DIMANCHE DE LA SAINTE FAMILLE 2021 (C)

26 décembre 2021

  • Frère Marie-Jean BONNET Frère Marie-Jean BONNET

Mot d’accueil : Dieu se fait homme pour que l’homme soit Dieu, soit divinisé. C’est ce que nous enseignent les Pères de l’Église, éclairés par l’Esprit Saint. Dieu se fait membre d’une famille humaine pour que toute la famille humaine devienne la famille de Dieu. Voilà ce que nous célébrons aujourd’hui dans cette fête de la Sainte Famille : Jésus, Marie et Joseph.
Alors préparons-nous à célébrer le mystère de cet admirable échange, actualisé dans l’Eucharistie, en reconnaissant que nous avons péché. 

Homélie : Bonne fête à chacun et chacune d’entre nous, puisque nous sommes tous membres d’une famille humaine et nous sommes membres de LA famille humaine, et nous sommes membres de LA famille de Dieu, comme je l’évoquais au début de cette célébration.
Le négatif sera bref -rassurez-vous-. Depuis plus de 50 ans, nous le savons, nous ne le savons que trop, la famille est la cible de toutes les idéologies toxiques ambiantes et de leur cortège de désastres. Je ne détaille pas, ça remplit l’actualité.
Et pourtant, comme le dit le Père Sonet, malgré, ou à cause de cette cacophonie, tous les sondages le montrent,– il disait ça il y a quelques décennies –  c’est toujours valable, il me semble, je n’ai pas eu le loisir de reprendre la magnifique lettre apostolique ou exhortation apostolique du Pape François sur la famille, mais il me semble qu’il redit ce que je vais dire, à savoir que tous les sondages montrent que la famille, malgré tous les mensonges ambiants, la famille est le lieu d’une attente considérable, et en particulier des jeunes. Bonne nouvelle qui confirme, en dépit, encore une fois, de tous les négateurs, la vérité d’une nature humaine faite pour un amour bio et un amour durable. C’est la même chose d’ailleurs.
La Parole de Dieu, aujourd’hui, nous offre le témoignage de deux familles concrètes, bien incarnées dans le réel, qui ouvre aux familles d’aujourd’hui comme d’hier, un chemin de vérité, de vie et de bonheur.
Un chemin de vérité, d’abord. La vérité sur la famille ou une vérité importante, il y a beaucoup de vérités à dire sur la famille, bien-sûr, mais une vérité importante sur la famille que nous apprend cette Parole de Dieu, que nous redit cette Parole de Dieu aujourd’hui, y compris la famille chrétienne : c’est qu’elle ne peut être un lieu idyllique car la foi et l’appui sur Dieu ne suppriment pas notre nature, une nature qui est blessée. Reconnaissons que nous avons péché. Nous le disons au début de chaque Eucharistie, parce que nous savons bien que notre condition humaine, réelle, est un combat permanent contre l’homme ancien pécheur, qui se débat en nous encore.
La famille, y compris la famille chrétienne, cela ne peut être jamais un lieu idyllique et si les amoureux le rêvent au début de leur chemin d’amour, ce qui est sans doute normal, eh bien, la vie leur apprend qu’il leur faut peut-être rectifier un peu leur vision des choses et leurs projets, et retomber un peu les pieds sur terre.
La famille sans soucis, une famille sans épreuves et sans heurts, cela n’existe pas. Même la Sainte Famille qui nous est donnée devant les yeux aujourd’hui, où la charité, là pour le coup, était parfaite, n’a pas été épargnée par l’incompréhension mutuelle. Le texte est bien clair : ils ne comprirent pas et Jésus lui aussi ne comprend pas pourquoi ses parents n’ont pas compris. L’incompréhension mutuelle dans la Sainte Famille. Vous vous rendez compte ! Cela nous fait du bien de lire ça. Ça fait partie de la route.
Et le foyer d’Elcana et Anne, et je ne parle pas de la polygamie, parce que si l’on lit ce qui précède, on s’aperçoit qu’Elcana a deux femmes, ce qui était encore assez courant à l’époque. D’où, vous imaginez, toutes les jalousies et les humiliations qu’Anne subit puisqu’elle connaît l’épreuve immense de ne pas pouvoir avoir d’enfant. Et son mari en souffre par voie de conséquence, forcément, de voir sa femme si triste et si humiliée par l’autre.
Un chemin de vérité, oui. Une famille, y compris une famille chrétienne, c’est un lieu d’épreuves. Il ne peut pas en être autrement. L’amour n’est pas un long fleuve tranquille. Et pourtant c’est un chemin de vérité et de vie que nous donnent ces deux foyers, que nous donne la Parole de Dieu. Parce que ces familles justement sont enracinées, fondées sur celui qui est La Vie, Le Vivant et même La Vie, ce qui est encore plus fort.
La prière persévérante d’Anne, qui est le signe de sa foi profonde, à la foi totale pour le coup de Marie et Joseph et leur recherche persévérante de l’enfant perdu, reçoivent une réponse de vie. Une réponse où la vie a le dernier mot, est la plus forte, parce que « Dieu entend et exauce ». C’est le sens, vous le savez, du nom « Samuel ». Dieu exauce, Dieu entend, Dieu exauce. Oui, un chemin de vie.
