16ème Dimanche du Temps Ordinaire (A)

19 juillet 2020

  • Frère Jean François	CROIZÉ Frère Jean François CROIZÉ

Introduction : Comme nous avons raison de chanter l’Esprit-Saint, de prier l’Esprit-Saint car en fait c’est lui l’auteur de la prière en nous. Saint Paul insistera beaucoup là-dessus notamment dans sa lettre aux Romains.  « L’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit-Saint qui nous a été donné ». Il fera un complément dans ce que nous entendrons dans la deuxième lecture.

Ne pas prier, c’est se priver de la présence et de l’action de l’Esprit-Saint, or combien nous en avons besoin pour notre vie chrétienne, notre discernement dans notre vie quotidienne.

Nous avons la joie d’avoir parmi nous le patronage de Notre-Dame du Lys de Paris, dont certains enfants sont servants d’autel, ici. Ils terminent leur semaine de patronage. Merci à eux d’être parmi nous et de nous aider pour la liturgie aussi.

Nous pouvons aussi prier particulièrement pour la France. Nous savons qu’une loi a été votée au forcing : la PMA. C’est une gravité devant Dieu. Prions le Seigneur pour non seulement éclairer les intelligences mais faire prendre conscience de cette atteinte profonde à Dieu lui-même à travers ce qui est permis.

Demandons pardon au Seigneur.

 

Homélie : Chers Frères et Sœurs, c’est vrai que les oreilles sont faites pour entendre et les yeux pour voir.

Un jour, il y a un homme politique qui disait à un prêtre : « Vous savez le cœur du monde, le cœur de l’homme c’est un véritable champ de bataille ». Oh ! Le prêtre lui a répondu : « Ecoutez, vous savez nous avons deux yeux et deux oreilles. Nous avons souvent une oreille et un œil pour ne pas voir le mal ou l’entendre, et l’autre œil et l’autre oreille pour ne pas voir le bien et le voir (ou l’entendre). Si nous avons deux yeux et deux oreilles, c’est pour discerner le bien et le mal, semble-t-il ». Je crois que l’évangile nous ramène à ça.

L’évangile de ce jour est plus développé que d’ordinaire. Jésus aime prendre le temps de la rencontre et de l’enseignement. Jésus nous parle du Royaume des cieux sous forme de comparaison à partir de celle de la vie, celle du semeur, d’une femme en activité, utilisant des éléments simples de la nature : le grain, l’ivraie, la terre, la pâte, le levain.

Pour décrire le Royaume des cieux, Jésus nous présente trois images qui ont en commun le verbe « pousser ». Le bon grain et l’ivraie poussent ensemble pour être ensuite séparé. La graine de moutarde pousse pour devenir un bel arbre. La mesure de levain dans la farine, elle pousse, elle fait lever toute la pâte. Cela veut dire que le tout est en croissance de vie.

Dans la nature des choses, ces éléments naturels sont fixés en leur état, ils ne peuvent pas changer. Le bon grain restera du bon grain, l’ivraie restera de l’ivraie. Au bon grain sont attachées toutes les qualités qui réjouissent le maître, les semeurs, les moissonneurs. L’application de la parabole du bon grain est aux âmes droites. L’application de l’ivraie c’est tout l’opposé d’où sont liés les malheurs. Sans doute ne faut-il pas trop vite en tirer une application dans le comportement des hommes : les bons d’un côté, les mauvais de l’autre, comme dans un film sans possibilité de conversion, de changement, ce qui serait contraire à la patience et la miséricorde de Dieu. Relevons que la première vertu qui façonne le bon grain s’appelle la patience, maîtresse de vie, vertu de l’amour éprouvé, ce que chacun de nous est appelé à vivre.

Le passage tiré du livre de la Sagesse proposé en première lecture met en lumière une autre patience, celle de Dieu. Celle-ci exerce son pouvoir avec une douce prévenance et clémence, « lent à la colère ». La « lenteur » de Dieu est puissance de l’Amour vrai, délicat, patient, prévenant. Elle est l’extrême opposé de ceux qui imposent leur pouvoir en ce monde avec la violence de l’orgueil. Selon l’auteur du livre de la Sagesse, le peuple de Dieu devrait se comporter comme son Dieu en se montrant ami des hommes. Il devrait toujours se souvenir que, même pécheur, il peut compter chaque jour sur la bonté paternelle de Dieu qui est miséricorde.

Saint Paul nous rappelle que seuls, sans le secours de l’Esprit-Saint, nous sommes incapables de rejoindre en Dieu l’amour d’un Père qui connaît le fond de notre cœur. Qui néglige les moments de prière s’expose à l’abandon de l’Esprit-Saint. Le moment privilégié de sa présence et de son action est notre prière.

Dans l’évangile, l’ivraie dans le champ de blé se développe plus rapidement que la lente croissance du bon grain, -bien que les serviteurs montrent qu’ils sont surpris de la présence de l’ivraie-, ce n’est pas en réalité le trait le plus imprévu et surprenant de la parabole de l’ivraie, car d’ailleurs, c’est vrai, au serviteur qui lui demande des explications, le maître répond simplement : « L’ennemi a fait cela ».

L’affirmation qu’au temps de la moisson le grain et l’ivraie seront soigneusement séparés n’est pas inattendue non plus. Le grain sera récolté dans le grenier et l’ivraie jeté dans le feu. L’étonnement de l’auditeur, des apôtres, -étonnement qui, comme il arrive souvent, indique le point où il faut se concentrer- est dans le fait que l’ivraie ne doit pas être arrachée maintenant, mais doit plutôt pousser avec le grain jusqu’au moment de la récolte : autrement, il y aurait le risque, -ajoute judicieusement le Maître-, d’arracher avec l’ivraie le bon grain.

