DIMANCHE DE PÂQUES (B)

4 avril 2021

  • Frère Marie-Jean BONNET Frère Marie-Jean BONNET

Introduction : « Alléluia ! » Ce cri de joie qui parcourt toute la terre en ce moment depuis hier, qui gagne comme des ondes toute cette terre partout où il y a des disciples de Jésus pour proclamer cet Alléluia, c’est-à-dire « Louez le Seigneur, car il est victorieux ». Eh bien, que cette joie Pascale nous habite. Demandons-la les uns pour les autres car nous savons bien que nos familles aussi portent parfois des souffrances difficiles et pourtant nous sommes appelés à être habités par cette Joie Pascale justement qui vient sauver tout ce qui est à sauver dans nos existences.
Portons, bien sûr aussi, dans notre cœur, eh bien, toute cette humanité pour laquelle Jésus est mort et ressuscité, qui ne connaît pas encore cette grande et Bonne Nouvelle de la victoire de Jésus. Nous sommes là pour eux aussi, nous qui avons cette grâce, ce bonheur immense de pouvoir célébrer justement la victoire de Jésus. Prions pour eux tous.
Nos amis, nos jeunes amis qui sont en blanc, cette aube blanche nous rappelle, eh bien, cette grâce baptismale, vous le savez bien, qui fait de nous justement des hommes nouveaux, des hommes de lumière appelés à vivre de cette lumière, de cette vie du Christ. Eh bien, en souvenir de notre baptême, nous allons effectivement rendre grâce pour cette eau qui a été bénite cette nuit et en être aspergés en souvenir de cette grâce immense dont il faudrait remercier tous les jours le Seigneur.

Homélie : Merci, Seigneur, pour ce beau soleil, ce beau temps de Pâques à l’unisson, à l’harmonie de cette célébration qui est le sommet de l’année liturgique. Nous avons jeûné d’Alléluia pendant tout le Carême selon l’usage, justement l’usage qui est sage puisque justement c’est avec une joie renouvelée, nouvelle, que nous pouvons le proclamer, le crier ce « Alléluia », cri de joie, cri de Pâques qui résonne, comme je le disais, dans toutes les parties du monde.
Mais on pourrait se dire c’est quand même un peu décalé, voire indécent d’inviter à la joie la terre entière par ces Alléluia tandis que notre monde est si désemparé et incertain de l’avenir, si incertain, si meurtri aussi par tant de violence, nous le savons bien, jusque d’une manière proche de chez nous, quand tant de couples et de famille sont blessés par tant de conflits.
Et pourtant, eh bien oui, la Fête de Pâques est bien la Fête des Fêtes, la Solennité des Solennités, comme le dit le livre liturgique du martyrologe qui nous relate donc les Saints de chaque jour, Solennité des Solennités, car sans la Résurrection toute la foi et la vie chrétienne ne sont qu’une belle illusion.
Comme l’écrit si justement Saint Paul : « Si le Christ n’est pas ressuscité, -eh bien-, vaine est votre foi, vous n’êtes pas libérés de vos péchés, alors aussi ceux qui se sont endormis dans le Christ ont péri » (1 Corinthiens 15, 17-19), tout s’écroule. Si on ne croit pas à la Résurrection, tout s’écroule de notre foi. « Mais non ! », dit Saint Paul cet ardent pharisien qui persécutait les chrétiens, « Mais non ! le Christ est ressuscité des morts – il l’a vu – pour être parmi les morts le premier ressuscité. » (1 Corinthiens 15, 20).
Oui, la Résurrection du Christ est l’événement décisif qui redonne sens à toute l’histoire humaine, blessée à mort par l’absurdité du péché. C’est un événement je dirai, oh je crois que j’ai déjà employé le mot ici, mais peu importe, c’est un événement nucléaire. Je ne prendrai pas position sur…, voilà, il y a les pour et les contre mais l’image est juste. La Résurrection est un événement nucléaire qui, quoique discret en lui-même, continue de se prolonger dans une réaction en chaîne, une réaction de résurrection qui gagne peu à peu toute l’humanité mortellement blessée, mortellement malade.
Oui, la Résurrection du Christ est un fait dûment établi, non par un son et lumière à grand spectacle, certes, mais par un faisceau de signes, parce que Dieu ne violente jamais notre foi, mais il la suscite, il l’éveille avec la discrétion et la sagesse qui sont siennes : oui, par un faisceau de signes et celui d’abord du tombeau vide que nous venons d’entendre, et pas seulement le tombeau vide mais le fait que Jean qui est le premier à retrouver la foi voit, la traduction est malheureuse, je trouve, qu’est-ce qu’il voit Jean ? Vous le savez bien pour ceux qui ont lu les bandes dessinées de, comment il s’appelle déjà, « Brunor » qui explique ça très bien.
