25e DIMANCHE Du Temps Ordinaire (B)

19 septembre 2021

  • Frère Jean François	CROIZÉ Frère Jean François CROIZÉ

Homélie : Chers Frères et Sœurs, Mesurons-nous la grâce d’être chrétiens et présents chaque dimanche, le jour du Seigneur, pour le Seigneur ? C’est une grâce et ce doit être une joie. Beaucoup ne prennent pas conscience de cette grâce et de la joie, hier comme aujourd’hui, d’être chrétiens, c’est-à-dire d’appartenir au Christ, de le confesser, d’en être heureux. Être heureux du bonheur de Dieu, d’en vivre et de le partager.
Dans notre prière d’ouverture, le Seigneur nous fait demander : « Seigneur, tu as voulu que toute la loi consiste à t’aimer et à aimer son prochain, alors donne-nous la grâce, la force de garder ce que tu commandes afin de parvenir au bonheur de la vie éternelle ». Ce qui doit nous réjouir, c’est la finalité : parvenir au bonheur de la vie éternelle, être avec Dieu, en Dieu.
La logique du monde telle qu’elle est exposée dans les lectures de ce dimanche s’oppose à la volonté de Dieu. Aujourd’hui, la logique du monde n’est que trop claire : le passage du livre de la Sagesse nous la résume. L’objectif est l’activité principale, est centré sur la persécution du juste : « Attirons le juste, soumettons-le à des tourments, condamnons-le à une mort infâme ».
Le livre de la Sagesse décrit la situation du juif pieux en exil à Alexandrie en butte à la vexation des païens et à la persécution des juifs renégats, apostats, tout simplement parce qu’il affiche sa foi, son appartenance, sa confiance à Dieu. L’égoïsme et le mépris de l’homme seraient la route à toutes les violences et aux oppressions.
Aujourd’hui, l’exil n’est pas forcément à l’étranger. Il est à l’intérieur même du pays, jusque dans le cœur du croyant. Les sociétés libérales, dites libérales, mettent à l’épreuve le croyant dans sa conscience et sa foi. Non, il n’est pas permis d’être croyant dans un monde sans Dieu tel que le monde le conçoit. A l’opposé de la civilisation du mal et de la mort, il y a la civilisation de l’amour et de la vie ; elle est bien présente pour qui sait la reconnaître.
Entendons-nous la réponse du juste dans l’épreuve en la personne du psalmiste ? C’est très beau. « Voyez, dit-il, dans ma solitude, je n’ai que Dieu pour soutien ». Il s’adresse au Seigneur : « Je rends grâce à ton Nom car il est bon ». « Car il est bon » !
Il faut aussi entendre la plainte de ce juste dans l’épreuve. Il dénonce le mal, il ne se voile pas la face, il est victime. Sa réponse n’est pas vengeance, il la remet dans la main de Dieu et renouvelle sa confiance en confessant la bonté de Dieu. Et nous aujourd’hui, dans la résonnance médiatique, entendons-nous le cri des chrétiens persécutés, martyrisés ?
Je ne suis pas sûr… Nous sommes paralysés dans le jeu de billard de la géopolitique mondiale. On nous parle de conflits, certes ils sont bien réels ; mais le nombre de chrétiens persécutés est bien réel aussi. Et les témoins ne manquent pas. Ils témoignent et disent les choses comme elles sont ; elles ne sont pas forcément entendues. Y-a-t-il un remède, une solution à ces bouleversements tragiques ?
Le Pape François, lui, ne s’embarrasse pas de discours diplomatiques et de compromissions. Il dénonce tout simplement la guerre insidieuse, ou à outrance, qui pèse de façon de plus en plus insupportable sur les épaules des pauvres gens et que personne, dit-il, ne peut plus prétendre ignorer.
