31e Dimanche du Temps Ordinaire (A) 2023

5 novembre 2023

  • Monseigneur Hubert BARBIER, archevêque émérite de Bourges Monseigneur Hubert BARBIER, archevêque émérite de Bourges

INTRODUCTION : MONSEIGNEUR HUBERT BARBIER

Nous sommes réunis ce matin en communion avec toutes les communautés chrétiennes qui se réunissent à travers le monde, celles qui le font en toute liberté dans la joie, celles qui sont en cachette plus ou moins, peut-être même persécutées, et nous sommes en communion aussi avec les malades, ceux qui sont en hôpitaux, dans leur maison, ou les prisonniers, et avec ceux qui regardent vers la foi.

Aujourd’hui, il nous sera rappelé les obstacles sur le chemin des Béatitudes, les obstacles qui nous sont mis ou que nous mettons. Reconnaissons devant le Seigneur que nous sommes pécheurs, et demandons-Lui de nous relever.

HOMELIE : MONSEIGNEUR HUBERT BARBIER

Par pure coïncidence de dates, nous avons cette année, se succédant immédiatement, la fête de la Toussaint et le 30ème dimanche du temps ordinaire, c’est-à-dire la fête des Béatitudes et de leur épanouissement au Ciel, et les mises en garde ce jour par rapport aux obstacles ou contradictions à ces chemins de vie. Nous avons donc les deux qui se suivent cette année.

A propos des Béatitudes, je disais le jour de la Toussaint, le texte des Béatitudes nous est un phare, pour la relecture de notre vie, et pour nous guider dans cette vie. Ils sont vivants et source de vie nous disait le texte proclamé par Jésus. Les pauvres de cœur, par leur humilité, ils font place à Dieu, et aux autres et à la fraternité, et à la communion. Ils sont vivants et font jaillir la vie, les doux qui vivent la compassion. Ils sont vivants les miséricordieux qui s’ouvrent toujours à la vie au-delà des discordes, miséricorde, discorde. Ils sont vivants ceux qui ont faim et soif de la justice et inventent à temps et à contretemps les ajustements en justice et vérité dans le corps que nous formons, et en lequel nous nous portons les uns les autres. Ils sont vivants ceux qui œuvrent pour la paix.

Hier, par ailleurs, ici même à l’occasion de la célébration des jubilés je parlais encore de la spiritualité évangélique fondamentale que je résumais à un moment par deux mots « humilité et amour », spiritualité vécue par Jésus et transmise par ses disciples.

Aujourd’hui, recevons aussi les mises en garde, contrepoints des Béatitudes, des mises en garde qui nous sont proposées également pour la relecture de notre vie et pour nous guider. Mise en garde donnée par le prophète Malachie dans l’Évangile et par Jésus Lui-même en dialogue avec les scribes et les pharisiens, mises en garde sévères si nous les reprenons bien, mais sévères pour mieux nous avertir sans doute des pièges à éviter. Ces pièges, si on reprend le texte, sont semble-t-il de quatre ordres. Je les cite tout d’abord avant de les reprendre dans un instant :

  • Premier piège : « Ils disent et ne font pas ».
  • Deuxième piège : « Pratiquer l’autorité comme une domination, non comme un service ».
  • Troisième piège : « Vouloir paraitre, être obnubilé par la soif du paraitre ».
  • Quatrième piège : « Se croire important, avoir le goût des honneurs »

Mais avant de reprendre quelque peu ces quatre pièges à éviter, je veux citer une remarque de Michel HUBAUT que certains connaissent peut-être, au sujet du texte d’aujourd’hui. Il écrit en effet :

  • « Il semblerait que Matthieu, à travers ses reproches de Jésus à l’encontre des Pharisiens, vise certains responsables de la jeune Église chrétienne dont l’arrogance et l’hypocrisie font déjà des ravages parmi les frères », fin de citation.