Qu’est ce que Jean a vu ? Il a vu le linceul, c’est-à-dire le grand drap qui enveloppait tout le corps, affaissé, et au niveau de la tête, eh bien, la mentonnière qu’on mettait pour tenir le menton fermé comme on le fait aussi dans les hôpitaux aujourd’hui pour que la bouche ne soit pas béante. Eh bien, c’est ça que Jean a vu, un tombeau vide, il a eu le témoignage des femmes auquel il n’a pas cru d’ailleurs, comme les autres apôtres, enfin il se met à  courir et il voit ce tombeau vide et surtout le linceul affaissé avec la mentonnière qui est restée à la place de la tête, et ça suffit à faire tilt, parce que son cœur était pur, il lui a suffit d’un seul signe, celui-là pour que tout-à-coup ça a fait tilt dans sa tête « Jésus est vivant », parce s’il avait été volé on aurait tout pris, on aurait emmené le cadavre, un cadavre qui commence à se décomposer, on aurait emmené tout ça, on n’aurait pas pris le temps de… voilà, déjà ça le lui a suffit.
Mais signe surtout du témoignage de tous ces disciples de Jésus désespérés, qui ressuscitent spirituellement les uns après les autres, y compris le plus incrédule d’entre eux, Thomas.
Signe du témoignage d’une libération de toute peur, de ces disciples eux aussi enfermés, prisonniers comme tant de gens hélas aujourd’hui dans la peur, bouclés, confinés par la peur, ils sont libérés ces disciples, alors qu’est-ce qui s’est passé ? Il s’est passé qu’ils ont vu Jésus, c’est ça qui les a libérés de toute peur. Signe oui du témoignage d’une libération de toute peur qui préfère supporter menaces, persécutions et même la mort, plutôt que de renier ce qu’ils ont vu, entendu et touché du Christ ressuscité. Saint Pierre, nous venons de l’entendre, témoigne qu’il a mangé et bu avec le Ressuscité. Il se souvient de ce petit déjeuner sur le bord du lac où il y avait déjà du poisson. Jésus dans sa tendresse, dans son humour, j’allais dire, avait déjà préparé le petit déjeuner alors qu’ils ramenaient leur pêche à eux.
Signe d’une onde de choc, oui, d’une réaction en chaîne que plus rien désormais ne peut arrêter. Les disciples étaient au soir de Pâques, ils étaient une quinzaine, (je ne sais pas, j’ai recopié certaines choses et parfois il y a des mots qui manquent, que j’ai oubliés). Ils étaient au soir de Pâques une quinzaine à être sûrs de la Résurrection, une semaine après ils étaient 500, selon le témoignage de Paul : à plus de 500 frères à la fois, Jésus est apparu, (cf 1 Corinthiens 15, 6). Trois mille au jour de la Pentecôte, (50 jours plus tard).
Et peu à peu, « des millions, dans tout l’empire romain, surgissent dans toutes les villes, tous les villages, tous les ports. Ils avaient, pourtant contre eux, comme l’écrit le Père Sonet, ils avaient tout contre eux : les dieux païens qui pullulaient, bien sûr, les empereurs, les intellectuels, les prêtres (juifs), les lois, les tribunaux et les fauves du cirque. » Ils avaient tout contre eux, j’allais dire ces gens qui étaient regardés comme des tarés, des illuminés, un type qui est mort, ils prétendent qu’il est vivant mais ils sont tarés ces gens là, oui, mais l’onde de choc ne cesse de se propager depuis 2000 ans. « Ils n’avaient pas d’armée, ils gagnaient surtout les cœurs des pauvres et des esclaves. » (Père Denis Sonet).
Et aujourd’hui encore, 2000 ans après, et peut-être plus, eh bien, des millions et des millions de chrétiens à travers le monde continuent à proclamer sans peur cet événement, oh, parfois avec trop de peur encore, mais proclamons-le sans peur cet événement. Et pourquoi sont-ils libérés de la peur ? Sinon parce qu’ils ont fait et font l’expérience d’une renaissance spirituelle, d’une résurrection spirituelle, d’une liberté intérieure qui grandit à la mesure de leur foi.
Je suis quand même un peu étonné quand j’entends dans des entretiens : « J’ai peur, j’ai peur de l’avenir, j’ai peur ». Mais oui, bien sûr, psychologiquement, humainement parlant c’est normal, mais enfin où est notre foi ? Est-ce que le Bon Dieu nous abandonne après qu’il ait donné son Fils ? Il a fait des folies, il ne pouvait pas faire plus. Dieu nous libère de la peur. Si, nous chrétiens, nous sommes encore dans la peur c’est que notre foi est comme ça, il faut demander qu’elle grandisse. Nous avons à porter cette Bonne Nouvelle au monde, il ne s’agit pas de répéter et de rabâcher ce que le monde entier dit : Nous avons peur, nous avons peur, nous avons peur, non ! Nous sommes libérés de la peur par le Christ.
Comme l’écrivait le Patriarche Athénagoras il y a quelques années : « Au frontière de l’éternité et du temps se dresse le Christ ressuscité. Sa Résurrection donne sens à l’univers entier et à chacune de nos vies ».
