6e DIMANCHE du Temps Ordinaire C 16 février 2025

16 février 2025

  • Cardinal Philippe BARBARIN Cardinal Philippe BARBARIN

HOMÉLIE : MONSEIGNEUR BARBARIN

Chers frères et sœurs, quatre dimanches de suite, nous lisons ce chapitre XV de l’épître aux Corinthiens qui nous parle de la Résurrection. Nous sommes contents de cette insistance, sur le centre, toute notre foi tient dans cet évènement, et c’est le cœur de notre foi. Si le Christ n’avait pas ressuscité, alors rien ne vaut rien, notre foi ne vaut plus rien du tout. Nous sommes perdus. Donc, c’est la source de notre espérance, c’est le cœur de notre message, le point pour lequel les premiers prédicateurs de l’Evangile ont été pris pour des fous en le disant, ceux-là, ils rêvent, évidemment. Est-ce qu’aujourd’hui c’est plus facile à croire, à annoncer, à témoigner ? Je ne sais pas, en tous cas nous le faisons, c’est notre mission, c’est le cœur de notre foi et donc, aussi, de notre prédication.

Tout tient en cela. Si le Christ n’est pas ressuscité hé bien, notre foi elle ne vaut rien, elle est sans valeur. C’est la source de votre propre espoir.

Nous avançons aussi dans l’Evangile de St Luc doucement, puisque c’est cette année C. Donc ici dans l’Evangile de St Luc on a une union qui n’est pas du tout présentation, qui n’est pas du tout comme chez St Matthieu, parce que chez St Matthieu vous avez les Béatitudes au début, et ce qu’on n’appelle pas les malédictions, les malheurs à vous, c’est plutôt les lamentations, c’est le Christ qui pleure, qui voit que ce peuple, choisi et béni par Dieu, fait exactement le contraire de ce qu’il faut. Quand il dit « malheur à vous », c’est plutôt « quel malheur quand je vois ça ! ». Evidemment c’est quelque chose qui peut nous interpeler nous aussi, parce que nous avons la grâce du Christ ressuscité, nous avons cette résurrection présente en nous par notre Baptême, et peut-être quand il nous enseigne les Béatitudes nous sommes évidemment attentifs, et nous savons que c’est le cœur même de l’Evangile, et en même temps, voir que Jésus se lamente : « Quel malheur quand Je vois ce que vous en avez fait ! ».

Ces deux parties séparées dans l’Evangile de St Matthieu au chapitre V, et réunies ici dans l’Evangile de St Luc, comme nous venons de l’entendre, ça nous réveille, c’est-à-dire : Où est-ce que j’en suis moi de cette prédication sur le bonheur qui va faire ma bénédiction, qui est une promesse de Jésus ? Vous êtes heureux si vous êtes comme ça. Et puis, est-ce que je suis averti ? Est-ce que je prends le temps ? C’est moins drôle. Est-ce que je prends le temps dans ma vie spirituelle de les écouter ? Non, pas des malédictions, ces lamentations de Jésus : « Quel malheur, quand je vois tout ce que vous avez reçu et tout ce que vous en faites ! Comment vous vous comportez ! C’est exactement le contraire de ce que vous devriez faire ! ». On sent Jésus dans une profonde tristesse, quand Il voit ce peuple béni, ce peuple choisi, ce peuple élu, les Juifs, qui a reçu plus que tous les autres et qui a été vraiment tout spécialement aimé par Dieu, le voir faire le contraire de ce qu’on lui annonce, de ce qui serait le chemin de son bonheur. Voilà, donc pour nous, écouter cela, c’est à la fois un avertissement, et en même temps comme une stimulation.

