise de façon inattendue, non par la grandeur de l’homme qui veut mais ne peut devenir Dieu, mais par l’humilité de Dieu qui descend et entre ainsi en nous dans son humilité et nous élève à la vraie grandeur de son être révélé dans sa vulnérabilité.
C’est un enfant enveloppé dans un lange et qui ne peut rien faire, rien dire. Il peut simplement être là, c’est la présence réelle. Ce n’est pas une utopie, c’est une présence, qui porte la paix sans l’imposer : cet enfant est Dieu puissant mais désarmé. Jésus nous sauve par son humilité.
Jésus, par Marie, est notre frère de sang, sa présence est une présence fraternelle. Sa présence fraternelle nous réconcilie avec notre modeste vie quotidienne et nous réconcilie avec les autres. Selon le pape François, « elle est donc implicitement, un appel à suivre le chemin de l’humilité, du dépouillement, qui de la mangeoire de Bethléem conduit à la croix. C’est un appel à le rencontrer, à le servir avec miséricorde dans les frères et sœurs les plus nécessiteux. » S’investir dans la vie en frères, est le seul investissement qui produit une vraie croissance profondément humaine.
La nuit du premier Noël fut illuminée par la lumière et les chants des Anges. Mais passer la nuit dans une grotte-étable pour Marie et Joseph, à Bethléem, ville périphérique de l’Empire Romain, fut certainement une angoisse, une inquiétude, une insécurité, parce qu’il n’y avait pas de place pour eux à l’hôtel. Oh combien auraient-ils voulu offrir un lieu décent, chaleureux et bien entouré à leur nouveau-né ! Mais leurs sentiments ont fait place à l’émerveillement au fur et à mesure que grandissait en eux la joie simple de Jésus, dans ce lieu de précarité. Soyons nous-mêmes cet hôtel, dans lequel le Seigneur veut naître et se reposer. Non pas une grotte, mais une demeure, un lieu saint.
Même les bergers furent surpris par la joie apportée par les anges. Cette nuit fut une nuit de surprise, de bouleversement, mais elle devint une nuit de lumière, de joie, de bonheur inexprimable. Ils ont obéi à l’annonce de l’ange, et non pas pour obéir à un ordre, mais par exigence infinie de leur cœur. Le ciel et la terre finalement, se rencontrent et s’unissent dans une même louange à Dieu.
La grotte rejointe, les bergers virent l’Enfant emmailloté et étendu dans une crèche et ils ne virent que cela et ils crurent. Ils le regardèrent avec les yeux, et contemplèrent avec le cœur pur, simple et pauvre, et ainsi surent reconnaître dans les yeux du nouveau-né, les yeux de Dieu, dans sa faim celle de Dieu, dans ses petites mains tendues les mains tendues de Dieu vers eux. Viendra dans un autre jour, dans une autre grotte, d’autres ne verront plus que les linges, devenus linceul.
Nous aussi, nous sommes invités à faire la fête afin qu’elle devienne semblable à la fête des bergers, hommes simples et pauvres, qui se sont réjouis avec Joseph et Marie pour la naissance de cet Enfant. Il est venu porter la joie et la paix dans le monde. La lumière festive de l’Enfant n’est pas simplement devant eux mais les enveloppe, entre dans leur vie. Ils accueillent cette annonce qui n’est pas pour eux seuls, mais est une lumière qui est pour tout le peuple. Gardiens du troupeau, ils sont maintenant gardiens d’un mystère à connaître et à irradier à tous ensuite.
Oui, « Noël, c’est le temps pour transformer la force de la peur en force de la charité, de l’amour en force pour une nouvelle créativité dans la charité. La charité ne s’habitue pas à l’injustice comme si elle était naturelle, mais qui a le courage, au milieu des tensions et des conflits, de se faire justement « maison du pain », terre d’hospitalité. » Et le Pape François nous dit qu’« En cette nuit, Celui qui n’avait pas de place pour naître est annoncé à ceux qui n’avaient pas de place aux tables et dans les rues de la ville. Les bergers d’hier sont les pauvres d’aujourd’hui, ils sont les premiers destinataires de cette Bonne Nouvelle. »
Et ce soir, en cette nuit, c’est justement ce que le Seigneur veut nous faire partager, sa présence et sa joie, alors : Joyeux Noël !