Et combien de familles, pour ne citer que cet exemple de la Sainte Famille qui perd son enfant quelques jours, et on devine l’angoisse, je pense que des parents qui ont perdu leur enfant quelques heures, ne serait-ce que quelques heures, savent ce que l’angoisse peut être à ces moments-là et combien de foyers, nous le savons, souffrent aujourd’hui de la perte d’un enfant, soit par un deuil, ce qui est une blessure à vie : oui, pour le coup, ce n’est pas dans l’ordre naturel des choses, qui ont perdu un enfant par le deuil, qui ont perdu un enfant qui a claqué la porte et qui ne donne plus de nouvelles ou qui sont éprouvés, d’une manière ou d’une autre, par le chemin que suit leur enfant. Je pense qu’ils peuvent se reconnaître dans ce drame et cette angoisse qui a étreint Marie et Joseph en ces jours.
Oui, ces foyers nous ouvrent un chemin de vérité, un chemin de vie et ce don de vie, un don de Dieu, s’épanouit en bonheur. Anne est comblée dans son attente et sa gratitude envers Dieu est telle et si grande qu’elle n’hésite pas à consacrer son enfant pour le service de Dieu.
C’est l’occasion aussi, ce qui n’était pas rarissime, peut-être je n’en sais rien, la Bible nous en donne quelques exemples d’enfants, comme ça, qui sont donnés à Dieu, dès leur tendre enfance, cela nous surprend évidemment aujourd’hui, mais c’était peut-être quelque chose qui pouvait arriver, et cela montre, parce qu’il y a quand même une séparation là encore, ça paraît tellement étrange, cette femme qui a tant désiré un enfant, elle est capable, tellement sa gratitude est immense, de le donner à Dieu et de s’en séparer pendant quelques années, plusieurs années puisque le prophète Samuel va ensuite arpenter la Palestine et sans doute faire un bisous à sa maman de temps en temps, tant qu’elle sera sur Terre, mais n’empêche qu’elle s’en est séparée plusieurs années pour le donner au Seigneur et qu’il soit élevé dans le temple du Seigneur. Ce n’est pas rien.
Est-ce que dans les foyers chrétiens, catholiques, on est capable d’accueillir l’appel de Dieu sur un enfant qui évoque sa possibilité de se consacrer entièrement au Seigneur. Prions pour que les foyers soient capables de cela. Tout est don de Dieu. Quelque part, dans toute famille humaine, je le pense, je le crois profondément, dans toute famille chrétienne, je veux dire, il faudrait qu’il y ait ce désir, et il faut demander à Dieu la grâce qu’il appelle un des enfants à se consacrer totalement à lui.
C’est un cadeau merveilleux que le Seigneur fait dans une famille quand il appelle un des enfants. Ça ne déprécie aucunement pour autant le mariage, bien entendu une vocation merveilleuse qui est don de Dieu. Mais c’est une grâce merveilleuse aussi, Dieu ne prend rien, comme disait Benoit XVI, il donne tout ! Et quand il appelle un enfant à se consacrer à lui, c’est une grâce immense et il faut l’accueillir dans la confiance et la gratitude, comme Anne.
Quant à Marie et à Joseph, leur angoisse et leur croix s’épanouissent en lumière pascale. D’ailleurs, cette absence de trois jours, bien entendu, n’est pas sans évoquer, et rien n’est au hasard dans les œuvres de Dieu, sans annoncer, évoquer et annoncer, bien entendu, la séparation de la Passion de trois jours aussi, entre l’enfant et sa mère, entre Jésus et Marie. Mais qui s’épanouit en lumière pascale, oui.
Recouvrer l’enfant, recouvrer la vie. Et qui s’épanouit aussi en émerveillement devant cet enfant qui a émerveillé les docteurs de la Loi. Pensez que cet humble couple de Nazareth, qui vient avec fidélité, humilité, accomplir, de tout leur cœur, d’ailleurs, bien sûr, cette célébration pascale, retrouve leur enfant au milieu des sages d’Israël et qu’il fait l’émerveillement des sages d’Israël.
Il y avait une angoisse mais qui se transforme, en même temps, en émerveillement, en « étonnement », nous dit le texte. Et puis émerveillement de voir, ils savent qui est cet enfant bien sûr, de voir qu’effectivement, en grandissant, « Jésus grandit en taille mais aussi en sagesse, en grâce ». Il a été bien sûr la joie, la fierté, le bonheur de ses parents.
Vous avez entendu ici, du moins les anciens, vous avez entendu souvent autrefois cette parole, qui est, je crois, du père Varillon : « La joie chrétienne est une souffrance traversée. » La joie pascale est une souffrance traversée. Et c’est vrai que l’exemple de ces deux foyers que la Parole de Dieu nous donne aujourd’hui, nous le confirme.
Oui, la famille, donc, est un lieu d’épreuves mais qui devient lieu de vie, de salut, de bonheur, lorsque nous y accueillons le Dieu fait homme, lorsqu’il est au cœur de la famille et qu’il peut y demeurer. L’évangile ou la deuxième lecture viennent de nous dire que celui qui garde les commandements, c’est-à-dire avoir foi en Jésus et nous aimer les uns les autres, demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui, donc il demeure dans la famille.
Alors, je pense à cette parole, pour terminer, de la Vierge Marie à l’île Bouchard : « Il y aura du bonheur dans les familles ». Oui, il y aura du bonheur dans les familles dans la mesure où nous accueillons Dieu fait homme et où il y vit. Amen.