18ème Dimanche du Temps Ordinaire (A)

2 août 2020

  • Frère Jean François	CROIZÉ Frère Jean François CROIZÉ

Introduction : C’était super de vous entendre chanter, joyeusement, c’était magnifique. Je ne sais pas si vous avez ressenti la même chose que moi ? Alors, continuez à chanter comme ça. Cela montre vraiment que nous faisons un chœur qui loue le Seigneur.

Aujourd’hui, on est heureux d’accueillir le Père Guillaume du diocèse de Rennes qui vient passer plusieurs jours parmi nous.

En ce dimanche, il est question de l’amour du Père. Je ne sais pas ce que vous entendez, vous, par l’amour du Père, en quoi consiste-t-il ? Bien sûr, l’amour c’est un mot que nous employons souvent, on l’entend dans tous les sens, mais l’amour du Père ce n’est pas rien, c’est une vie, c’est celle de son Fils Jésus qui est venu par amour pour nous sauver.

Eh bien ! remercions le Seigneur, soyons dans l’action de grâce et demandons-lui de nous fortifier dans cet amour.

Et évidemment, nous sommes plus souvent dans des manques d’amour pour lesquels nous demandons pardon.

 

Homélie : Chers Frères et Sœurs, la Parole de Dieu de ce jour nous oriente sur l’amour de Dieu.

Il m’est arrivé de célébrer des mariages, la préparation au mariage, disons, non pas de personnes pratiquantes mais de personnes, qui, voilà, voulaient quand même célébrer le mariage à l’église. Le bras de fer, c’est toujours le morceau de musique à l’entrée du mariage, le bras de fer !

Et lorsque la célébration commence c’est souvent une musique, quelquefois avec des paroles, bien que je demande qu’il n’y ait pas de parole, mais on a toujours des surprises, ça exalte d’une manière incroyable, ça soulève l’assemblée dans un enthousiasme, dans une ferveur tout-à-fait humaine, c’est un amour humain qui est exalté.

Quand tout de suite après, commence le chant religieux où l’animateur s’époumone devant une assistance muette pour chanter l’amour de Dieu, on voit le décalage entre un amour humain passionné et passionnant et un amour de Dieu qui tombe à plat. On mesure le grand écart que nous avons, nous faisons l’expérience de cet amour de Dieu qui est souvent, j’allais dire, absent et très pauvre.

Alors, chers Frères et Sœurs, je vous propose de commencer par résumer ce que je pense être l’enseignement de la Parole de Dieu de notre dimanche. Il me semble que la pointe se situe dans la gratuité de l’amour de Dieu pour chacun. Certes, nous aimons Dieu par intermittence, fugitivement, tandis que l’amour de Dieu le Père pour Jésus est éternel, permanent. C’est de cet amour que Jésus nous aime intensément, jusqu’au don de sa vie, son Eucharistie. Alors comme dit Saint Augustin : « Aimons à aimer l’amour ».

C’est peut-être ainsi que nous pourrions définir les lectures de ce dimanche. Isaïe s’adresse à un peuple de petites gens, les pauvres de Yahvé. Ils n’ont guère d’argent, ils n’ont pas davantage de prétention, ils se contentent d’un cadre de vie modeste : ils craignent Dieu. Et puisqu’ils sont pauvres, ils ne doivent pas gaspiller leur humble salaire pour le superflu.

Or le paradoxe nous montre que, si en ce monde tout se négocie, tout se vend, tout s’achète, car au regard de la société mercantile, la gratuité comme le bénévolat n’est pas contrôlable, de plus n’ayant pas valeur comptable est regardée comme suspect. Il n’en est pas ainsi dans la relation avec Dieu, chez Dieu, tout est pour rien, tout est offert, tout est don, c’est sans prix.

Nous le pressentons : sous des images de nourriture et de boisson, ce qui est offert gratuitement à ces pauvres, c’est la Sagesse, la science de Dieu, l’amour de Dieu. Et ce que Dieu attend des hommes n’est autre que la fidélité et la croissance, la réciprocité, si vous voulez, dans la charité. Plus on est pauvre de soi et plus on est apte à recevoir cette aumône divine.

Jésus, si l’on s’en souvient, à la Samaritaine qui affectait de ne rien comprendre à la demande et à l’offre de Jésus, Jésus offrait l’eau vive de la grâce et de l’Esprit. Il nous faut entendre ces appels réitérés de Dieu : dans le « venez », appuyé par cet autre appel : « écoutez-moi et vous vivrez ».

