22e DIMANCHE Du Temps Ordinaire (B)

29 août 2021

  • Mgr Hugues Paulze d'Ivoy, crsv Mgr Hugues Paulze d'Ivoy, crsv

ACCUEIL de Frère Jean-François : Hier, en la Solennité de notre père Saint Augustin, nous avions la joie de célébrer ce jubilé avec nos confrères de la vie canoniale.
Et aujourd’hui, c’est donc Monseigneur Hugues Paulze d’Ivoy, supérieur général de la Congrégation de Saint Victor, Congrégation qui est présente sur trois continents, qui va présider notre Eucharistie et nous avons aussi la joie d’avoir aussi parmi nous le Révérend père Richard Lehmann-Dronke, supérieur général de la Congrégation de vie commune, Congrégation canoniale, avec les membres de la Congrégation, ainsi que Sœur Martina qui est dans l’assemblée.
Merci et nous comptons bien sûr sur votre prière pour notre confédération, les membres de nos Congrégations.

Introduction de Monseigneur Hugues Paulze d’Ivoy, crsv : Heureux de célébrer le Seigneur en ce jour qui lui est consacré, heureux de rendre grâce pour tous ces dons notamment le don de la vie consacrée, de la vie canoniale, le don du charisme de cette famille religieuse, ici. Nous voulons rendre grâce au Seigneur, et au début de l’Eucharistie, nous voulons aussi nous reconnaître pêcheurs, reconnaître que nous manquons de foi, que nous manquons d’espérance, que notre charité n’est pas assez vive et entière. En silence, reconnaissons-nous pêcheurs. Implorons le pardon du Dieu vivant.