Comprenons que, dans notre cœur, il y a du bon et du moins bon, pour ne pas dire de l’excellent et du mauvais. Jésus ne repousse pas les pécheurs du seul Juste, c’est-à-dire de lui-même, mais va chez eux, chez nous. Il ne les abandonne pas, il ne nous abandonne pas et offre son pardon, son Esprit-Saint. Accueillons-le, Bonté infinie. Si nous nous croyons justes, avant de vouloir extirper l’ivraie chez les autres, sachons que notre cœur n’en est pas exempt. Alors, laissons le soin au Seigneur de nous éclairer, de l’enlever de notre cœur en expérimentant la patience de Dieu.

La patience s’accompagne de confiance et de fidélité. Le centre de la parole, me semble-t-il, se situe donc ici, dans cette patience miséricordieuse de Dieu, nous sommes dans le temps de la miséricorde de Dieu. Fait étrange pour nous, alors que les éléments de la nature sont dans une activité intense, le maître semble statique. Toutefois, ce passage de l’évangile n’est pas uniquement une invitation à l’immobilisme, mais une invitation à la vigilance, à la fidélité. Le Christ explique clairement que la vraie justice arrivera à la fin du temps. Jusqu’à présent, nous devons vivre, bon gré, mal gré avec l’ivraie en évitant que le bon grain ne soit corrompu, endommagé.

Si l’enseignement de la Parole de Dieu souligne l’importance de la fidélité, la patience est indiquée par le fait que la présence de l’ivraie est une souffrance qui participe à la miséricorde du Seigneur, mais laissons Dieu juger à la fin. Ce n’est pas à nous de faire justice, c’est à nous de nous convertir et de témoigner de la vérité dans la charité en priant pour que notre foi augmente. C’est notre foi qui doit continuellement s’affermir, s’épanouir et croître. Chaque indécision peut être risquée et permettre à l’ennemi de jeter une mauvaise semence même dans un champ très bien cultivé de l’âme.

Le Seigneur lui-même nous avertit : « Pendant que tous les hommes dormaient… ». Ceci est un avertissement pour tous, non seulement pour ceux qui doivent veiller sur l’intégrité du champ. Veiller, même lorsqu’il n’y a pas de danger. On ne reconnaît en effet seulement l’ivraie qu’une fois qu’elle a grandi et que l’arracher peut être préjudiciable pour le blé. Il s’agit là d’une invitation claire à la sagesse prévoyante.

D’autre part la parabole de l’ivraie est un message de confiance pour les disciples d’hier et d’aujourd’hui. Même si dans le monde, la présence du mal existe, Dieu est déjà en train de réaliser son œuvre de Salut. A travers la prédication de Jésus, Dieu répand et fait grandir dans les cœurs de tous les hommes la bonne semence jusqu’à la fin du monde, ce temps de la moisson où Dieu séparera les justes des méchants. Il revient à Dieu seul de juger : nous, les croyants, devons imiter la bonté du Sauveur et prier pour les pécheurs et ceux qui commettent le mal.

Prier signifie aspirer à la moisson finale par laquelle le bien triomphera définitivement. Prier c’est s’unir à Dieu, riche de miséricorde, qui cherche à ramener la brebis égarée dans la bergerie. Prier en Dieu, c’est avoir confiance dans l’annonce de la Parole qui demeure plus forte que le mal. Prier, enfin, c’est finalement se laisser pénétrer par l’Esprit-Saint qui vient à notre secours.

La troisième parabole, celle du levain dans la pâte, est semblable à la deuxième. Jésus souligne la disproportion entre la pincée de levain avec laquelle la femme pétrit la farine et la quantité importante de pâte levée qui en dérive. Cette comparaison explique l’activité du Fils de Dieu qui, aux yeux des humains d’hier et d’aujourd’hui, apparaît sans importance, et pourtant, c’est la force silencieuse et spectaculaire avec laquelle Dieu transforme le monde et sauve l’homme. Le levain représente donc la force de l’évangile qui, même si elle est cachée et silencieuse aux yeux de l’histoire, travaille dans les cœurs jusqu’à la fin des siècles.

Pour que la Parole de Jésus puisse travailler dans nos cœurs, nous devons être disponibles à son écoute. Notre cœur est une petite terre, où la bonne semence de la grâce a été semée, mais qui est assiégé par l’ivraie de nos indifférences, de nos culpabilités, de nos péchés. Comme le bon grain, aucun être humain n’est à identifier avec son péché et avec ses ombres. Si nous ne voyons pas la lumière en nous, comment la verrons-nous dans les personnes ? Le Seigneur dit : Soyez patients, n’agissez pas avec violence, car votre cœur est capable de grandes choses quand il est doux et humble.

Demeurons sur le chemin de la vie, adoptons le mode d’agir du Seigneur : pour vaincre la nuit, il fait apparaître le matin ; pour faire fleurir le champ, il jette une infinité de semences de vie ; pour faire lever la farine immobile, il y met une pincée de levain. Il est le Semeur de l’Amour qui porte sur lui le péché pour transfigurer le pécheur. Il ne détruit pas l’homme ancien pour construire l’homme nouveau : il le rachète. L’important c’est de regarder avec action de grâce la vie comme Dieu la regarde. Les serviteurs voient surtout les mauvaises herbes, le négatif, le danger. Comme le Christ, contemplons le bon grain qui nous montre que nous ne sommes pas créés à l’image de l’ennemi et de sa nuit, mais à l’image du créateur et de son jour.

Comme Marie, incarnons le message de la parabole d’aujourd’hui. Prenons exemple sur la Vierge Marie qui méditait la Parole de Dieu dans son cœur, et tout notre être s’épanouira dans la lumière. Amen.