8e DIMANCHE Du Temps Ordinaire (C)

27 février 2022

  • Frère Jean François	CROIZÉ Frère Jean François CROIZÉ

Introduction : Nous venons de chanter « Toi qui aime la vie, Toi qui veux le bonheur ». Nous aspirons tous à la vie et au bonheur. Le Seigneur le veut pour nous. A tel point, qu’avant de communier, le Seigneur nous offrira sa Paix, c’est-à-dire, Lui-même. Et ce que nous demandons dans notre prière, c’est justement cette paix pour notre monde.
Entrons dans cette célébration en nous reconnaissant pécheurs, bien sûr, mais aussi avec la joie de vivre, en communion les uns avec les autres, ce bonheur de recevoir le Seigneur.
Et nous avons aussi la joie d’accueillir les Scouts, les Louveteaux aussi. Et puis, nous sommes entrés depuis hier, dans le week-end des familles, appelé Marie Espérance, avec des familles et des enfants qui sont là, qui sont pleins de vie. On voit que le bonheur est aussi dans leurs yeux. Soyons comme ces enfants : heureux d’accueillir le Père qui nous donne Jésus, son Fils.
Frères et Sœurs, préparons-nous à célébrer le mystère de l’Eucharistie en reconnaissant que nous avons beaucoup péché.

