Solennité de Notre Père SAINT AUGUSTIN 2021

28 août 2021

  • Mgr Jean-Michel Girard, crb, Abbé Primat Mgr Jean-Michel Girard, crb, Abbé Primat

Introduction du Père Prieur (Frère Jean-François) : En la solennité de notre Père Saint Augustin, nous avons la joie de célébrer le jubilé de nos 50 ans de fondation en ce prieuré.
Au nom de mes Frères, nous adressons nos remerciements, au Père Jean-Michel, notre Abbé Primat de la confédération canoniale et prévôt de la Congrégation du Grand Saint Bernard, qui préside l’Eucharistie, au Père Hugues, Père Abbé de la Congrégation Saint Victor, au Père Richard, Prieur de la Congrégation de la Vie commune, accompagné de Sœur Martina, au Père Paul, Prieur de l’Abbaye Notre Dame de Beauchêne, de la Congrégation du Latran, à Sœur Faustine-Marie, Prieure des chanoinesses d’Azille, de la Congrégation de Marie Mère de Dieu, aux Petites Sœurs de Marie, Mère du Rédempteur, à tous nos Confrères et Sœurs présents.
Chers Frères et Sœurs de la vie Canoniale, Chers Amis qui nous offrez la joie de votre présence ou qui êtes en communion par les réseaux sociaux, nous sommes dans l’action de grâce, pour bien des raisons, d’abord pour le fait de pouvoir nous réunir en la solennité de Saint Augustin, à l’occasion de notre Jubilé.
Cette année jubilaire, en raison de la pandémie, nous a fait vivre dans la discrétion cet anniversaire de la naissance de la fondation en ce lieu, en cette Maison religieuse qui s’inscrit dans la vie de l’Église, avec ses notes caractéristiques d’une vie canoniale et apostolique. Cinquante ans de vie façonnée par l’épreuve, habitée par la ferveur, la simplicité, la joie, le sens de l’accueil et de l’hospitalité.
Dieu puissant, de qui vient le don parfait de l’Amour de Dieu en son Fils Jésus, est bien la source de l’action de grâce à laquelle nous sommes conviés, en notre solennité. Cette année est particulièrement marquée par le 150ème anniversaire de l’apparition de Marie à Pontmain, le 17 janvier 1871 ; et notre fondation s’inscrit dans l’année du centenaire de l’apparition de Notre Dame à Pontmain, elle qui colore profondément notre spiritualité Mariale.
L’Action de Grâce de notre Jubilé a été inaugurée le 8 septembre 2020, par une neuvaine, qui s’achèvera le 8 décembre 2021. Action de Grâce pour notre Fondatrice, Mère Marie de la Croix, et pour la présence de nos Frères de Fondation : nous avons la chance et la joie de les avoir toujours parmi nous en la personne des Frères Pierre, Bruno-Marie, Jean-Michel et Claude, que nous entourons de notre reconnaissance. Ce sont les pierres de fondation de notre Congrégation au service et dans la fidélité à l’Église.
En prenant la parole pour commémorer cet évènement, je ne suis que le porte-voix de l’action de grâce de mes Frères. En 1970, comme beaucoup de jeunes, ils étaient en recherche de sens à donner à leur vie, attirés par le rayonnement de Mère Marie de la Croix et encouragés par le témoignage de personnes amies. Ils sont venus à Saint-Aignan-sur-Roë, berceau de l’Œuvre, là ils ont eu l’impression d’arriver à la maison, selon l’expression d’une personne, ils ont compris que c’était dans cette Œuvre que le Seigneur et sa Mère les invitaient à prendre et à poursuivre le chemin.