HOMÉLIE de Monseigneur Hugues Paulze d’Ivoy, crsv : Chers Confrères, chères Sœurs, chers frères et sœurs, La Parole du Seigneur, aujourd’hui, est assez propre à nous offrir une instruction, une réflexion dont nous avons peut-être plus besoin que nous le croyons. Il s’agit de remettre l’ensemble de notre vie de foi, de la pratique de notre religion, dans le bon ordre, dans sa bonne finalité, juste et lumineuse. Parce que dans notre vie de foi, dans notre pratique religieuse, il se trouve bien des tentations à l’intérieur même de sa compréhension, de sa pratique, et que ces tentations sont d’autant plus difficiles à mesurer, à repérer, à corriger en nous, qu’elles touchent à ce que nous avons de plus sacré, de plus essentiel dans chacune de nos vies.
Depuis l’Ancien Testament, depuis que Dieu a convoqué, formé son peuple, Il l’a entraîné, éduqué à se laisser conduire par Lui, à se laisser former par Lui. C’est une lente et profonde éducation du Seigneur sur nous et c’est déjà quelque chose que nous avons à accepter dans la foi, même si nous sommes adultes et avancés en âge, expérimentés et compétents dans bien des matières, de nous laisser conduire, former, éduquer encore jusqu’à la fin.
Dieu donne à son peuple des décrets, des ordonnances, des commandements que nous avons à mettre en pratique. Et toujours aujourd’hui, nous avons bien des choses à mettre en pratique, concrètes, chaque jour, nous le savons bien.
Mais ici se présente déjà une tentation que Moïse rend présente à la conscience du peuple de Dieu. « Vous n’ajouterez rien à ce que je vous ordonne et vous n’y enlevez rien ». Ne rien ajouter, ne rien enlever. Faire exactement ni plus ni moins ce que le Seigneur, par l’intermédiaire de son Église, nous demande. En réalité, c’est une tentation constante de l’esprit humain. On peut considérer que tout va mal, et que donc il faut en faire plus, faire plus de choses, en rajouter. Et c’est une tentation présente du temps de Jésus, chez les Docteurs de la Loi de rajouter des commandements aux commandements, et des commandements aux commandements des commandements et des commentaires et des prescriptions nouvelles. A la fin, c’est proprement sans fin. Mais nous, nous pouvons être tentés de nous dire -ça ne va pas, il faut en faire plus-. Comme si c’était la pratique des commandements qui nous sauvait. Ne rien ajouter.
Et il y a la tentation inverse, en enlever. Dans ce que l’Église me dit, dans ce que le Seigneur me demande, il y a des choses -je ne suis pas bien certain que ça soit utile ; et moi je trouve que… ;je ne le comprends pas ; je ne le situe pas- la tentation d’en faire moins -ça c’est bon pour les autres ; c’est la vie des Saints ; je n’en suis pas là-. On peut se former, se trouver toutes sortes d’excuses qui ont, en général, une certaine logique humaine, une certaine logique dans notre raison, pour en faire moins. Ne pas ajouter, ne rien enlever.
Nous savons aussi que la foi que nous recevons comme un don de Dieu, qui nous transforme intérieurement, n’est pas une série d’idées sur Dieu ; elle est une vie concrète, changée, transformée. Et comme le dit le Seigneur à son peuple, en entrant dans la pratique des décrets, des ordonnances qu’Il donne, le peuple de Dieu entre dans une vie nouvelle et reçoit en héritage un pays nouveau. C’est toute notre vie qui est engagée et qui se transforme petit à petit. Si la foi reste une série d’idées, d’idéaux alors elle n’est pas rentrée vraiment en nous. Elle n’est pas en nous une vie nouvelle.
Et c’est la deuxième tentation à laquelle le Seigneur répond avec une grande force. En nous ramenant, en ramenant ses auditeurs à l’écoute profonde de la Parole de Dieu, à la question de différents rites pratiqués, Jésus répond par le prophète Isaïe en dénonçant l’hypocrisie de ceux qui l’interrogent : « Ce peuple m’honore des lèvres mais son cœur est loin de moi ». C’est la deuxième tentation de notre vie de foi, de ne pas mettre dans le bon rapport la pratique extérieure d’un certain nombre de choses à faire concrètement, réellement et ce qu’il y a à l’intérieur de nous.
En réalité les deux choses sont nécessaires, mais il faut les mettre dans le bon ordre. Ce que Dieu veut, ce qu’il attend de nous n’est pas d’abord que nous fassions ceci ou cela. Ce qu’Il veut de nous, ce qu’Il attend de nous n’est pas moins que notre cœur et la totalité de notre personne. Comme disait notre père Saint Augustin : « Celui qui t’a fait tout entier, t’exige, te demande tout entier ». Et ce peut être une tentation assez grande -écoute, Seigneur, j’ai fait ceci, j’ai fait cela ; mon cœur, je ne sais pas, repasse une autre fois, je n’en suis pas là.
Bien, alors la pratique de la vie de foi perd totalement tout son sens. Dieu n’a pas besoin que nous fassions des choses pour lui. Il est Dieu. Ce que Dieu veut, c’est entrer dans une alliance d’amour où Il se donne Lui-même à nous et nous nous donnons à Lui en retour. Ce qu’Il attend de nous, c’est le don de notre vie, le don de notre cœur.
