20ème Dimanche du Temps Ordinaire C 2022

14 août 2022

  • Frère Jean François	CROIZÉ Frère Jean François CROIZÉ

INTRODUCTION : Nous venons de chanter  « Dieu soit béni pour nos pères dans la foi, ils ont dans notre histoire fait briller la lumière sur les aveugles et les tombeaux ». Nous rendons grâce pour ces pères dans la foi qui nous ont ouvert un chemin aussi à la suite du Christ, tel Saint Maximilien-Marie KOLBE dont nous faisons mémoire aujourd’hui. Cet apôtre de feu, apôtre de Marie, qui a donné sa vie jusque dans le tombeau de la prison où il était enfermé, pour sauver un homme, un père de famille condamné à mort.
Remercions aussi le Seigneur de nous donner la pluie, car nous en avons vraiment besoin,
Et demandons au Seigneur la grâce d’être fidèle, de savoir rendre grâce, et c’est le sens aussi de notre présence pour vivre cette action de grâce du Christ à son Père.
Eh bien, chers frères et sœurs, préparons nous à célébrer le mystère de l’Eucharistie en reconnaissant que nous avons péché.

HOMÉLIE : Chers frères et sœurs, nous avons bien acclamé la Parole du Seigneur Jésus. Nous Lui avons rendu Grâce. Et quelle est donc cette Parole aujourd’hui ? A quoi ai-je pensé en méditant la Parole de Dieu qui est provocatrice lorsque Jésus nous dit : « Je suis venu apporter le feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! »
Je m’arrêterai simplement sur cette pensée de Dieu, de Jésus, et par quel feu le Seigneur veut-il nous faire passer ? Peut-être pensons-nous en ce temps caniculaire aux ravages provoqués par les incendies ? Les images diffusées sont effroyables et les désastres et conséquences écologiques incalculables. Mais aujourd’hui, par cette affirmation frontale, le Seigneur nous invite à réfléchir sur le symbole, la réalité, le sens du feu dans l’histoire, quel rapport entre le feu et le Seigneur, le Baptême du feu.
Nous pensons d’abord à ce que représente le feu dans les civilisations antiques, païennes ; le feu, cette force mystérieuse était divinisée chez les païens. Ils offraient un culte au feu, et, à travers ce feu, à des idoles qu’ils avaient fabriquées jusqu’à y sacrifier leurs enfants. Toujours est-il que ce feu, provoqué par des causes naturelles, était utilisé à des fins de culte idolâtrique, de vénération, d’adoration, de protection.
Je crois que pour comprendre quelque chose de ce feu, il nous faut revisiter les grandes expériences de l’Histoire Sainte, l’Histoire d’un peuple qui n’a pas su résister à cette mentalité du culte des idoles, car lorsqu’on est éduqué à des coutumes, c’est extrêmement difficile d’en sortir, de changer de regard, c’est imprimé dans les coutumes !
Pensons d’abord à cette première expérience dramatique, celle du jardin d’Eden. Lorsqu’Adam et Eve se sont détournés de Dieu, ont été chassés du jardin d’Eden, Dieu a placé des Chérubins avec des glaives de feu pour interdire l’entrée dans son jardin : le feu sépare.
Dans l’Histoire Sainte, une autre expérience va faire évoluer notre registre cultuel sur le sens du feu ; il s’agit de l’expérience d’Abraham, lorsqu’il a quitté Our en Chaldée, qu’il est entré dans le pays de Canaan, où il a fait cette première expérience spirituelle très forte, celle de la rencontre avec ce Dieu qu’il ne connaissait pas encore, auquel il va dresser un autel, et ce Dieu va lui demander d’offrir un sacrifice. Et en quoi consiste ce sacrifice ? Dieu lui demande de prendre des animaux, de les séparer en deux, et lorsque vient le soir, une torpeur tombe sur Abraham, et là, précisément, c’est le passage du feu sur les offrandes, le passage de Dieu, Dieu s’engage.
C’est déjà un changement. Le feu marque la séparation d’avec Dieu, qui est matérialisée par la sortie du jardin d’Eden, l’Alliance est renouvelée avec Abraham par le feu.