Homélie : Chers Frères et Sœurs, qu’ajouter de plus à ces belles comparaisons, images, paraboles, qui, semble-t-il, sont explicites. C’est vrai qu’on aime écouter des histoires vraies, des paraboles, des contes, des images. Elles nous disent gentiment au fond, comme par médiation, quelque chose de notre profonde humanité.
Simplement, aujourd’hui, peut-être faut-il replacer ce contexte de parabole, d’image dans l’Évangile qui est la suite de l’Évangile de dimanche dernier. Peut-être vous ne vous en souvenez pas, mais dans la partie finale du passage évangélique du dimanche dernier, Jésus nous invitait à être miséricordieux comme le Père céleste. Il nous indiquait quatre façons d’être et d’agir pour pratiquer la miséricorde : ne pas juger, ne pas condamner, pardonner et donner sans mesure. C’est une attitude que Jésus a vu pratiquer par Saint Joseph. Je parle de Saint Joseph, parce qu’avec les familles, ce week-end, nous méditons sur la personne de Saint Joseph. L’Évangile nous propose cette conclusion du discours que Jésus a prononcée dans la plaine, à côté du lac de Galilée.
Aujourd’hui, le Seigneur prolonge son enseignement par des images, des paraboles, etc. Son enseignement sur la miséricorde. Il compare, Lui, le disciple à son maitre. La Parole de Dieu est donc chargée de comparaisons, d’illustrations qui interrogent, qui nous interrogent, nous, disciples de Jésus, sur le « qui sommes-nous ? ». Sirac, dans la première lecture, nous apprend par quelques sentences et images – il s’agit d’une sagesse populaire, c’est-à-dire qui s’inspire des comportements habituels, c’est plein de bon sens –il nous invite à ne pas porter de jugement sur la valeur d’une personne par un simple regard. Il utilise trois comparaisons.
La comparaison du tamis, dont le vanneur se sert, qu’on appelle aussi le crible. Ce tamis est un instrument qui permet de sélectionner une matière selon différents types de gabarit. C’est un instrument objectif qui permet le tri, le discernement de ce qui est ajusté et de ce qui ne l’est pas. Aujourd’hui, la Parole de Dieu est vraiment nécessaire dans le discernement notamment des discours politiques de campagne électorale, mais aussi et peut-être d’abord, pour nous aider à nous préparer à vivre le Carême, qui va commencer la semaine prochaine.
Sirac utilise aussi l’image du potier et du four. Le four du potier met à l’épreuve et vérifie la qualité du vase, sous la pression de la chaleur, et assure ainsi sa pérennité et son utilité. Ainsi la parole humaine doit être passée au creuset évangélique, pour la sonder, en éprouver la valeur en vue de l’édification et la formation des bonnes pensées et des bonnes œuvres.
Il utilise une troisième image : celle de l’arbre qui porte du fruit. Ceci est visible. La qualité de l’arbre et du terrain où il s’est développé donne à penser qu’il donnera du bon fruit. De même il nous faut distinguer entre des paroles qui peuvent être mortifères de celles qui sont paroles de vie, nourries de la sève aussi de la Parole de Dieu pour nous, chrétiens.
La sentence finale est toute de prudence : « Ne loue personne avant qu’il ait parlé. » Évidemment, pour Saint Joseph, nous n’avons pas de parole de lui, nous avons des exemples. Souvent, quand l’homme fait, il pense qu’il dit. Parfois, ses œuvres montrent aussi ce qu’il a aussi dans le cœur. En évitant de beaucoup parler, nous éviterons ainsi beaucoup de déconvenues pour nous-mêmes.
Avec l’Évangile, nous sommes dans une sagesse divine, mais dans la même logique, en tant que mises en garde. Jésus utilise aussi des petites paraboles très courtes qui nous aident à remonter des paroles à la profondeur du cœur. Il est très imprudent de juger autrui, surtout par comparaison avec soi-même. Il y a une expression qu’on entend quelquefois : « quand je me regarde, je me désole, mais quand je me compare, je me console. » Jésus nous dit exactement le contraire. Jésus utilise la comparaison de la paille et de la poutre, de l’arbre et du trésor. Le lien entre ces images, à première vue ne semble pas immédiat, cependant elles sont complémentaires.
Pour parler de ces deux aveugles, qui concerne le disciple et le maître. Un aveugle est celui qui est privé de la vue, il ne peut voir la lumière. Il faut comprendre que la lucidité en matière de discernement est nécessaire, distinguer l’inspiration de l’Esprit Saint, de l’impulsion obscure quelquefois du mal. Si le disciple est conduit par un maître aveugle, on peut interpréter « aveugle » non pas comme « une personne non-voyante du point de vue physique », mais comme une personne qui ne sait pas d’où elle vient, ni où elle va, et ainsi peut se fourvoyer dans une voie sans issue ou même dangereuse que le maître et le disciple ne savent pas discerner.
Quelle responsabilité de prendre la charge d’autrui, et jusqu’à quel point va l’ignorance de se fier à n’importe quel maître, sans se renseigner sur l’idonéité de la personne. Rappelons que l’évangile est aujourd’hui dans l’optique de la miséricorde et donc celui qui pense qu’il y a un chemin supérieur à celui de la miséricorde est comparable à un aveugle. Je pense que, dans ce cas-là, il s’agit d’un aveugle spirituel qui ne se connaît pas lui-même, ni Dieu, ni les autres. « Soyez miséricordieux comme le Père est miséricordieux ».
