6e Dimanche du Temps Ordinaire (B) 2024

11 février 2024

  • Frère Jean François	CROIZÉ Frère Jean François CROIZÉ

INTRODUCTION : PERE JEAN-FRANCOIS

Nous avons la joie de prier aujourd’hui avec plusieurs groupes, des professions de foi du diocèse de Rennes. Ils sont là depuis hier aussi, l’équipe Notre Dame du diocèse d’Angers, et un groupe de réflexion de retraite, avec les exercices de St Ignace, accompagnés des Pères Pierre, Vincent et James.

Aujourd’hui l’Eglise oriente notre pensée, notre prière, pour les malades, c’est la journée des malades et aussi des personnels de santé, particulièrement en ce jour où nous fêtons Notre Dame de Lourdes. Notre Dame à Lourdes n’a pas guéri Bernadette, elle lui a ouvert le Ciel. L’offrande de la vie de Bernadette et du curé de Lourdes le Père Peyramale ont été source de fécondité pour ces pèlerinages à Lourdes.

Demandons par l’intercession de Marie d’ouvrir notre cœur à cette miséricorde du Seigneur, le Seigneur qui, Lui, a guéri le lépreux qui lui venait implorer sa guérison. Demandons au Seigneur de nous guérir de cette autre lèpre qu’est le péché en demandant le pardon et la miséricorde.

 

HOMELIE : PERE JEAN-FRANCOIS

Chers frères et sœurs, aujourd’hui l’Eglise nous demande une attention, une prière plus particulière pour les malades, le personnel de santé, et la Parole de Dieu aujourd’hui nous en fait prendre conscience, particulièrement en cette fête de Notre Dame de Lourdes.

L’une des maladies qui engendrait le plus d’horreur dans le monde ancien était la lèpre. Sous ce mot générique on mettait une grande variété de maladies, spécialement des maladies de la peau, surtout les maladies contagieuses et incurables qui rongent et déforment le corps jusqu’à la mort. En réaction à l’horreur que les hommes ressentaient en eux-mêmes, ils ostracisaient, ils séparaient du peuple les victimes de ces diverses formes de maladies. Ainsi non seulement ils se protégeaient de la contagion physique, mais ils se préservaient aussi psychologiquement de la nécessité de regarder en eux-mêmes.

Dans toutes les religions et toutes les cultures, on retrouve le concept de pur et d’impur, lié à la santé et la maladie du corps, et ce n’est pas propre à Israël. C’est la façon par laquelle les privilégiés de ce monde, ceux qui se considèrent les purs, se protègent en marginalisant les blessés de la vie, les faibles, les petits, en les taxant d’impurs.

La liturgie de ce dimanche nous projette dans le monde de l’Ancien Testament, le monde du pur et de l’impur. La première lecture, le Lévitique, nous parle des lépreux qui sont considérés comme impurs, tandis que l’Evangile nous parle de la purification d’un lépreux par Jésus. La notion de pureté et d’impureté est centrale dans l’ancienne alliance, car elle définit le rapport au sacré. Si je suis pur, je peux m’approcher de Dieu, si je suis impur je ne peux pas, et Jésus va renverser ce rapport au sacré et le transformer de façon radicale. Et comment s’y prend-t-il ? Dans la scène relatée par St Marc, Jésus se laisse approcher sans résistance. Il impose les mains dans un geste de bénédiction, et non pas de malédiction. Le lépreux est guéri, et Jésus   lui dit d’aller se montrer aux prêtres pour suivre les recommandations contenues dans la loi de Moïse. Le récit de St Marc aurait pu se terminer là car tous les détails de l’évènement y sont, les personnages, le lépreux et Jésus, l’action, la demande du lépreux et la réponse de Jésus, avec la conséquence, la guérison et la visite aux prêtres. Et Jésus demande au lépreux de se taire et de ne pas parler de sa guérison. Pourtant Il l’invite à aller se présenter aux prêtres pour vérification des faits par eux. Le lépreux passe outre à la recommandation de Jésus, et se met à proclamer que Celui-ci l’a purifié. Cela veut dire pour cet homme guéri que Jésus est l’envoyé de Dieu promis par les prophètes, et qu’Il est porteur de la puissance de Dieu qui se manifeste dans ses guérisons. Jésus devant l’engouement de la foule se tient à l’écart. Au fond, qu’est-ce que la lèpre dans la tradition juive ? Un Midrasch le définit ainsi :

  • « La lèpre est une malédiction de Dieu, elle est la conséquence de péchés graves, et le Midrasch en dresse un catalogue bien détaillé ».