Depuis cinquante ans à présent, ils ont été rejoints par des Frères, ensemble ils servent le Seigneur en cette vie canoniale et dans l’esprit marial du don de soi selon la devise de l’Œuvre « Ecce, Fiat, Magnificat ». Les débuts de l’Œuvre ont été façonnés et habités par la simplicité, la joie, le sens de l’accueil et de l’hospitalité. Entourés et aidés par de nombreuses générosités pendant plus de dix ans, maintenant cinquante ans, nos Frères ont été Les artisans d’un dur labeur pour transformer extérieurement et intérieurement leur nouvelle demeure de la Cotellerie en maison religieuse, c’est-à-dire édifier la construction matérielle, humaine et spirituelle de notre Congrégation canoniale de Marie, Mère du Rédempteur.
Au fil des années, cela s’est concrétisé grâce à la sollicitude de l’Église en la personne du Père Rogatien Laure, dominicain, de Dom Jean Prou, Abbé de l’Abbaye de Solesmes ; il reviendra à Monseigneur Louis-Marie Billé, évêque de Laval, d’inscrire dans la vie de l’Église notre Institut avec ses notes caractéristiques d’une vie canoniale et apostolique. En la Fête de la Nativité du Seigneur, 25 décembre, de l’année 1987, la Congrégation de Marie, Mère du Rédempteur, était accueillie solennellement dans la Confédération canoniale, joie d’être accueillie dans la Famille Canoniale.
Si notre Institut Canonial est sacerdotal, nos premiers Frères ne sont pas prêtres comme la première Communauté réunie autour d’Augustin ; pour notre Congrégation, c’est à mon sens un signe prophétique : cela nous engage à vivre quotidiennement et fraternellement l’esprit de simplicité et de joie de la première Communauté chrétienne, dont l’esprit a marqué profondément les débuts de l’Œuvre.
Aujourd’hui, notre action de grâce se concentre sur l’Amour de Dieu en lui-même, sur l’Amour de Dieu pour nous et sur notre Amour pour Dieu. Saint Augustin en a saisi le sens et la portée lorsqu’il s’écrie dans les soliloques : « Ô Dieu, vous délaisser c’est périr, vous contempler c’est vous aimer, vous voir c’est vous posséder. Ô Dieu, c’est vers Vous que la foi pousse, c’est vers Vous que l’espérance nous élève, c’est à Vous que la charité nous unit, désormais je n’aime que Vous, je ne m’attache qu’à Vous, je ne cherche que Vous, je ne veux servir que Vous. »
Aujourd’hui, nous faisons nôtre cette belle prière de Saint Augustin, nous remercions le Seigneur, nous sommes dans l’allégresse, la joie et la reconnaissance : des vies consacrées au Seigneur nous offrent beaucoup de raisons de rendre grâce. Si aujourd’hui nous sommes dans l’action de grâce, l’essentiel, comme nous le rappelle la Parole de Dieu, au fond est une personne à aimer. Nous apprenons surtout que le but de notre vie est justement les noces éternelles avec le Christ ; un jour, nous serons les témoins éblouis de cette rencontre fabuleuse avec le Christ ; un jour, nous serons les témoins éblouis, oui, avec toute l’humanité sauvée.
Avec vous tous, chers confrères, nous sommes dans l’action de grâce d’avoir accueilli et répondu à l’appel du Seigneur. Notre action de grâce nous ouvre sur un avenir de foi, d’espérance et sur le chemin de la fraternité. Et que cette Eucharistie de ce jour soit notre offrande comme elle le fut pour Marie associée à l’offrande de Jésus lors de sa Présentation au Temple. Amen.

