20ème Dimanche du Temps Ordinaire (A)

16 août 2020

  • Frère Marie-Jean BONNET Frère Marie-Jean BONNET

Introduction : Hier, nous avons fêté avec joie Marie, et il nous a été dit et rappelé que Marie est un signe pour nous, signe de l’Église à venir, c’est-à-dire de ce Corps total du Christ enfin soigné, guéri, sauvé, glorifié.

Et nous, c’est par ce chemin laborieux, eh bien, comme Marie qui nous a précédés, la première en chemin, sur ce chemin de la foi, de la vie ordinaire, je dirai, eh bien, c’est sur ce chemin où nous venons nous ressourcer tous les dimanches, nous venons refaire nos forces auprès de Jésus qui s’offre à nous en Sauveur. C’est sur ce chemin que peu à peu nous sommes sanctifiés, pour répondre à cette vocation à la sainteté. Dieu nous a tous appelés à la sainteté, tous les  hommes.

Eh bien, demandons cette grâce de nous laisser sanctifier aujourd’hui par cette rencontre pour porter ce salut aussi à nos Frères qui l’attendent sans le savoir peut-être.

Entrons dans cette Eucharistie en reconnaissant combien nous avons besoin encore, et encore, d’être sauvés, d’être transformés par le Seigneur.

 

Homélie : Cette scène de l’évangile que nous venons d’entendre, eh bien, rappelons-nous qu’elle se situe dans ce pays du Liban actuel, cette scène si merveilleuse, cette foi, que loue le Seigneur, d’une païenne ; étonnant cet évangile. Prenons spécialement dans notre prière ce pays si éprouvé encore, ce pays martyr depuis des années, ce pays bien-aimé du Liban où Jésus justement vient de manifester son amour offert à tous les hommes.

Oui, alors que notre humanité expérimente de plus en plus dans les épreuves et dans les drames, comme aussi dans les proximités, les solidarités, l’interdépendance de tous les peuples entre eux, et de tous les hommes, le Seigneur, dans sa Parole d’aujourd’hui, nous confirme cette unité foncière de toute la famille humaine, et nous rappelle que le but unique qu’il poursuit à travers les spirales et les drames de l’histoire humaine, c’est bien le salut de tous les hommes.

Et c’est l’affirmation littérale de Saint Paul, fort de son expérience missionnaire, lorsqu’il affirme : « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité, -et parviennent à la connaissance de la vérité- » (1 Timothée 2,4), ce qui fonde tout le zèle missionnaire que nous avons à vivre.

Et cette universalité du salut, c’est aussi ce que voyait déjà le prophète du livre d’Isaïe au retour de l’exil : « Les étrangers qui se sont attachés au Seigneur, -dit-il, nous l’avons entendu-, -qui se sont attachés au Seigneur…- pour aimer son Nom… je les comblerai de joie dans ma maison de prière… car ma maison s’appellera « Maison de prière pour tous les peuples » », (Isaïe 56, 6.7).

Cette maison de prière pour tous les peuples, c’est l’Église de Jésus, bien sûr, temple de pierres vivantes dont Lui, Jésus, est la pierre angulaire, nous le savons bien.

Dans ce dessein de Dieu, ce salut offert à tous les hommes, il passe par une alliance particulière et première avec le peuple d’Israël, témoin aujourd’hui encore comme hier, témoin, au milieu des autres peuples, d’un Dieu qui aime et conduit l’homme et lui promet un Sauveur. Et nos Frères Juifs attendent toujours ce Messie promis, ce Sauveur.

L’accomplissement de cette promesse en Jésus n’a, malheureusement, pas été reconnu par ceux qui avaient grâce et mission pour cela. Voilà pourquoi la Bonne Nouvelle et le Salut offert en Jésus parviennent aux païens et à nous, ex-païens, par d’autres voies imprévisibles à l’origine. Mais Dieu écrit droit avec des lignes courbes, nous le savons bien.