Toujours dans l’Histoire Sainte, pour comprendre à nouveau ce changement de la mentalité par rapport au feu, nous avons l’expérience de Moïse sauvé des eaux, récupéré par la fille de Pharaon, introduit à la cour, élevé dans les cultes initiatiques, ésotériques égyptiens, le culte des idoles égyptiennes. Moïse se savait hébreu, et voilà qu’il est banni par ses frères et condamné à mort par Pharaon pour avoir tué un garde égyptien. Il doit fuir.
Il trouve refuge près de Madian, accueilli par un chef de clan, prêtre d’un culte païen. Il va donc être initié à un culte païen, aux dieux de Madian. Moïse est complètement pénétré de cette culture initiatique païenne, et voilà qu’un jour, près du Sinaï, car Madian était de ce côté-là, il fait une expérience : il voit un buisson d’épines embrasé par un feu qui ne le consume pas, et étonné, surpris, il s’approche et il entend une voix sortant du buisson de feu. Or de ce feu, dans ce buisson, Moïse va faire l’expérience de la présence de Dieu, d’un Dieu personnel et non pas d’une idole, d’un Dieu qui parle, qui appelle Moïse par son nom, qui s’adresse à lui, qui l’interpelle en lui disant : « Déchausse-toi, ce lieu est saint ! » C’est un feu purificateur, symbole de la présence de la sainteté de Dieu.
Or ce buisson ardent, buisson d’épines, symbole de l’enfer d’un cœur humain habité, brulé par la haine, la violence, la vengeance, transformé par ce feu qui descend au cœur de ce buisson, c’est Dieu Lui-même qui se rend présent par le feu, buisson ardent sanctificateur. Moïse va le comprendre. Il y reconnaitra le Dieu d’Abraham, d’Isaac, de Jacob, parce que ce Dieu va se nommer ; c’est la première fois que Dieu donne son nom : « Je suis », « Je suis », c’est-à-dire un Dieu personnel, le Dieu d’Abraham, d’Isaac, de Jacob. Il connaitra dans son cœur une paix, une force d’âme.
Lorsque le cœur est traversé par ce feu de Dieu, il devient apte à pouvoir l’entendre, le recevoir, l’accueillir, c’est-à-dire à recevoir une mission, pas la sienne, celle qui lui sera donnée. C’est pour cela que Moïse est envoyé pour délivrer son peuple, le peuple de Dieu, le peuple des Hébreux tenu en esclavage. Ce n’est pas rien d’être esclave, subir l’esclavage, sans identité. Ce peuple en esclavage subissait l’injustice, l’oppression, le cœur brûlé par la révolte, la haine, le désespoir. Dieu, par Moïse, va fait sortir ce peuple, le faire marcher trois jours dans le désert pour faire l’expérience de Moïse, l’Alliance avec Lui, avec Dieu.
Et pour faire Alliance avec une personne, il faut qu’elle puisse dire : « je ». Un esclave ne peut pas dire « je », il fallait le sortir de l’esclavage. En le sortant de l’esclavage, Dieu va lui redonner une identité, celle de fils. Il doit (va) faire éprouver à ce peuple ce qu’il a fait éprouver à Moïse avec le buisson ardent dans la montagne du Sinaï, c’est le feu de Dieu qui va descendre, transformer cette montagne en feu. Cet évènement fondateur a marqué profondément ce peuple, le peuple que Dieu s’est choisi.
Ce feu, le symbole de la gloire de Dieu, le visage de Moïse va réfléchir cette Gloire de Dieu, il sera obligé de voiler son visage. Dieu, en sortant de l’esclavage son peuple, va lui apprendre une autre loi. Pour apprendre à être fils, il faut apprendre la loi de la liberté pour se conduire en enfant de Dieu. Le peuple va recevoir le Décalogue, les dix paroles de l’Alliance qui vont l’accompagner, l’éduquer. Malheureusement, cela ne l’empêchera pas de fabriquer une idole : un veau d’or. Moïse détruira ce veau d’or par le feu. Le veau d’or c’est le symbole du péché, il sera détruit par le feu tel que l’annonce Saint Paul dans la deuxième lettre.
Si nous pensons à notre expérience, nous voyons que ce n’est pas si simple de comprendre ce que c’est que le feu de Dieu.