 

HOMÉLIE de Monseigneur Jean-Michel Girard :
En la fête de Saint Augustin, la Parole de Dieu, les textes bibliques parlent de la Communauté, de la Communion Fraternelle, de l’unité telle que le Christ l’a voulue ; cela correspond à l’inspiration première de Saint Augustin quand il a initié cette forme de vie qu’embrassent les Chanoines Réguliers. Augustin n’avait pas le sentiment d’inventer quelque chose d’original mais de mettre en pratique ce que le Christ avait voulu et le qualifiant lui-même de vie apostolique.
Il y a une autre unité, peut-être antérieure, qui a préoccupé Saint Augustin, c’est celle de notre personne en particulier, par rapport au temps qui passe. Nous sommes tous conscients que bien que notre vie soit composée d’instants qui apparaissent puis disparaissent dans le passé, elle n’est pas comme des rondelles de salami, notre personne garde son unité, nous grandissons, nous nous développons. Augustin, qui se posait des questions sur tout, se demandait comment ces instants s’amalgamaient entre eux ; ce n’est sans doute pas notre question, une question qui nous préoccupe, mais sa réponse est intéressante : on le résume souvent par cette phrase que je ne crois pas qu’Augustin ait prononcée mot à mot, en tout cas je ne l’ai pas trouvée : « le souvenir est le présent du passé, l’espérance est le présent de l’avenir et la Grâce est le présent du présent ».
Je vous propose cette réflexion, parce que vous célébrez le jubilé d’Or de votre Fondation et que la pensée d’Augustin peut nous faire saisir combien il est important pour l’unité de faire mémoire ; et permettez-moi une citation des Confessions, il parle de la mémoire et il dit : « là, je me rencontre aussi moi-même, je me souviens de moi, de ce que j’ai fait, quand et où je l’ai fait et quelle impression j’ai ressentie quand je le faisais. Là se trouve tout ce dont j’ai fait l’expérience ou que j’ai cru et dont je me souviens, de la même abondante réserve, je tire également la ressemblance avec les choses dont j’avais l’expérience, ou auxquelles d’après cette expérience j’ai cru ; je tire d’autres et d’autres images, je les relie moi-même à la trame du passé et de là je tisse même celle de l’avenir, acte, événement, espérance et je pense et repense tout cela, comme si c’était du présent. Tirer les événements du passé pour les relier les uns aux autres, ne pas les laisser comme des fils isolés mais en faire une trame solide sur laquelle il sera possible de tisser, comme une belle broderie, l’avenir ».
Et Augustin faisait ses efforts pour lui-même : je pense à cette indécence des « Confessions », quel travail, alors qu’il était occupé à plein temps, comme évêque. Et l’effort encore plus grand de « La Cité de Dieu », quel effort pendant des années ! Il résume de cette manière les douze derniers livres de la Cité de Dieu : les quatre premiers contiennent l’origine des deux Cités, les quatre seconds leur progrès et leur développement, les quatre troisièmes, les fins qui leur sont dues.
On entend dire parfois que notre société multiplie les commémorations, parce qu’elle ne croit pas en son avenir, alors elle se réfugie dans le passé, c’est peut être une tentation, mais devant le climat d’incertitude dans lequel nous baignons, c’est sans doute une nécessité de tisser une base solide.
J’ai vécu quelques années à l’Hospice du Grand Saint Bernard : en hiver, la maison n’est atteignable qu’à ski par une marche d’environ deux heures dans la montagne. Quand il fait beau, on peut admirer le paysage et ne pas prêter attention au chemin, mais quand il y a du brouillard, il faut absolument se guider par les piquets rouges fluo qui ont été plantés à distance régulière. Souvent, on ne voit pas d’un piquet à l’autre, alors il faut tâcher de se retourner pour vérifier la direction, ne pas perdre de vue le piquet précédent avant d’avoir aperçu le suivant ; je relie les piquets et j’en fais un chemin de vie, c’est une image.
L’évènement fondateur peut être situé à une date précise du passé mais il est présent aujourd’hui par le fruit qu’il porte et nous rejoint par une histoire, une suite d’évènements, de décisions, d’engagements, de labeur, que l’on peut deviner à travers votre belle exposition. Ce que nous voyons aujourd’hui est à la fois le fruit et une trame solide où l’avenir pourra se dessiner.
Comment ne pas penser que c’est Jésus qui a dit de faire mémoire : « vous ferez cela en mémoire de moi », un mémorial qui rend réellement présent. Célébrer le Jubilé, c’est rendre présent la grâce de la fondation et dans cette Grâce reconnue, trouver la source de l’unité, avoir « un seul cœur et une seule âme », saisi par la force du Christ qui maintenant prie son Père : « que tous, ils soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé. » (Amen).