28ème Dimanche du Temps Ordinaire (A)

11 octobre 2020

  • Frère Marie-Jean BONNET Frère Marie-Jean BONNET

Introduction : Nous sommes heureux d’accueillir aujourd’hui plusieurs groupes, les scouts de la Mayenne qui sont au premier rang, Scouts Unitaires de France, les familles pour l’École de prière que nous allons vivre aujourd’hui ici au Prieuré, et puis l’association, je crois, 70 membres de l’association Lazare dont le responsable du groupe nous donnera une présentation à la fin de cette Eucharistie.
Nous accueillons le Père Bernard Doneau, du diocèse d’Angers, soyez le bienvenu.
Nous sommes tous les bienvenus, le Seigneur nous a convoqués, le Seigneur nous attendait chacun personnellement. Soyons dans la joie, le règne de Dieu est au milieu de nous.
Ouvrons nos cœurs à son pardon d’abord, à sa miséricorde pour repartir renouvelés, fortifiés par le don de sa vie.

 

Homélie : « Heureux les invités au repas du Seigneur », nous allons l’entendre tout-à-l’heure au cœur de l’Eucharistie, juste avant la communion : « Heureux ». Est-ce que nous faisons attention ? Est-ce que nous écoutons ? Oui, heureux sommes-nous. Et le texte latin est un petit peu plus précis : « Bienheureux ceux qui sont invités au repas de l’Agneau », « Ad caenam Agni vocati sunt ! », et c’est tiré, vous le savez, du livre de l’Apocalypse, au chapitre 19ème qui est encore plus précis : « Bienheureux ceux qui sont invités au festin des noces de l’Agneau » (Apocalypse 19,9), et effectivement, on voit le lien avec l’évangile de ce jour. Voilà, toute l’écriture se tient, il y a un lien.

C’est au présent : « Heureux ceux qui sont invités », et non pas ceux qui seront invités. Le royaume des cieux on a toujours envie de le mettre pour plus tard, non, ceux qui sont invités, le royaume de Dieu c’est au présent, ce qui nous laisse entendre que le repas de l’Agneau est déjà là, il est déjà offert, et tous les hommes sont invités, c’est ça la merveille.

Dans un mariage, c’est une des réalités les plus emblématiques parmi les réalités terrestres, les plus emblématiques du bonheur, eh bien, dans un mariage, un mariage chrétien, j’entends, il y a deux temps, nous le savons bien : la célébration sacramentelle du mariage, ce qui est l’essentiel évidemment, et puis les agapes et les réjouissances. Alors, on peut le dire qu’il y a trois temps parce que, il y a aussi le cocktail avec les petits fours, tout le monde n’est pas invité au repas, il y en a qui sont invités au cocktail, bon, je laisse la comparaison, -il ne faut pas trop serrer de près les comparaisons qui sont toujours imparfaites-, mais ici, quand je garde ces deux temps, celui de la célébration et celui du repas, de la fête, il y a plus qu’une comparaison, je pense qu’il y a quelque chose à creuser de réel, de profond, pourquoi ?

Pour les noces de l’Agneau, les noces du Christ avec l’humanité sauvée, elles sont déjà engagées, la célébration est déjà commencée. Le Père Sonet a cette phrase magnifique de lyrisme : « Le Père a envoyé sur terre son Fils pour que prenant l’humanité à son bras, il la fasse entrer un jour au sein de Dieu ».

Oui, les noces sacramentelles sont déjà commencées avec le Christ parce que le Christ, lui, a déjà donné son oui matrimonial, son Oui total, inconditionnel, définitif, et puis, d’abord pardonnant, pardonnant cette humanité blessée par sa faute, par sa liberté mal usée. Le Christ, nous dit Saint Paul, n’a été que oui, il n’a pas été à la fois oui et non, oui mais, il n’a été que oui depuis l’éternité, et ce oui, il l’a tenu fidèlement jusqu’à la croix. Et c’est bien cette même offrande, cette célébration du oui du Christ que nous célébrons en chaque Eucharistie qui est rendue présente. Le Christ nous offre son oui, un oui qu’il incarne par le don de sa Parole d’abord, justement, « Je t’aime ». Toutes les Paroles de la Bible sont pour dire : « Mais je t’aime, mais je t’aime, est-ce que toi tu m’aimes ? », et puis pour nous le prouver par le don de son Corps, après.

