29ème Dimanche du Temps Ordinaire (A)

18 octobre 2020

  • Frère Philippe-Marie VAGANAY Frère Philippe-Marie VAGANAY

Introduction : « Vivez l’espérance ». L’espérance c’est le fruit d’une expérience, c’est le fruit d’une rencontre. C’est parce que nous avons rencontré le Christ ressuscité, c’est parce qu’il vit au plus profond de nos cœurs par la foi que nous pouvons vivre d’espérance, et que nous pouvons témoigner de cette vie qui nous habite.

Aujourd’hui, s’achève la semaine de prière pour les Missions. Etre missionnaire c’est être ces témoins de l’espérance qui nous habite. Alors, prions d’abord pour nous-mêmes, pour que cette espérance qui nous habite soit de plus en plus visible et prions pour tous ceux qui ont reçu cette mission toute particulière d’annoncer l’évangile aux Nations.

Au seuil de cette Eucharistie, eh bien, laissons-nous purifier par le Christ, par l’eau, qui va nous rappeler la grâce baptismale, cette eau qui a marqué nos fronts au jour de notre baptême.

 

Homélie : Lorsque nous lisons l’Évangile, que nous écoutons les paraboles du Royaume, nous nous faisons une image plutôt bucolique de Jésus : Jésus qui marche au milieu des champs de blé, Jésus qui est au bord du lac de Galilée, Jésus qui est sur le Thabor…

Or, à y regarder de plus près, nous constatons que le contexte social, en Palestine, au temps de Jésus était tendu, voire explosif. Il n’y avait pas de gilets jaunes, mais les Zélotes qui opposaient une résistance farouche à l’envahisseur Romain et la résistance juive ne cessait de gronder.

La Palestine étant soumise à l’occupation romaine, les zélotes faisaient de l’objection de conscience en refusant l’impôt de César.

D’un autre côté, il y avait Hérode qui était un roi fantoche mis en place par les Romains pour donner une apparence d’autonomie par rapport à l’empire romain.

Du point de vue religieux, les Pharisiens et les Sadducéens, pour pouvoir conserver le droit du culte au Dieu unique dans le Temple de Jérusalem, étaient prêts à des concessions par rapport aux autorités romaines.

C’est dans ce contexte que Pharisiens et Hérodiens s’unissent pour tendre un piège à Jésus : « Est-il permis, oui ou non, de payer l’impôt à César, l’empereur ? ». Qu’il réponde « oui » ou « non », Jésus sera compromis de toutes manières !

« Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute » ; alors, ils commencent à flatter Jésus pour mieux le prendre à leur piège. Quatre compliments sont décernés à Jésus : « Tu es toujours vrai ;  tu enseignes le chemin de Dieu en vérité ; tu ne te laisses influencer par personne ; ce n’est pas sur l’apparence que tu considères les gens ».

Ce traquenard est en fait un bel hommage rendu à Jésus. Et nous aurions avantage à cultiver ces quatre qualités de Notre Seigneur. Que nous sachions rester totalement libres, sans raideur, sans compromission, sans faire de différence entre les gens.

Vient alors la question piège : « Est-il permis, oui ou non, de payer l’impôt à César ? »,
« Montrez-moi la monnaie de l’impôt », répond Jésus. Ils lui présentèrent une pièce d’un denier.

Jésus commence habilement par démasquer leur hypocrisie, en demandant innocemment de lui montrer une pièce de monnaie qui sert à payer l’impôt. Sans hésiter une seconde, ils tirent de leur poche une de ces pièces montrant par là leur soumission au pouvoir romain, eux qui se présentaient comme des gens impartiaux !

L’effigie et la légende sont de l’empereur César Tibère, lui qui se disait dieu. On comprend alors que les zélotes interdisaient à leurs partisans de payer l’impôt.

« Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu ».

Jésus ne fait pas qu’inventer la séparation de l’Église et de l’État en disant cela, il va beaucoup plus loin. Pour essayer de comprendre toute la pensée de Jésus, il nous faut prendre en compte les deux parties de cette sentence, en donnant à la seconde partie toute sa valeur de conclusion décisive.