Ici, on n’a pas autant de Béatitudes que dans l’Evangile de St Matthieu, mais au fond, les essentielles. La première, la plus connue, le mot ptochos en grec, ça veut dire mendiant, c’est-à-dire, tu es bien à la messe si tu arrives comme un mendiant. J’ai envie de dire aujourd’hui, je vais à la messe parce que j’ai envie de manger un peu de paroles, c’est de la Parole de Dieu, j’ai envie de manger du pain, du pain vivant descendu du Ciel, parce qu’à notre table familiale ou communautaire nous mangeons ceci ou cela, mais au fond la véritable nourriture qui me donne la vie éternelle, c’est celle-là. Est-ce que j’arrive à cette messe comme un pauvre et comme un mendiant ? A ce moment-là, si mon cœur est si avide, affamé, hé bien, c’est un grand bonheur, le Seigneur te donne la totalité de son Royaume. Donc, c’est pour nous comme une grande chance.

Quand Il dit « malheur à vous », encore une fois ce n’est pas une malédiction, c’est pour moi profondément triste, et j’en pleure de voir que vous faites le contraire de ce que vous devriez faire. Voyez, alors, vous êtes riches, et vous avez réussi des choses dans votre vie, alors très bien, partagez-les avec des pauvres, et tout et tout, et là, finalement vous dites, ben non, j’ai tout quoi, et votre consolation, au lieu qu’elle soit dans le Paradis au-delà de votre mort et dans la Parole de Dieu qui vous éclaire d’une lumière nouvelle, vous l’avez dans votre compte en banque ou dans votre manière de vivre.

« Quel malheur quand je vois ça ! » On a l’impression que c’est Jésus qui pleure d’une certaine manière, parce qu’Il aime son peuple. Ce n’est pas une attaque qu’Il fait contre eux, c’est qu’Il leur dit : « Vous êtes des Juifs, et vous êtes le peuple élu, et vous savez à quel point Dieu vous a choisis et aimés d’une manière particulière, et pourtant, vous ne vivez pas selon sa Parole. Et Moi, quand je vois que vous n’êtes même pas affamés de la Parole de Dieu, et que vous êtes repus maintenant, alors pour Moi, c’est vraiment une grande tristesse ».

Vous savez que dans l’Evangile de St Matthieu, j’en ai beaucoup de ces Béatitudes, ici j’en ai seulement quatre de ces Béatitudes. Donc, Il me demande d’être un mendiant, Il me demande d’avoir faim. Vous n’avez qu’à regarder votre propre attitude à la messe, au fond est-ce que je suis un affamé de la Parole de Dieu parce que c’est cette Parole de Dieu qui m’a donné ma vie, qui m’a créé et aujourd’hui c’est ça, qui va me poursuivre et se déployer dans ma propre vie ? Est-ce que maintenant vous, vous avez faim ? Bien sûr on pense aux pauvres et aussi au concret de celui qui a faim, mais enfin, même pour celui qui a à manger et qui n’a rien à craindre pour le repas de ce midi et de ce soir, on lui pose la question : C’est quoi ta faim ? De quoi es-tu affamé ? Voilà, et on pense aussi aux souffrances qui vont l’accompagner. Maintenant, s’il y a des souffrances, ne les fuyez pas SVP. Et quand vous pleurez, quand vous pleurez sur vos péchés, quand vous pleurez sur la souffrance des autres, quand vous êtes dans la passion et la compassion c’est-à-dire aussi la souffrance des autres, rassurez-vous, la récompense sera grande et vous recevrez beaucoup dans ce Royaume. Vous serez consolé, vous rirez, même si je ne sais pas si dans le Royaume des Cieux on aura envie de rire, ou en tous cas, ce sera pour nous comme un lieu de joie. Beaucoup difficile, la dernière d’ailleurs, chez St Matthieu on a 8 Béatitudes, et ici donc on en a 4, et c’est la dernière qui est la plus difficile :

  • « Heureux êtes-vous quand des hommes vous haïssent, vous excluent, vous insultent, rejettent votre nom comme méprisable à cause du Fils de l’homme »

C’est vrai, c’est arrivé à tous les siècles, ça nous arrive encore aujourd’hui. Je me rappelle le récit d’un enfant qui, revenant de l’école où on l’avait insulté parce qu’il était chrétien, c’était la première fois que ça lui arrivait. Il dit : A la maison on fait ses prières, on va à la messe tous les dimanches et « tous mes copains se sont moqués de moi ». Alors à ce moment-là, on ouvre l’Evangile, on le lui lit doucement et on lui dit : « Ce n’est pas la dernière fois de ta vie, voilà, ça va t’arriver quelques fois, ça aussi il faut que tu le saches ».