Et en chaque Eucharistie le Christ vient, revient sans cesse nous mendier notre oui, comme un soupirant, voilà, comme un amant, comme un fiancé ne sait comment s’y prendre pour obtenir le oui total et définitif de sa fiancée et inversement. Oui, il vient mendier sans cesse à l’Eucharistie notre oui, un oui plus profond, un oui qui nous engage vraiment : « Ceci est mon Corps livré pour vous », livré pour toi, et toi, es-tu prêt, quand seras-tu prêt à te donner vraiment à moi, à te livrer à moi ? Dans le mariage normalement, non seulement on ne se prête pas, on se donne, mais, je dirais, on se livre.

Et Saint Paul qui a compris ce mystère, je dirai inouï, fou, c’est de la folie, il n’y a que Dieu qui peut avoir des folies d’amour comme ça. Et Saint Paul qui a compris par grâce ce mystère nous dit : « Votre corps est le Temple de l’Esprit-Saint qui est en vous, et que vous avez reçu de Dieu », c’est déjà les arrhes justement de ces noces. « Vous ne vous appartenez plus à vous-mêmes car le Seigneur vous a rachetés très cher » (cf 1ère aux Corinthiens 6, 19-20). Et dans le mariage, eh bien oui, quelque part, chaque époux ne s’appartient plus à lui même, il doit être en état permanent, il devrait, voilà c’est toute notre misère, notre fragilité, nos incohérences, il devrait être en état de don, de sortie de soi vers l’autre. Le Christ vit cela pour nous.

Nous savons bien, hélas, par expérience, combien nos oui sont très imparfaits, c’était l’évangile de dimanche dernier, ou celui d’avant, -je ne sais plus- : oui, oui ! puis on ne fait pas, oui mais, voilà le oui. Et même lorsqu’ils sont sincères, ils sont si fragiles, si inconstants. Le Cardinal Barbarin qui était là hier, qui avait invité les jeunes de l’Association Lazare fort heureusement, eh bien, relevait effectivement cette fragilité, ces incohérences ; nous faisons comme Marthe lors de la résurrection de Lazare des professions de foi magnifiques dans nos églises, mais qu’en est-il une heure après ? pour incarner cette profession d’adhésion, c’est ça une profession de foi, une profession d’adhésion à la volonté de Dieu. Oui, nos oui sont très imparfaits même lorsqu’ils sont sincères, ils sont si fragiles, si inconstants.

Eh bien, Dieu, le Christ, notre époux, ne se décourage pas, jamais, quelle merveille, quelle merveille ! Voilà pourquoi le Christ nous invite et nous presse même, un appel pressant du père dans la parabole qui est partagé par son fils, par le Christ : Mais venez tout est prêt, le trésor est là, le mariage est tout prêt, il n’y a plus qu’à dire oui, mais un vrai, un vrai oui. Oui, le Christ nous invite et nous presse de répondre à son rendez-vous d’amour, dominical d’abord pour nous redire et nous prouver encore et toujours son amour inconditionnel.

Comme je vous le disais, nous le redire, nous le remettre sous les yeux par sa Parole, et puis ensuite, oui, nous le prouver dans le don de son Corps, et susciter et recueillir notre oui toujours à redire, oui. Ça a été dit dimanche dernier, mais je le redis, le magnifique, -j’allais dire-, petit, l’adolescent Carlo Acutis avait tellement découvert que, mais oui, c’est la fête l’Eucharistie, c’est un trésor qui était incomparable à tout ce que nous pouvons vivre sur terre, qu’il y allait tous les jours. Mais pour lui c’était du vital. D’ailleurs, le Père Caffarel, en 1947, disait déjà la même chose. Je l’ai dit ici, mais je le répète, vous êtes bien assis, hein ? L’Eucharistie quotidienne est le régime normal d’un chrétien normal, vous avez entendu ? Je répète, l’Eucharistie quotidienne est le régime normal d’un chrétien normal. Eh bien, Carlo Acutis à 15 ans avait compris ça, c’est magnifique, c’est formidable. Que c’est beau une personne qui se laisse saisir par l’Esprit-Saint et qui dit son oui, un vrai oui, chaque jour, ben ça donne des Saints, en 15 ans.