Jésus, une nouvelle fois, va le prouver dans l’évangile, il va payer de sa personne. Au cours de la journée, embarquement, débarquement et guérisons, voilà les faits marquants. Tandis que Jésus et ses disciples s’embarquent pour la solitude recherchée sur l’autre rive du lac, les foules qui ont observé la manœuvre se mettent en route elle aussi ; contournant le lac en longeant les rives, elles atteignent l’endroit vers lequel se dirigeait le Maître.

Le contraste est doublement marqué : entre le voyage sur l’eau de Jésus et ses disciples, et la marche forcée sur terre des foules ; entre la solitude recherchée et la multitude assemblée. Jésus répond à leur volonté de persévérance, plein de miséricorde, il guérit les malades qu’on lui présente.

Le soir venu, le jour baisse, ce qui veut dire que la faim est au rendez-vous. Tout le monde comprend et les disciples de Jésus, bien entendu. La réaction va de soi ; « Renvoie cette foule et qu’ils se débrouillent ! ». Là encore, la volonté de Jésus est déconcertante, provocante : «  Ils n’ont pas besoin de s’en aller, donnez leur vous-mêmes à manger ».

Or maintenant, ce sont les disciples qui sont dans l’embarras. Etre spectateur du Maître qui fait des miracles de guérisons, c’est très confortable, mais se mouiller pour répondre à une attente, voilà qui bouscule et met mal à l’aise, sans fuite possible. L’évangéliste parle de 5000 hommes sans compter les femmes et les enfants ! que faire ?

Maigre consolation, ils n’ont que cinq pains et deux poissons, et l’évangéliste Saint Marc ajoute au charme en parlant d’un lieu verdoyant. En écoutant le récit, on pourrait s’imaginer la situation comique ou tragique, en fait elle est dramatique, comme celle de la faim des émigrés, cherchant le bonheur, qui est (errent) çà et là.

Or, c’est précisément dans ces situations humainement insolubles, où la foi est mise à l’épreuve que le Seigneur déploie sa miséricorde. Jésus préside et opère, ses gestes sont précis, posés, car ils se fixeront dans la mémoire des disciples pour en faire mémoire. Jésus prend dans ses mains les cinq pains et les deux poissons, il lève les yeux au ciel vers son Père, et prononce la bénédiction rituelle, il rompt les pains et les donne aux disciples qui sont chargés de la distribution de la nourriture.

La munificence de Jésus est telle que tous se rassasient et qu’il y a des restes de quoi remplir les corbeilles de voyage des 12 disciples. Ce pain qui ne s’épuisera jamais. Comment ne pas comprendre l’appel du Seigneur par les prophètes ? : « Vous qui avez soif, voici de l’eau, venez consommer sans argent et sans rien payer, car la nourriture est le pain que je vous donne pour la vie éternelle ».

Au-delà du pain matériel pour lequel nous devons rendre grâce à Dieu, c’est le sens de nos bénédicités avant le repas et de l’action de grâce après le repas, ce que nous faisons tous et normalement, il y a le pain venu du ciel, l’Eucharistie, destinée à entretenir notre vie spirituelle. C’est Jésus qui nous l’offre, ça paye pas de mine, ça fait pas de bruit, il n’y a pas besoin d’orchestre, Dieu agit par ses ministres de manière préférentielle dans la grande assemblée du peuple de Dieu rassemblée devant l’autel.

Jésus guérit les malades, nourrit les foules en vertu de la domination qu’il exerce sur les forces de la nature. N’est-il pas associé à son Père dans toute l’œuvre de la création ? Il demande à son Église de poursuivre dans le monde sa fonction de miséricorde temporelle, par le souci qu’elle doit prendre des malades, des pauvres, des affamés.

Au fond, le message de ce dimanche, Saint Paul le résume bien lorsqu’il nous dit : « Tout contribue au bien de ceux qui aiment Dieu, puisqu’ils sont appelés selon le dessein de son amour ». Cela nous rassure dans nos épreuves par la certitude que nous devons avoir de la fidélité de Dieu et du Christ dans l’amour dont ils nous poursuivent. Il est supposé, bien entendu, que nous répondrons à ces avances divines par une fidélité et un amour que nous ne voudrions pas perdre.

L’amour est le premier et le dernier mot de Dieu, ainsi que le chante la Vierge Marie : « Le Puissant fit pour moi des merveilles… Il s’est penché sur la petitesse de sa servante… Son amour s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent… Il comble de bien les affamés… Sa miséricorde s’étend vraiment d’âge en âge ! ». Amen.