Il n’en reste pas moins vrai que « le Salut vient des Juifs » (Jean 4, 22), comme le déclare Jésus à la femme Samaritaine. Le Salut en effet nous vient en Jésus, Juif, ne l’oublions pas, et Messie d’Israël, par Marie, fille d’Israël par excellence parce que pleine de foi et modèle des « anawins », de ces pauvres de cœur.

Et c’est bien également grâce aux apôtres, tous Juifs eux aussi, envoyés aux nations par Jésus, que le Salut nous a été apporté. Si Israël n’a pas reconnu le temps où Dieu l’a visité, comme dit Jésus, cependant « Dieu ne saurait rejeté son peuple choisi » comme l’affirme Saint Paul, dans cette même lettre aux Romains (11, 2), car il est le Dieu fidèle. « Ses dons gratuits et son appel sont sans repentance », dit l’apôtre, et il affirme même qu’Israël sera un jour réintégré dans l’œuvre du Salut réalisée dans le Christ.

L’évangile de ce jour où l’attitude de Jésus vis-à-vis de cette femme Cananéenne est si déroutante, voire choquante à première lecture, cette page d’Évangile est comme une petite synthèse, justement, en acte de cette double révélation sur Dieu que nous offrent les deux premières lectures, à savoir : – l’amour de Dieu est universel, destiné à tout être humain, à tout homme, – et cet amour est fidèle, il ne se reprend jamais malgré les infidélités de ceux qui ont fait alliance avec Lui.

Cette révélation du cœur de Dieu nous appelle à nous demander aujourd’hui, nous qui par grâce sommes entrés dans l’alliance nouvelle et éternelle de Dieu avec les hommes, «  nous qui avons reçu grâce sur grâce », comme l’écrit Saint Jean dans son prologue de l’Évangile, (Jean 1,16), nous demander dans quelle mesure nous sommes, en actes, les fils de notre Père du ciel, dans quelle mesure nous sommes au milieu des hommes, images de son amour universel et fidèle ? Dans quelle mesure notre cœur est-il prêt à s’ouvrir à tout être humain, comme le cœur de Dieu ? Dans quelle mesure est-il capable de rester ouvert et fidèle envers ceux qui nous ont déçus ou même blessés ?

En disant cela, cette universalité de l’amour auquel nous sommes appelés, je pense à ce témoignage bouleversant d’une personne que j’ai rencontrée, il y a une dizaine de jours, où nous partagions en groupe, eh bien, les fruits difficiles ou heureux de ces épreuves, de ces mois de confinement : cette personne de nous partager avec la simplicité la plus naturelle que, pendant cette période douloureuse, elle avait accueilli un sans-domicile-fixe qui était dans la rue, chez elle, parce que, disait-elle : mais ça m’est tout naturel, je ne peux pas laisser quelqu’un dans la rue.

Eh bien, quand on entend ce genre de témoignage, effectivement on se sent tout petit, on se dit mais quelle merveille d’amour, capacité d’amour, de confiance, bien sûr, cette femme a en Dieu pour faire un geste pareil, pour se laisser toucher par la misère de quelqu’un, d’un être de son semblable, car ce sont nos semblables. Oui, dans quelle mesure notre cœur est-il prêt à s’ouvrir à tout être humain, dans quelle mesure est-il prêt à rester, à rester ouvert et fidèle envers ceux qui nous ont déçus ou même blessés ?

Devant le constat de notre radicale pauvreté en amour, -je pense que nous en sommes là, et si nous ne constatons pas notre pauvreté radicale en amour, je crois que nous souffrons de cécité spirituelle, eh bien,- devant ce constat douloureux de notre pauvreté en amour, amour de Dieu et du prochain, faisons nôtre la prière suppliante de la femme Cananéenne : « Prends pitié de moi, Seigneur !… Viens à mon secours ».

Et demandons à Celle dont le cœur est universel aussi, par grâce bien sûr, mais c’est la mission qu’elle a acceptée, elle a redit son « oui » quand son Fils sur la croix lui a demandé de devenir la Mère de tous les hommes. Eh bien, demandons à Celle que nous avons fêtée hier : « Marie, apprends nous à aimer ».