Donc Matthieu rappelait les paroles de Jésus pour éviter que l’on tombe justement dans ces pièges qui faisaient des ravages, dans lesquels on tombait. Mais ce qui était vrai à l’origine de l’Église est sans doute vrai aussi à notre époque. Je pense même que le synode sur la synodalité qui vient de se terminer dans sa session actuelle, vise tout particulièrement à nous faire sortir sinon de mauvaises habitudes déjà là, au moins de mauvais penchants en ce sens, dans le sens de ces pièges. Ceci étant, il ne s’agit pas en entendant ce texte de regarder autour de nous si tel ou tel est comme ça, mais de regarder si soi-même, personne et communauté, nous n’avons pas de telles attitudes. Alors je reprends donc ces pièges de façon un peu plus détaillée.

Le premier piège : « Ils disent et ne font pas ». Ce ne sont pas les dires qui sont ici accusés, mais la pratique, dire et ne pas faire, voire dire uniquement pour se faire valoir. Il ne suffit pas, dit l’Évangile de dire « Seigneur, Seigneur » pour entrer dans le Royaume des Cieux. Dire et ne pas faire, ou pour se faire valoir uniquement.

Deuxième piège : « Ils pratiquent l’autorité comme une domination. » Ils lient des fardeaux sur le dos des autres, et mettent des règles pour les autres. Ils ont en fait l’avoir, le savoir, le pouvoir. Ce pourrait être un merveilleux moyen de servir, comme le fait Jésus qui vit une autorité de service, de libération, qui pardonne, qui guérit, qui remet debout, donne de nouvelles chances, un avenir miséricordieux. Ici encore donc, ce n’est pas l’avoir, le savoir, le pouvoir comme tels qui sont remis en cause, mais leur conception pratique, et leur pratique aussi, à l’inverse de celle de Jésus et des chemins des Béatitudes. « Ils pratiquent l’autorité comme une domination et non comme un service ».

Et puis le troisième piège : « Obnubilés, aveuglés par le paraitre », peut-être par défaut d’être en soi, outre que ce souci de paraitre rend toujours soucieux dans la vie, insatisfait, jaloux, en compétition, voire belliqueux. Il nous détourne du seul souci à avoir, agir tout simplement devant Dieu et pour Dieu, comme nous sommes devant les frères comme des frères et comme nous sommes, et pour eux, par amour, pour l’amour, dans l’amour dirait François de Sales.

Un quatrième piège : « Se croire important, avoir le gout des honneurs ». Je disais tout à l’heure la spiritualité évangélique, humilité et amour, la fin du texte de l’Évangile tout à l’heure disait ceux qui s’élèvent, ceux qui s’abaissent. Certes les honneurs ne sont pas mauvais en eux-mêmes, mais les porter implique, quand on les a ces honneurs, implique une responsabilité et un témoignage à donner, une mission à accomplir. Attention au piège des titres, de rabbi, de père, etc, qui mettent des personnes au-dessus au lieu de tous frères, tous égaux. A ce sujet, reprenons le texte que nous venons de lire en St Paul qui, lui au contraire, son attitude est authentiquement chrétienne et authentiquement apostolique. Plutôt en effet, si vous relisez ce texte, plutôt que de se présenter comme apôtre du Christ, et d’insister sur l’autorité qui lui vient de Dieu, il adresse aux chrétiens un message plein de douceur et d’humilité, d’affection je dirais. Il manifeste envers tous un amour plein d’affection, sa générosité est extrême, elle ira jusqu’à offrir sa vie pour les chrétiens ; c’est donc le contrepoint qu’utiliser sa charge comme un honneur.

Je conclus : mises en garde offertes aujourd’hui pour nous éviter de nous égarer. C’est un don de Dieu comme les Béatitudes pour, comme dit l’oraison que nous avons prononcée tout à l’heure, pour que nous puissions courir sans que rien ne nous arrête, vers les biens que Tu promets.