Mais alors dans cette tentation, il y a une sous-tentation : -Seigneur, je te donne mon cœur, je te donne tout, pour les pratiques je verrai une autre fois-. Nous comprenons bien qu’il faut mettre ces choses en rapport. Ce que Dieu veut, c’est notre cœur mais notre cœur s’exprime, se réalise, grandit dans l’amour, dans la foi à travers des actes concrets. Nous ne sommes pas des esprits purs, nous sommes des esprits incarnés : notre corps et la matière qui nous entoure nous sont offerts pour que nous puissions exprimer extérieurement ce qu’il y a dans notre cœur et ainsi le mettre en pratique, et le mettant en pratique, le faire grandir.
Que serait par exemple, que serions-nous, nous religieux, si on disait au Seigneur -Seigneur, je te prie de tout mon cœur, je t’offre tout, mais ce matin, je reste au lit, je n’irai pas à l’office- ? Que seraient des époux qui se disent tout leur amour mais qui ne font rien de concret l’un pour l’autre ?
Donc il nous faut mettre dans le bon ordre la pratique et la vie profonde de notre cœur : les moyens et la fin. La fin, c’est de nous donner dans l’amour à Dieu, de vivre de Lui, avec Lui, pour Lui ; les moyens, c’est tout ce qui nous est donné dans notre vie concrète, dans notre vocation, dans nos différents états de vie, dans les évènements qui surviennent. Tout cela, la Providence divine le veut ou bien le permet pour que notre amour grandisse, pour que la profondeur du don dans notre cœur grandisse à travers les actes et par les actes que nous avons à vivre.
Ce qui est en question finalement, nous le comprenons bien, n’est pas tellement de pratiquer ceci ou cela, encore qu’il faille le faire de manière juste et vraie et qui nous est donnée, mais à travers cette pratique concrète, c’est quelque chose qui touche au mystère même du sens de notre personne, de notre vie et de la vie du monde.
Ce qui est en question finalement, ce n’est pas seulement notre forme de vie ici-bas. La foi n’est pas un remède à nos malheurs. Elle n’est pas la solution pour améliorer le monde en tout point immédiatement. Tout cela, ce serait des formes d’instrumentalisation et de réduction du mystère de la foi.Ce qui est en question, c’est le mystère même de Dieu et de notre salut.
Et voilà la troisième tentation : le grand combat qui est en jeu finalement dans notre vie de foi : est-ce que nous voulons nous faire nos propres maîtres, y compris en matière religieuse ? Ou est-ce que nous comprenons que Dieu nous propose une alliance où il s’agit de nous donner en nous laissant conduire entièrement par Lui, en renonçant à nous-mêmes pour entrer dans sa vie à Lui.
Saint Jacques, dans ce très beau passage de sa lettre, a des paroles merveilleuses qui doivent nous encourager : « Les dons les meilleurs descendent d’auprès du Père des lumières, Lui qui n’est pas comme les astres sujet aux mouvements périodiques ni aux éclipses ». Saint Jacques se moque, je pense, gentiment un peu de nous parce que dans notre vie de foi nous sommes sujets, nous, aux mouvements périodiques et aux éclipses. La constance n’est pas le plus fort.
Et Saint Jacques nous révèle ce qui est en jeu du mystère même de Dieu en nous : « Il a voulu nous engendrer par sa Parole de vérité pour faire de nous comme les prémices de toutes ses créatures. » A travers le don de notre cœur et la pratique des commandements de Dieu, nous sommes engendrés par Dieu lui-même au moyen de sa Parole, qui est son Verbe fait chair le Christ Jésus, pour être les prémices, le commencement du Royaume non seulement pour nous mais pour toutes les créatures, pour tout l’univers créé.
Et voilà le combat : « Accueillez dans la douceur la Parole semée en vous ; c’est Elle qui peut sauver vos âmes. » Il y a en chacun de nous, frères et sœurs, un combat qui peut comporter une certaine violence, à cause de nos résistances, de notre orgueil, de nos péchés pour ne pas dire un oui plein et entier à Dieu, dans la douceur. Il y a ce combat qui consiste à réaliser que ce n’est pas nous qui nous sauvons par quoi que ce soit, y compris de religieux, c’est Lui et Lui seul qui vient nous sauver, c’est-à-dire nous introduire dans la Vie véritable.
Ce qui est attendu de nous, c’est une écoute humble, obéissante, qui renonce à nos plans, à nos projets pour entrer dans ce que Dieu nous propose. Et cela est bien concret : « Mettez la Parole, poursuit Saint Jacques, en pratique, ne vous contentez pas de l’écouter ; ce serait vous faire illusion ». Et puisque Dieu est Amour et qu’Il nous propose une Alliance d’Amour avec Lui, si nous ne vivons pas dans l’amour du fond de notre cœur et dans notre pratique concrète, nous n’y sommes pas. « Devant Dieu notre Père un comportement religieux », c’est-à-dire qui met en œuvre la vertu de religion, qui met en œuvre la foi pure, non déformée et sans souillure, « c’est de visiter les orphelins et les veuves dans leur détresse. » Autrement dit, c’est d’aimer dans notre cœur et en actes, « et de se garder sans tache au milieu du monde », de ne pas suivre toutes les déformations du monde.
Trois tentations. Si nous n’y voyons pas toujours bien clair, contemplons le modèle merveilleux que Dieu nous donne en la Vierge Marie. Elle n’a rien ajouté et rien enlevé. Elle a mis en pratique ce que le Seigneur lui demandait mais de tout son cœur, comme venant de son cœur et pour faire grandir l’adhésion à Dieu et au Christ dans son cœur. Elle s’est laissé engendrer par Dieu. Son Cœur Immaculé n’est pas pour Elle source de fierté ou d’orgueil, il est source de disponibilité humble, totale à Dieu et de se laisser conduire, élevé dans son Amour. Amen.