15ème Dimanche du Temps Ordinaire (A)

12 juillet 2020

  • Frère Marie-Jean BONNET Frère Marie-Jean BONNET

Introduction : Cela fait plaisir de voir une église qui commence à se remplir à nouveau, un petit peu.

Aujourd’hui, la liturgie nous invite à re-découvrir, reprendre conscience que la Parole de Dieu est une puissance de vie, que nous avons là un trésor que peut-être nous négligeons trop. « Ignorer les Ecritures, disait Saint Jérôme c’est ignorer le Christ ».

Alors, demandons la grâce justement de re-découvrir combien nous avons là un trésor immense et demandons pardon peut-être, et même certainement, pour nos négligences à fréquenter cette Parole, à nous en nourrir, elle qui nous donne la vie.

 

Homélie : Vous le savez déjà, mais je le répète, la répétition est la base de la transmission : si vous voulez avoir des bonnes nouvelles, ouvrez l’évangile, allumez l’évangile, et éteignez le reste, allumez l’évangile.

Je retiens trois Bonnes Nouvelles dans cette Parole de Dieu qui nous est offerte aujourd’hui :

– Une parole de Saint Paul, d’abord : « Il n’y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire que Dieu va bientôt révéler en nous ».

– Une parole du prophète Isaïe : « Ainsi parle le Seigneur : Ma parole ne me reviendra pas sans résultat, sans avoir fait ce que je veux, sans avoir accompli sa mission ».

– Et enfin, cette Parole de Jésus que nous venons d’entendre : « Heureux vos yeux parce qu’ils voient et vos oreilles parce qu’elles entendent ».

D’abord Saint Paul : « Il n’y a pas de commune mesure, -de commune mesure-, entre les souffrances du temps présent et la gloire que Dieu va bientôt révéler en nous ». On dirait aujourd’hui : ya pas photo entre ce qui se passe aujourd’hui et ce qui nous attend.

Quelle bonne nouvelle ! si du moins nous y croyons vraiment, si nous y adhérons, si notre cœur dit oui : Ok, j’y adhère, c’est vrai. Les souffrances du temps présent, Saint Paul en connaît un rayon lui aussi. Dans la 2ème lettre aux Corinthiens, il se voit contraint de faire le catalogue de toutes les souffrances, de ses souffrances d’apôtre, et elles sont nombreuses, c’est effarant.

Les souffrances du temps présent, elles sont nombreuses encore dans notre monde d’aujourd’hui, nous le savons bien, mais justement Saint Paul nous appelle, comme il le faisait auprès des Romains, il nous appelle à regarder plus loin, plus profond que notre simple horizon terrestre. Regarder de ce regard de la foi qui nous fait accueillir ce que Dieu nous révèle, à savoir : « les cieux nouveaux et la terre nouvelle » qu’il préparent, et Saint Paul, du reste, d’ajouter : « Nous le savons bien », une certitude, « Nous le savons bien » : « La création tout entière crie sa souffrance, elle passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore ». Un enfantement, c’est à la fois douloureux et joyeux, mais il faut regarder le but, le terme, l’arrivée de la vie.

Hier, en préparant une petite fille, sa maman m’avait demandé de lui parler, de la préparer de loin à la confession, et puis, au bout de quelques secondes, la maman s’aperçoit que sa petite fille n’écoutait pas trop et elle me dit : « Je crois qu’elle a une question à vous poser, ça n’a rien à voir avec ce que vous êtes en train de lui dire, elle a une question à vous poser ». Eh bien ! je lui dis : il vaut mieux répondre à sa question tout de suite parce que sinon elle ne va pas écouter. Alors la question, c’était : « Est-ce que les animaux vont ressusciter ? ». Alors je lui ai dit que Milou et Choupette ne vont pas ressusciter, non, dommage, mais pour elle, parce que, eh bien, une fois qu’ils meurent, il ne reste plus rien d’eux, tandis que pour nous, notre âme spirituelle reste vivante après la mort et attend de connaître, elle attend avec désir, d’ailleurs un grand désir, de connaître une communion toute nouvelle avec notre corps qui sera recréé par le Seigneur. Par contre, si Choupette et Milou  ne ressuscitent pas, il est légitime de penser que la création dans son ensemble sera elle aussi totalement transformée, renouvelée et ne retournera pas au néant.

C’est le Catéchisme de l’Eglise Catholique qui nous l’a rappelé et qui s’appuie spécialement sur ce texte de Saint Paul aux Romains que nous avons entendu. Je cite le catéchisme n°1043, si vous voulez le retrouver : « Cette rénovation mystérieuse qui transformera l’humanité et le monde, la Sainte Ecriture l’appelle « les cieux nouveaux et la terre nouvelle », une expression de Saint Pierre dans sa deuxième lettre.

1046 « Quant au cosmos, la révélation affirme la profonde communauté de destin du monde matériel et de l’homme », et justement de citer alors ce passage de la lettre aux Romains que nous avons entendu, ce gémissement de la création qui attend sa rédemption, tout comme nous.

1047 : « L’univers visible est donc destiné lui aussi à être transformé « afin que le monde lui-même restauré dans son premier état soit, sans plus aucun obstacle, au service des Justes », -c’est une parole de Saint Irénée-, et le catéchisme poursuit, participant à leur glorification, (les Justes) en Jésus-Christ ressuscité ».

