NOËL, messe de la NUIT
25 décembre 2020
- Frère Jean François CROIZÉ
Introduction : Frères et Sœurs, sommes-nous dans la joie ? Oui, je le crois, car vous êtes là. Il est minuit et vous avez tenu à vous associer au chant des anges pour célébrer la naissance du Seigneur en même temps que tous les pauvres que le Seigneur rejoint sur terre. Oui, aujourd’hui un Sauveur nous est né, c’est le Christ, le Seigneur, celui que nous vénérons, que nous adorons dans la crèche entouré de Marie et de Joseph.
La contemplation de l’icône de la Nativité nous y a préparés, nous y a invités. Et avec les enfants, nous sommes venus déposer auprès de l’enfant nouveau-né ces petites lumières, elles sont symboles lumineux de notre veillée, c’est notre cœur, le cœur de nos joies, de nos peines, de notre amour, de notre confiance, de notre espérance. Et nous déposons nos petites lumières aux pieds du nouveau-né, comme l’ont fait les mages sur l’icône que nous avons contemplée. Oui, c’est lui qui est la lumière du monde.
Eh bien, entrons et demeurons dans la joie de Noël comme les bergers, comme des enfants heureux d’accueillir l’amour et le pardon de Jésus-Sauveur.Homélie : Frères, imaginez-vous dans une famille où la maman enceinte va accoucher, lorsqu’il y a des enfants, quelle peut-être l’atmosphère dans la maison ? Premièrement, s’il y en a un qui est très fébrile et un peu angoissé, c’est le papa. La maman, elle, est tendue vers cet accouchement. Par contre, les enfants, ils débordent de curiosité et sont très pressés de voir ce nouveau petit frère ou cette petite sœur. Eh bien, pour nous, ce soir, est-ce que nous sommes aussi éveillés, attentifs ? Est-ce que notre cœur est dans cette joie, ce désir, cette attente de voir, de venir voir, de contempler cet enfant nouveau-né de Marie, Jésus. Je crois que si nous veillons cette nuit, c’est bien pour cet événement tout à fait extraordinaire, vraiment qui sort de l’ordinaire, qui n’est pas courant, c’est vraiment l’Enfant-Dieu.
Oui, chers Frères et Sœurs, heureux sommes-nous, en cette nuit, le ciel et la terre sont unis pour accueillir une naissance, celle de Jésus, né de Marie. Nuit de Noël, nuit de lumière ! La nuit, dans une grotte obscure, comme nous l’avons contemplée dans cette icône, la Vierge Marie donne naissance à la lumière qui vient réchauffer les cœurs des enfants de la terre. Comme dit le Pape François : « La crèche est comme un Évangile vivant qui découle des pages de l’Écriture, de telle sorte qu’elle nous les rend plus proches de notre vie quotidienne ».
Le premier Noël de Jésus fut célébré dans une grotte utilisée comme étable parce que Dieu a voulu entrer dans le monde par l’endroit le plus bas. Aucun être humain n’est plus bas que Lui en entrant dans le monde de cette façon. A partir de qui est le plus bas, tous sont touchés par son étreinte de lumière, d’amour et de paix. Oui, le Fils de Dieu naît pour nous dans une humble, vraie et pauvre étable à Bethléem.
Le premier endroit où le Fils de Dieu devenu homme est accueilli, est celui où les animaux se réfugient. C’est une étable, dont l’atmosphère bien caractéristique exprime notre humanité et notre petitesse face à la grandeur et à la beauté de Dieu ; un Dieu qui n’a pas peur de se faire envelopper par l’odeur des animaux et qui accueille chaque homme dans sa faiblesse, sa fragilité, son péché. Cette étable réelle, elle devient une habitation royale, divine, un lieu saint où le nouveau-né, le Roi des Rois, est accueilli dans ce nouveau sanctuaire, ce petit, armé de son innocence, est déposé dans la crèche des animaux, signe du destin de cet enfant qui devient pain pour nourrir les hommes. Jésus dans toute son histoire n’entrât dans le palais d’un gouverneur et d’un roi que comme prisonnier et défiguré.
Alors nous aussi, en esprit et avec le cœur à Bethléem, qui signifie « Maison du pain », cet enfant a été déposé dans une mangeoire, ce fut le premier ciboire.