Il y a comme une loi de la prudence dans le choix d’un guide de pensée et de vie, nous pouvons en percevoir les conséquences heureuses ou malheureuses. Prudence aussi avant de désirer s’instituer le guide d’autrui. Prudence encore qui consiste à se rendre compte des engagements à assumer et les assumer jusqu’au bout. Vouloir diriger les autres peut sembler être un geste d’amour, mais quand on est aveugle et qu’on prétend être un guide, ce n’est pas de l’amour véritable, c’est de la présomption qui mène au gouffre.
Pour nous, le maître que nous avons, que nous suivons, c’est le Christ. En ce sens, le disciple que nous sommes n’est pas au-dessus du Maître. Cette imitation, pour nous aujourd’hui, dans nos lieux de vie, disciples de Jésus-Christ, consiste à le suivre comme notre guide, à s’inspirer en tout des sentiments qui l’animent, à prendre avec lui le chemin de la croix et de la gloire.
Quand on nous demande notre avis, nous pensons d’abord par rapport à notre propre jugement, ensuite, à celui, peut-être, de l’Église, et quelquefois, en dernier lieu, à celui que l’Évangile nous inspire, qui, normalement, est celui de l’Église. Peut-être qu’il faut inverser les choses. Penser comme Jésus pense. On le sait, on le connait par rapport à l’enseignement que l’Église nous donne. Et adapter notre propre jugement par rapport à cet enseignement que le Seigneur nous donne.
La paille et la poutre dans l’œil, c’est une image qui nous parait invraisemblable ! Cela n’enlève rien au mordant de l’image. Nous parlons bien d’avaler des couleuvres, de voir trente-six chandelles… C’est un peu du même acabit. La leçon inculquée par Jésus est parlante : au fond, c’est l’hypocrisie de voir exclusivement les défauts du voisin et de les grossir, et, de ce fait, réduire les siens à pas grand-chose. Souvent ça aveugle. Cela requiert de notre part, me semble-t-il, la loi de la sincérité. Je crois que nous avons suffisamment de travail à nous bonifier, travail de toute une vie, avant de servir de mesure pour les autres, notamment dans la pensée.
Il faut être prudent avec les verres déformants qui en général vont grossissants les détails. Il arrive parfois que nous sommes les seuls à ne pas voir nos travers. Alors, ayons un peu d’humour avec nous-mêmes. Ayons un peu d’humour, oui. En bref, dans la parabole de la paille dans les yeux du frère, Jésus nous demande une attitude qui nous permette de rencontrer l’autre, avec une totale ouverture, afin que nos relations avec Dieu soient établies avec Lui et avec la confiance des enfants.
Cela nous amène à une loi de bienveillance, vouloir du bien. Vous savez, c’est l’Esprit Saint qui met en nous – j’aime bien rappeler ça – trois dispositions qui sont la paix, la joie et la bienveillance. Et ça se traduit extérieurement par la bénédiction (dire du bien), la bienveillance (vouloir le bien) et la bienfaisance (faire le bien). Là, on peut vérifier qu’il y a la présence de l’Esprit Saint. L’histoire quotidienne montre que nous avons aussi des torts à nous faire pardonner. Reconnaissons le bien partout où il se trouve, comme le sincère amour de Dieu qui peut s’exprimer confusément dans des activités orientées vers le bien des personnes.
L’image de l’arbre porteur d’un bon fruit envisage l’espèce du plant et la qualité du terrain. C’est ainsi que les paroles, comme un fruit du cœur, révèlent sa qualité, c’est-à-dire la mentalité profonde. Nous pourrions en dire autant des actes accomplis en raison des intentions secrètes. Qui ne vit que de soi-même déçoit toujours, même s’il accomplit des actions éclatantes. Un acte se juge non d’après son éclat, mais d’après son poids d’amour. Dès lors qui veut produire des fruits selon l’évangile doit avoir un cœur sain, au moins sanctifié, purifié. Nous sommes ramenés ainsi à une conversion profonde. C’est le message de l’Évangile d’aujourd’hui.
L’image du trésor caché. « Le cœur est plus rusé que tout », nous dit le prophète Jérémie (cf 17, 9). Le cœur est capable du meilleur et du pire, c’est ainsi qu’il peut y avoir des trésors de bonté et d’amour mais aussi une accumulation de désirs mauvais, de péchés. Seul le Seigneur sonde les cœurs et les reins, pas nous, mais le Seigneur oui. Alors, ne nous chargeons pas de ça.
En conclusion, on peut dire : personne ne sera jugé sur la base des règles qui lui sont imposées de l’extérieur, mais par ce qui arrive dans le cœur de cette personne. Il faut se convertir. C’est une bonne entrée en Carême. Cela comporte le bouleversement de son propre cœur, une conversion de l’esprit.
Saint Paul se veut optimiste. Il affirme clairement que, depuis le matin de Pâques où Jésus est sorti vivant du tombeau, c’est l’homme tout entier, corps et âme, qui est appelé à l’immortalité. Nous sommes sauvés, à condition de se reconnaitre d’abord perdus, et sauvés par le Christ.

« Rendons gloire à Dieu qui nous donne la victoire sur le péché et la mort par Jésus-Christ, alors, dit-il, prenez courage, donnez-vous de la peine, car vous êtes appelés à l’immortalité ». Remercions le Seigneur de nous avoir déjà donné les fruits, c’est-à-dire le Salut, qu’Il offre Lui-même. Accueillons-les et soyons dans l’action de grâce de cette Eucharistie, en accueillant, nous, pauvres pécheurs, cet Amour de Dieu en Jésus. Amen.