Voilà, j’espère que cela a rassuré la petite fille de savoir qu’il y aura une création nouvelle, on ne peut pas trop s’avancer quand même, mais enfin que tout l’univers sera renouvelé, Dieu ne va pas faire revenir au néant cette merveilleuse création qu’il nous a déjà donnée en cadeau, et que nous saccageons si souvent.

Cette nouvelle création, cette re-création, nous savons qu’elle a déjà commencé. Saint Paul l’évoquait justement à la fin de ce même extrait de cette lecture d’aujourd’hui : « Nous-mêmes, dit-il, qui possédons les prémices de l’Esprit, » re-création de notre âme commencée, la re-création, elle est commencée dans notre âme et ce que nous attendons à la fin des temps c’est la re-création de nos corps, « nous-mêmes, dit-il, qui possédons les prémices de l’Esprit, nous gémissons nous aussi intérieurement dans l’attente de la rédemption de notre corps ». Glorification de nos corps recréés. Cette nouvelle création, elle a commencé lorsque le Verbe s’est fait chair, lorsque la Parole créatrice de Dieu, la Parole de Dieu est toujours créatrice, « elle fait ce qu’elle dit la Parole de Dieu. C’est le même mot en hébreu qui signifie parole et événement, parce que voilà, il n’y a jamais de distorsion. Nous, il y a beaucoup de distorsion entre nos paroles et nos actes, en Dieu ce n’est pas possible, ce qu’il dit il le fait. Donc cette re-création est commencée lorsque la Parole créatrice de Dieu s’est faite chair en Jésus et ainsi a été semée sur notre terre.

Au sujet de cette Parole, le Seigneur déclare par la bouche d’Isaïe, cette parole que je citais à l’instant, qui est une bonne nouvelle : « Ma Parole ne me reviendra pas sans résultat, sans avoir fait ce que je veux, sans avoir accompli sa mission ». Autrement dit, Dieu nous promet que sa Parole est efficace, elle atteindra son but, Dieu a gagné et il gagnera toujours. « Mon serviteur réussira, déclare le Seigneur », au même livre d’Isaïe, ce passage que nous entendons le Vendredi-Saint, « Il justifiera les multitudes » (Isaïe 52, 13…)

Cette Parole de Dieu faite chair, les apôtres l’ont entendue et vue et en témoignent, en particulier Saint Jean au début de sa première lettre, ce que nous entendons dans ce temps de Noël : « Ce qui était depuis le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons contemplé de nos yeux, ce que nous avons vu et que nos mains ont touché, c’est le Verbe, la Parole de vie » (1 Jean 1,1-2).

Quelle grâce pour eux d’abord, voilà pourquoi le Christ peut leur dire : « Heureux vos yeux parce qu’ils voient, vos oreilles parce qu’elles entendent ». Cependant grâce aux Évangélistes cette même Parole, nous la « voyons » nous aussi en quelque sorte, parce que les évangélistes nous rapportent les faits et gestes de Jésus, nous « voyons » cette Parole incarnée, mais surtout nous « l’entendons », bien sûr, à travers cette Parole qui résonne dans la liturgie et dans nos cœurs, lorsque, effectivement, nous avons la sagesse de nous asseoir pour l’écouter.

C’est bien le but visé par les Évangélistes de nous partager cette grâce qu’ils ont reçue, ce contact avec la Parole de Dieu, faite chair, le but visé par les Évangélistes, comme le dit encore Saint Jean : « Ce que nous avons contemplé, ce que nous avons entendu, nous vous l’annonçons à vous aussi, pour que vous aussi vous soyez en communion avec nous » (1 Jean 1,3.)

A nous donc, désormais, d’accueillir sans réserve cette même Parole dans la terre de notre cœur, sans négliger de défricher cette terre où repoussent sans cesse tant d’épines, tant de mauvaises herbes, et aussi où poussent les cailloux, si je puis dire. Oui, défricher la terre de notre cœur par la conversion constante, ne soyons pas étonnés et de retomber dans nos péchés et donc d’avoir à se convertir sans cesse et donc aussi ne pas négliger le sacrement du Pardon qui nous soigne, qui nous libère.

A nous aussi de la semer à notre tour cette Parole qui donne la vie éternelle par le témoignage d’une vie féconde en charité.

Et je termine par ces réflexions pleines de sagesse et d’expérience de ce bénédictin du XVIIème siècle, Jean Mabillon, que vous avez peut-être lu vous-mêmes, je l’espère, dans Magnificat, en tous cas il est toujours temps, elles sont merveilleuses ces paroles, je n’en cite que deux extraits : « Lors donc, dit-il, que vous lisez les paroles de vie, considérez-les attentivement, elles ne donnent la vie que lorsqu’on s’y arrête par une sérieuse réflexion. Une seule parole de vie est capable de nous donner la vie si nous la digérons bien ».

On parle de « ruminer la Parole », voyez qu’on est dans le même registre, il s’agit de digérer cette Parole, sinon elle reste en surface et c’est tout balayé par le mauvais. « Si nous la digérons bien, si nous la laissons passer de l’esprit dans le cœur d’où elle se puisse répandre ensuite dans toutes les puissances de notre âme, et dans toutes les parties de notre corps, pour en sanctifier toutes les actions. » Amen.