En fait, ici ce qui nous est dit c’est beaucoup plus développé dans l’Evangile de St Matthieu, c’est divisé en deux parties comme vous le savez. Au chapitre V vous avez les Béatitudes qui sont 8, 9 ou 10, ça dépend comment on compte, et si on compte aussi « Vous êtes le sel de la terre et la lumière du monde », et vous avez en chapitre XXIII les malédictions et si on les relie ensemble, ça a d’une certaine manière plus de vigueur, et ça nous oblige à nous situer avec une très grande force et avec une grande clarté.

Ton cœur où est-il maintenant ? C’est-à-dire, ta vraie consolation, c’est la Parole de Dieu ce sont les sacrements de la vie de Dieu qui renouvellent ta vie humaine ? Parce que si c’est dans tes biens et la facilité de ta vie, alors tu as toute ta consolation, consolation comme vous le savez : « Consolez, consolez mon peuple »

La grande victoire sur les larmes, la source de toutes les larmes c’est notre mort et donc là, quand on apporte la consolation et qu’on dit : « Consolez, consolez mon peuple », ça veut dire que la vie sera victorieuse, et que, elle, elle gagnera. Et vous, qu’est-ce qui vous console, qu’est-ce qui est la source de votre espérance ? Alors, si jamais c’était à l’intérieur de votre argent, ou de votre vie qui se passe bien, et tout, et tout, c’est pour moi un grand, grand malheur si c’est là qu’est la totalité de votre cœur et de votre consolation, et donc, il n’y a plus rien, vous êtes comme perdus, et donc, on voit cette phrase qui est comme un avertissement sévère. Où est-elle votre consolation ? A quoi êtes-vous attachés ? « Vous êtes repus maintenant », et voilà donc cette lamentation de Jésus. En disant cela, ce n’est pas tellement qu’Il nous promet du malheur, vous allez être malheureux, c’est plutôt Lui qui pleure, Il est dans sa lamentation,  Il dit « Je vois tous ceux qui sont à l’intérieur du peuple élu, à qui Dieu a tout donné, ils font exactement le contraire du message majeur, du message essentiel de leur Seigneur et de cette Parole ».

Faites donc attention de ne pas être soucieux de ce que les gens disent de vous, de votre réputation, du regard des autres, et des joies superficielles, etc, pour vous mettre véritablement et uniquement, ou essentiellement devant cette Parole.

Comme vous savez et comme je vous le disais, dans l’Evangile de St Matthieu, ces deux textes  sont complètement séparés, l’un au chapitre V et l’autre au chapitre XXIII, il y a peut-être une vigueur particulière ici dans l’Evangile de St Luc, parce qu’on voit, ils sont juste à côté, et d’une certaine manière ils s’entrechoquent l’un l’autre. Beaucoup ramassés ici, heureux les pauvres, qui ont faim, « heureux ceux qui pleurent et heureux quand les hommes vous chassent ». Il n’y en a pas 8, 9 ou même 10 si on peut dire, comme dans l’Evangile de St Matthieu, mais grosso modo 4, 4 chemins de bonheur et 4 chemins qui sont comme des impasses, et qui seront pour vous, vous allez tomber sur un mur, voilà, c’est un grand malheur pour vous. Et nous, voici d’une certaine manière avertis, par la force de cette Parole de Jésus.

Je trouve, moi, qu’on devrait faire apprendre par cœur les Béatitudes aux enfants ou aux chrétiens pour les connaitre bien. Souvent elles ont été mises en chants et sont ainsi connues parce qu’au fond c’est notre loi fondamentale, et en ce discours d’ouverture auquel on est plus habitué chez St Matthieu, mais qu’on entend aussi chez St Luc, on a un merveilleux regard, et un très bon résumé de l’ensemble du message de l’Evangile. AMEN.