Il ajoutait ceci : « à la lumière de ces témoignages de nos martyrs d’aujourd’hui- et, dit-il, ils sont plus nombreux qu’au début de l’évangélisation-, je voudrais remercier le Seigneur pour son Église, que son Église accomplisse dans son corps ce qui manque à la passion du Christ encore aujourd’hui et en demandant la grâce du tout petit martyr quotidien, de ce martyr de tous les jours dans le service de Jésus, dans la fidélité à notre baptême. »
Tenir sur son cœur la Croix de Jésus pour ne pas renier Jésus-Christ. Il ne suffit pas de la porter. Il faut vraiment l’avoir à cœur. Aujourd’hui, il est vital de tenir serrée sur son cœur la Croix de Jésus pour ne pas sombrer ou perdre la foi, car c’est la Croix de Jésus qui nous permet de rester debout avec Marie au pied de la Croix, la Croix de son Fils.
Cela nous introduit à l’évangile. Jésus estimant sa mission publique en voie d’achèvement se consacre à préparer ses disciples à la réalité crucifiante de sa mort ; c’est la deuxième annonce de la croix : « le Fils de l’homme va être livré aux mains des hommes. » À la première annonce de sa passion, Jésus avait mis l’accent sur cette nécessité. Aujourd’hui, dans cette deuxième annonce, il dévoile son imminence et sa tragédie.
« Livré aux mains des hommes », dit-il, c’est-à-dire à l’atrocité du supplice car les hommes, dans la violence, sont capables de cruauté sans pitié. La première annonce de la passion avait suscité le scandale, la réaction de Pierre. Aujourd’hui, ce n’est pas le scandale, c’est la peur. Ils ont peur de l’interroger, c’est insupportable.
Arrivés à la maison, Jésus s’y prend autrement, avec un enfant, un innocent. Jésus leur avait parlé du chemin de la croix, les disciples pendant la marche avaient discuté du chemin de la gloire humaine. On n’est pas sur le même registre. « De quoi discutiez-vous en chemin ? » la question est embarrassante. Les disciples se taisent toujours et ne répondent pas. Posez donc à des jeunes la question sur les vedettes médiatisées, ils vous en parleront pendant des heures ; mais si vous leur posez en public la question de Jésus, vous aurez un silence fuyant.
Le chemin ouvert au Salut de Jésus n’est pas un chemin du monde fermé sur lui-même. Mais pour sortir de l’impasse, du mutisme, Jésus propose la clé de la simplicité d’un enfant. L’esprit d’enfance devient le passage obligé pour accueillir le don de Dieu et l’amour du Père. Seuls la foi et l’amour transforment les servitudes en services. « Ce que vous faites au plus petit, c’est à moi que vous le faites ». Plus petits sous-entendu pas forcément plus petit par l’âge, mais plus petit dans l’ordre de l’amour et de l’humilité.
Le vrai croyant sait que si Dieu lui donne l’enfant en exemple, c’est qu’en retour l’enfant lui donne l’amour de Dieu et la joie. En cela, nous sommes loin de ce que dénonce Saint Jacques : jalousies, rivalités, désordre, hypocrisie, guerres, conflits, etc. c’est-à-dire tous les instincts de convoitise.
Seule la Croix de Jésus nous élève au-dessus de la violence, des tentations mortifères et nous donne accès au Cœur ouvert de Dieu. Tenir la Croix de Jésus serrée sur le cœur, se nourrir du viatique de l’Eucharistie, voilà l’urgence de la vie chrétienne aujourd’hui.
L’Eucharistie est le pain des forts et des anges ; et n’oublions pas de prendre Marie pour Mère, c’est la volonté du Seigneur.
Chaque jour nous pouvons invoquer le Cœur de Jésus : « Cœur sacré de Jésus, rends mon cœur semblable au tien », comme le souligne le Pape François : « c’est beau d’avoir un cœur comme celui de Jésus, pour savoir aimer comme lui, pardonner, donner l’espérance, accompagner. » Amen.