« Rendez à César ce qui est à César ». Dans la perspective de l’Ancien Testament, « tout pouvoir vient de Dieu. » Dans la première lecture, nous avons vu Dieu appeler Cyrus, le Perse, « Son messie », ce n’est pas anodin comme appellation. Et il va se servir de ce roi païen pour libérer son peuple de la captivité de Babylone.

Dans sa réponse, Jésus invite à tenir compte de l’autorité établie, et à en respecter ses lois. Ce faisant, il désacralise le pouvoir politique en affirmant que César est César…, et qu’il n’est pas Dieu. César a  droit de gouverner comme un homme mais pas comme un dieu.

« Rendez à Dieu ce qui est à Dieu ».

L’histoire nous a montré ce qui advient lorsqu’on ne rend pas à Dieu ce qui est à Dieu, lorsque la politique prétend se moquer de cette deuxième partie de la pensée de Jésus. Les sociétés « sans-Dieu » sont des sociétés inhumaines. Quand l’État prend la place de Dieu, il écrase l’homme. César, lui-même, doit donc se soumettre à Dieu, et rendre à Dieu ce qui lui appartient.

Il est significatif que Jésus, à qui on posait une question concernant l’ordre temporel, (l’impôt dû à César), met en valeur nos devoirs envers Dieu : « Rendez à Dieu ce qui est à lui». Toute la vie de Jésus n’a cessé de crier cela : « Rendez à Dieu ce qui est à lui ».

Si César a pu imprimer son image sur ces pièces de monnaie, qu’il faut donc lui « rendre »…, à combien plus forte raison la personne humaine marquée à l’effigie de Dieu doit-elle « se rendre » tout entière à Dieu. L’homme mérite un respect absolu parce que sa destinée est divine, et il est à l’image de Dieu !

Cet évangile nous apporte donc une lumière décisive qui nous permet de discerner les prérogatives, mais aussi les limites de tout pouvoir humain. Le pouvoir humain n’a d’autorité que dans le domaine qui lui appartient.

Malheureusement, aujourd’hui, en Occident, et à commencer par notre pays, le pouvoir politique a délibérément dénié le pouvoir de Dieu s’arrogeant ses prérogatives, notamment son pouvoir sur la vie et sur la mort. Lorsqu’on dénie le pouvoir de Dieu, on en vient à idolâtrer son propre pouvoir, on en vient à idolâtrer l’homme.

Dans le contexte d’épidémie que nous vivons, la peur de la mort et la volonté de pouvoir de l’homme sur l’homme font que la santé devient un absolu ; si bien qu’au nom de la santé on est capable de mettre l’économie à genoux, d’accepter les mises en faillite, de plonger des milliers, voire des millions de personnes dans le chômage et la misère. La santé devient un absolu au point de priver les gens de leurs libertés fondamentales : liberté de travailler, liberté de circuler, liberté de se côtoyer, liberté de s’exprimer. On préfère voir mourir les vieillards de solitude et de tristesse que de la maladie.

« Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu ». L’effacement de Dieu conduit l’homme à l’esclavage et à la mort.

Il serait temps de remettre Dieu à sa place c’est-à-dire à la première place : dans notre vie personnelle d’abord, dans notre couple, dans notre famille, dans notre travail, dans nos engagements… et dans nos institutions publiques, politiques.

Nous sommes dans le mois et dans la semaine missionnaire. La mission ce n’est pas seulement d’annoncer le Christ au loin, c’est d’abord de le faire régner dans nos vies. « L’évangile n’a pas été, chez vous, simple parole, -nous a dit Saint Paul-, mais puissance, action de l’Esprit-Saint, pleine certitude ». Appelons l’Esprit-Saint : qu’il renouvelle son œuvre en nous et dans les missionnaires ; qu’il fasse de nous des disciples missionnaires, là où nous vivons. Amen.