Nous arrivons à Elie, le seul prophète encore fidèle à Dieu. Il va convoquer sur la montagne les quatre cents faux prophètes, les quatre cents prêtres des temples idolâtriques royaux, pour les provoquer. Pour prouver quel est le vrai Dieu, la provocation se fait par le feu. Elie provoque ces faux prophètes par le feu, celui qui fait tomber le feu du Ciel est le vrai Dieu. Elie sera exaucé, il invoque son Dieu et le feu tombe du Ciel. La conséquence est simple puisque c’est un Dieu vainqueur.
La reine Jézabel en voudra à sa vie ; et il va s’enfuir. Où va-t-il s’enfuir ? Il va retourner au Sinaï pour refaire cette expérience du peuple à la sortie d’Egypte. Il veut rencontrer ce Dieu dans le feu, et là, il ne se passe rien, pas de feu, pas de tonnerre, rien qu’un petit souffle. Alors il va comprendre que Dieu n’est pas dans le feu au Sinaï, ce n’est plus la montagne fumante, embrasée, c’est un souffle. Son cœur va être retourné. Il va comprendre quelque chose et cela va changer tout son ministère, et il va préparer ses successeurs ainsi.
Isaïe, lui, fera cette expérience de l’Ange incandescent qui viendra lui toucher les lèvres pour purifier son cœur. C’est un feu purificateur.
Lorsque Jésus monte à Jérusalem pour traverser le pays des Samaritains, et que les Samaritains barrent la route. Que font Jacques et Jean ? Ils se souviennent d’Elie : « Seigneur, veux-tu que nous commandions au feu du Ciel de descendre et de détruire ces Samaritains ? » Ils disent cela à Jésus alors qu’il y avait déjà presque trois ans qu’ils étaient avec Lui…
Voyez comme il est difficile de changer les mentalités. Ce n’est pas rien. Il faut que ce soit Dieu qui vienne visiter cela, et Jésus intervient : « De quel esprit êtes-vous pour vouloir agir ainsi ? » C’est une question qu’il nous faut entendre, mais c’est précisément là que prend tout son sens cette parole de Jésus : « Je suis venu apporter le feu sur terre ». De quel feu s’agit-il ?
Lorsque Jésus sera arrêté au Jardin des Oliviers, condamné devant Pilate, après l’avoir fait flageller, les soldats vont lui couvrir la tête d’un casque d’épines. Un casque d’épines… souvenez-vous, c’est le même buisson d’épines que celui que Moïse a vu, a expérimenté, c’est-à-dire que toute la violence, tout le péché humain se concentrent sur ce casque d’épines qu’ils vont mettre sur la tête du Christ. Il deviendra ce buisson ardent. Ils savaient, eux les Juifs, qu’il était le Messie, l’envoyé de Dieu.
Dieu avait fait sortir Adam et Eve du Jardin d’Eden pour une terre où poussent des épines, et les hommes vont Lui rendre la pièce de sa monnaie, ils le feront sortir du Jardin des Oliviers, vont couvrir le Christ d’un casque d’épines. Pour toute réponse, Jésus sur la Croix se révèle ce feu ardent couvert du buisson d’épines. Il prononcera ces paroles : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font ». Le feu de Dieu c’est sa Miséricorde. C’est cela le feu de Dieu. Il faut l’accepter. Il faut le comprendre. Il faut en vivre. C’est cela qui transforme le cœur, par ce don offert, Jésus offrant sa vie, Dieu lui-même prend sur Lui le poids du péché. Il est ce feu incandescent qui brûle nos péchés.
Et cela se traduira à la Pentecôte lorsque Jésus donnera son feu aux apôtres, ce feu qui viendra transformer le cœur des disciples pour en faire des missionnaires. Comme Moïse, beaucoup plus tôt, a été envoyé délivrer le peuple, les apôtres seront envoyés pour délivrer le monde entier justement de cet esclavage du péché qui peut être jusqu’au don du sang.
En Marie, nous avons la figure parfaite en Marie immaculée, que nous fêterons demain dans le mystère de son Assomption dans la gloire de Dieu. Et Marie à Lourdes apparait à Bernadette toujours dans un halo de feu, de lumière, présence de Dieu qui précède.
Et l’Eucharistie est cet Amour brûlant de Dieu caché sous les espèces humbles et pauvres, petites, pour venir transformer notre cœur, afin que notre cœur devienne brûlant comme les disciples d’Emmaüs en ont fait l’expérience.
Demandons au Seigneur son Esprit de Feu pour transformer, renouveler notre cœur dans son Amour. AMEN.