Alors le ciel dans tout ça, ben oui, le ciel, bien sûr, c’est beau, le ciel ce sera les agapes, les réjouissances, mais il serait désinvolte de venir simplement pour les petits fours ou pour le repas, je pense que ceux qui invitent seraient quand même un peu surpris. Alors, bien sûr, il ne s’agit pas de coller les images, mais voilà Saint Matthieu nous met, après avoir dit implicitement cette béatitude : « Bienheureux ceux qui sont invités au festin des noces de l’Agneau », il nous suggère des malédictions, au sens de malheureux :malheureux êtes-vous si vous refusez l’invitation du Seigneur, l’invitation présente, malheureux si vous la négligez, mais ils n’en tinrent aucun compte.

C’est terrible parce que tant de baptisés, je ne parle pas des autres, voilà, tant de baptisés qui ont reçu déjà l’Esprit-Saint, qui ont reçu les arrhes de ces noces, tant de baptisés négligent, ont oublié, négligent l’Eucharistie, ils ont tant de choses à faire. Je l’ai déjà dit, mais je le redis, je suis quand même un peu surpris combien de chrétiens, même pratiquants, qui se veulent pratiquants, se dispensent un peu facilement parfois de la messe dominicale, généralement pour des raisons familiales : il y a une réunion de famille, alors vous comprenez, mes enfants ne comprendraient pas que je sois parti à la messe pendant qu’ils viennent, alors qu’ils viennent deux fois par an. Eh ben oui, eh ben, c’est un témoignage justement que « Dieu premier servi », Dieu est cet amoureux et on vient à ce rendez-vous d’amour. Et puis quand ce n’est pas pour parler de voyage : eh bien vous comprenez je pars dix jours, alors je ne pourrai pas aller à la messe, je pars 10 jours en croisière, donc je ne peux pas aller à la messe. Mon Dieu ! Mais où sont les priorités ? Où est le trésor ? C’est ça aimer le Christ qui est resté trois heures en croix, et nous, pendant ce temps-là, on fait une croisière, on ne peut pas aller à la messe ! Ah, il faut se remettre en question. Bon, il y a des raisons légitimes, ça existe mais je pense, à part les questions de santé bien entendu que je ne n’oublie pas, les autres raisons, je pense, devraient être rares, rarissimes.

Alors, il y a l’Eucharistie dominicale, mais il y a aussi bien sûr tant de rendez-vous d’amour que le Seigneur nous donnent aussi, la prière quotidienne, la prière familiale, la prière sur la Parole de Dieu. Je vous invite à chercher sur internet cette lettre magnifique sur la Parole de Dieu, (Lettre Apostolique Scripturae Sacrae affectus à l’occasion du XVIème centenaire de la mort de Saint Jêrôme, 30 septembre 2020) que le Pape François vient de nous donner à l’occasion de la Fête de Saint Jérôme qui a été bien sûr un amoureux de la Parole de Dieu, et le Pape de nous redire avec sa fermeté habituelle : Mais la Parole de Dieu n’est pas assez présente dans les familles chrétiennes. Il faut la lire en famille, et la lire personnellement, s’en nourrir ; ce n’est pas de la lecture, c’est une rencontre avec quelqu’un de vivant qui nous parle, qui nous dit son amour dans sa Parole.

Oui, il serait désinvolte de venir pour les petits fours, c’est-à-dire voilà, de dire, bien sûr, le ciel, bien oui, oui je veux aller au ciel, mais de ne pas revêtir le vêtement de noce, c’est-à-dire ce vêtement de la grâce, bien sûr, que nous avons reçu au baptême mais que nous avons si souvent perdu, peut-être abîmé, perdu par le péché grave. Et bien sûr, ce serait finalement si on vit dans le péché habituellement, si on s’habitue au péché grave, eh bien, on est dans le cas de cet homme qui, de manière désinvolte et inconsciente, qui dit, bien sûr, je veux être sauvé, je veux aller au ciel mais il ne se laisse pas revêtir par le vêtement de la miséricorde qui nous remet ce vêtement de la grâce. Qu’est-ce que nous faisons, est-ce que nous faisons cas de ce merveilleux sacrement de la confession aussi qui sans cesse nous revêt du Christ ?

Eh bien, demandons au Seigneur et à Carlo Acutis, et à la Vierge Marie, bien sûr, notre éducatrice, notre Mère, de nous aider à prendre mieux conscience de ce trésor : « Heureux les invités, aujourd’hui, au festin de noce de l’Agneau ». Amen.