Les lépreux se trouvaient donc condamnés à la solitude et au désespoir, corps et âme détruits, ils doivent vivre une mort en étant retranchés du peuple, et nous avons là un jugement humain sans appel. Dans leur détresse que leur reste-t-il ? La Pitié des gens et le recours à Dieu. Notre lépreux ne s’en privera pas. Ce fut son salut car la Parole de Jésus était déjà venue jusqu’à lui, et elle avait ouvert une brèche dans son cœur. C’est ainsi que bravant l’interdit de la loi de Moïse, il s’approche de Jésus, tombe à ses pieds, se prosterne et devient prière. Jésus, Lui, en le touchant devient impur, un hors-la-loi au nom de la loi juive. Isaac de l’Etoile dit de ce lépreux :

  • « Du fait que le lépreux confesse son mal, il commence à être juste. C’est pourquoi, en s’imposant devant Jésus, il commence par dire :

« Seigneur, si Tu le veux, Tu peux me purifier ».

Et il confesse deux choses, son impureté et son impuissance, et il en implore une troisième, le bienfait. Du fait qu’il invoque le bienfait du Seigneur, il sera sauvé et il entendra :

  • « Je le veux, sois guéri ».

C’est-à-dire : purifié et pardonné. La sainteté de Jésus a fait cela, Il a pris sur Lui la lèpre. Il se fera lépreux de la lèpre du péché, exposé, défiguré sur la croix.

Il nous faut reconnaitre l’audace de cet homme dont le contact rendait impur, mais avec Jésus c’est la pureté qui devient contagieuse et non la lèpre. En le touchant Jésus ne devient pas lépreux, c’est le lépreux qui devient pur au contact de la divinité de Jésus. Voilà une bonne nouvelle, de la plus haute importance pour notre monde d’aujourd’hui. Jésus veut communier à la détresse de l’homme pour le libérer. Il est le Bon Pasteur qui ne cesse de partir à la recherche de la brebis perdue.

La loi d’amour qu’Il est venu instaurer est bien plus forte que tous les interdits imposés par la société. Quand Jésus touche le lépreux, c’est Dieu qui abolit toutes les distances, c’est le Père qui se fait proche pour le remettre dans le monde de la vie et des autres. C’est le Bon Pasteur qui recherche sa brebis égarée pour la réintroduire dans le bercail. Comme cet homme est un juif, Jésus lui demande d’accomplir la loi, de se montrer au prêtre, et de donner ce qui est prévu pour la purification, ce qui sera le meilleur témoignage pour les gens. Si ce lépreux est réintégré dans la communauté, Jésus, Lui, est obligé de se cacher. Dans la guérison du lépreux il se cache quelque chose de tragique qu’on ne peut voir qu’à la lumière de la Croix.

Depuis notre Baptême nous sommes membres du corps du Christ, et nous avons tous pour mission d’être Jésus auprès des autres. Pour nous être pur signifie être sans péchés. Certes il est plus facile de se laver les mains comme Ponce Pilate que de purifier son regard, son cœur et ses pensées. La seule purification que je dois avoir pour venir rencontrer le Seigneur, ce n’est plus de se laver les mains, mais bien de venir avec un cœur désirant être purifié, un cœur qui a faim et soif, un cœur qui s’approche de l’autel, comme le lépreux, en disant :

  • « Je ne suis pas pur Seigneur, mais si tu le veux Tu peux me purifier et me sauver »

Au fond, ce lépreux c’est nous, et Jésus est le reflet de l’amour du Père pour nous. Il s’émeut de compassion devant les pécheurs que nous sommes, sans cesse Il se fait proche de nous par sa grande miséricorde. Nous sommes tous appelés à aimer et à rayonner son amour audacieux et libre, et St Paul nous invite expressément :

  • « Frères, tout ce que vous faites, faites-le pour la gloire de Dieu »

La guérison du lépreux nous enseigne qu’à la suite de Jésus, avec la grâce de Dieu, le mal peut être vaincu. Les maux de notre monde si présents dans les médias et dans les réalités, guerre, oppression, famine, déplacements, migrations, etc, ne peuvent avoir le dernier mot sur notre espérance.

En célébrant l’Eucharistie nous allons accueillir la compassion de Celui qui enlève les péchés du monde, et nous le demandons avec foi :

  • « Seigneur, je ne suis pas digne de Te recevoir, mais dis une parole et je serai guéri »

AMEN