Ainsi le rêve utopique de l’humanité, qui a débuté au Paradis Terrestre, qui consistait à vouloir être comme Dieu, se réalise de façon inattendue, non par la grandeur de l’homme qui veut mais ne peut devenir Dieu, mais par l’humilité de Dieu qui descend et entre ainsi en nous, dans son humilité, et nous élève à la vraie grandeur de son être révélé dans sa vulnérabilité.
C’est un enfant enveloppé dans un lange et qui ne peut rien faire, qui ne peut rien dire, il peut seulement être là, c’est sa présence réelle, ce n’est pas une utopie, c’est une présence, qui porte la paix sans l’imposer : cet enfant est Dieu-Puissant mais désarmé. Jésus nous sauve ainsi par son humilité.
Jésus, par Marie, est notre frère de sang, sa présence est une présence fraternelle. Sa présence fraternelle nous simplifie dans notre modeste vie quotidienne et nous réconcilie avec les autres. Selon le Pape François, « elle est donc implicitement, un appel à le suivre sur le chemin de l’humilité, du dépouillement, qui de la mangeoire de Bethléem conduit à la croix. C’est un appel à le rencontrer, à le servir avec miséricorde dans les Frères et les Sœurs les plus nécessiteux ». S’investir ainsi dans la vie en frères est le seul investissement qui produit une vraie croissance profondément humaine.
La nuit du premier Noël fut illuminée par la lumière et les chants des Anges. Mais passer la nuit dans une grotte-étable pour Marie et Joseph, à Bethléem, ville périphérique de l’empire romain, fut certainement une angoisse, une inquiétude et une insécurité, parce qu’il n’y avait pas de place pour eux à l’hôtel. Ô combien auraient-ils voulu offrir un lieu décent, chaleureux et bien entouré à leur nouveau-né ! Mais leurs sentiments ont fait place à l’émerveillement au fur et à mesure que grandissait en eux la joie simple de Jésus, dans ce lieu de précarité. Soyons nous-mêmes cet hôtel, dans lequel le Seigneur veut naître et se reposer, non pas une grotte mais une demeure, un lieu saint.
Même les bergers furent surpris par la joie apportée par les anges. Cette nuit fut une nuit de surprise, de bouleversement, mais elle devint une nuit de lumière, de joie, et de bonheur inexprimable. Ils ont obéi à l’annonce des anges, non pas pour obéir à un ordre, mais par une exigence infinie de leur cœur. Le ciel et la terre finalement se rencontrent, s’unissent dans une même louange à Dieu.
La grotte rejointe, les bergers virent l’enfant emmailloté étendu dans une crèche et ils crurent ; Ils le regardèrent avec les yeux, et contemplèrent avec le cœur pur, simple et pauvre, et ainsi surent-ils reconnaître dans les yeux du nouveau-né les yeux de Dieu, dans sa faim celle de Dieu, dans ses petites mains tendues, les mains tendues de Dieu vers eux. Viendra dans un autre jour, dans une autre grotte, d’autres ne verront plus que les linges, devenus linceul.
Nous aussi, nous sommes invités à faire la fête afin qu’elle devienne semblable à la fête des bergers, hommes simples et pauvres, qui se sont réjouis avec Joseph et Marie pour la naissance de cet enfant. Il est venu porter la joie et la paix dans le monde. La lumière festive de l’enfant n’est pas simplement devant eux mais les enveloppe, entre dans leur vie. Ils accueillent cette annonce qui n’est pas pour eux seuls, mais est une lumière pour tout le peuple. Gardiens du troupeau, ils sont maintenant gardiens d’un mystère à connaître et à y irradier à tous ensuite.
« Noël, nous dit le Pape François, c’est le temps pour transformer la force de la peur en force de la charité, en force pour une nouvelle créativité de la charité. La charité qui ne s’habitue pas à l’injustice comme si celle-ci était naturelle, mais qui a le courage, au milieu des tensions et des conflits, de se faire « maison du pain », terre d’hospitalité. En cette nuit, Celui qui n’avait pas de place pour naître est annoncé à ceux qui n’avaient pas de place aux tables et dans les rues de la ville. Les bergers d’hier sont les pauvres d’aujourd’hui, ils sont les premiers destinataires de cette Bonne Nouvelle ». Ainsi s’exprime le Pape François.
Eh bien ! en cette nuit, déposons dans le cœur de l’Enfant-Jésus, par les mains de Marie, les pauvretés, les solitudes, les détresses de notre monde. Que ceux qui meurent de manque d’amour, d’abandon, de maladie, de guerre soient accueillis dans le cœur brûlant d’amour et de miséricorde du Seigneur-Jésus-Sauveur. Amen.