Certes, notre monde reste plongé dans beaucoup de souffrances, je ne l’ignore pas, il ne s’agit pas de minimiser les souffrances de notre monde, beaucoup de douleurs, mais ce sont des douleurs d’enfantement, nous dit Saint Paul. Gardons cette image à l’esprit. Il sait de quoi il parle, parce qu’il en a vu de toutes les couleurs, pour parler un peu vulgairement, et il fait le catalogue de toutes ses souffrances, il sait de quoi il parle, et que ce monde est violemment opposé à cette Bonne Nouvelle, le monde, l’esprit du monde, violemment aujourd’hui comme hier, opposé, il veut faire taire les disciples du Christ, il sait de quoi il parle mais il dit que notre monde qui est torturé par des douleurs, ce sont des douleurs d’enfantement. Lui, effectivement, il est ce « Ressuscité » du chemin de Damas il sait de quoi il parle. Notre vie est une Pâque, un passage vers la vie en plénitude.
« La souffrance et la mort sont désormais frappées à mort, c’est ce qu’on vient de chanter dans ce beau « Victimae Paschali Laudes », la souffrance et la mort sont désormais frappées à mort par celui qui les a vaincues, je dirai, il a inoculé un virus mortel dans la mort et la souffrance, elles sont destinées à être terrassées un jour définitivement. Le monde n’est pas en voie de disparition, mais de transfiguration. Une force nouvelle travaille le monde. « Dans le Christ Ressuscité, l’avenir véritable de l’homme est donné. » (Monseigneur Matagrin) ». (Denis Sonet).
Oui, la Résurrection du Christ c’est une réaction en chaîne qui se poursuit aujourd’hui autour de nous si nous ouvrons les yeux, et par nous si nous le voulons, si nous le voulons et si nous le demandons au Seigneur d’être instrument de cette réaction en chaîne. On m’a rapporté il y a peu les propos désespérés d’une pauvre petite grand-mère qui disait à un proche : « Tout va mal ». Pauvre petite grand-mère, ben oui, c’est pas de sa faute, évidemment, elle était claustrée probablement dans sa chambre à peu près toute la journée devant sa télé, alors évidemment on comprend qu’elle dise : « Tout va mal », mais comme on l’a si souvent entendu, et je le répète avec plaisir : éteignons l’intox de la télé, éteignons la télé et puis connectons-nous à la Parole de Dieu et ça ira mieux, vous aurez un meilleur moral, je vous garantis.
Réaction en chaîne oui, comme la Résurrection du Christ, réaction en chaîne bien discrète, bien entendu, aussi, comme la Résurrection du Christ elle-même. Réaction en chaîne qui se propage, oui, le plus souvent discrètement sans tapage médiatique mais que rien ne peut arrêter. Ce sont, cette réaction en chaîne, si nous ouvrons les yeux, toutes ces personnes qui se mettent discrètement au service de leurs proches, de leurs voisins en difficulté, dans ces temps difficiles, tous ces bénévoles qui s’engagent à ouvrir une espérance aux blessés de la vie, et ils sont nombreux, ils ne font pas de bruit, pas de tapage, ils ne sont pas là à convoquer les médias, non, mais ça se fait et c’est fécond, oh oui, et c’est plus puissant que tout ce tapage médiatique.
Oui, tous ces bénévoles qui s’engagent à ouvrir une espérance aux blessés de la vie, aux personnes vulnérables et en détresse. Que de belles associations qui poussent, qui naissent, qui sont nouvelles dans ces dernières décennies. Ces jeunes qui partent quelques mois ou années se mettre au service des autres et qui en reviennent enrichis en humanité.
Oui, l’énergie infinie et cosmique du Christ ressuscité est bien là, plus forte que tous les dangers. Serons-nous instrument de cette réaction en chaîne ? Acceptons-nous vraiment, profondément, pleinement de laisser nous envahir et par suite transformer par la lumière et la présence du Christ vivant. Nous le chantons de temps en temps : « Laissons-nous transformer par la lumière du Christ ». C’est beau de le chanter mais on le chante pour qu’effectivement ça agisse en nous. Laissons-nous transformer, pour se convaincre, il faut accepter de se bouger, d’être jamais installé. Le Christ nous dérange, il nous dérangera toujours parce qu’il met le doigt là où c’est encore à sauver, à convertir, à soigner, à développer. Laissons-nous transformer par la lumière du Christ, car on ne transforme pas un monde, ça ne sert à rien de gémir sur tous les malheurs des temps, si on ne se laisse pas transformer soi-même. On ne transforme pas un monde sans commencer par se transformer soi-même.
Hier, en contemplant, puisque nous avons eu la grâce de pouvoir vivre la veillée Pascale ici, dans la nuit, et donc quand l’église était remplie de petites lumières, je me disais, ben s’il n’y avait qu’une petite, qu’un cierge, évidemment ça ne percerait pas les ténèbres, mais parce qu’il y avait des dizaines et des dizaines de petites lumières, eh bien l’église était illuminée. Eh bien, ainsi notre terre.
Si, à notre niveau nous allumons, nous laissons le Christ allumer la petite lumière, le petit cierge que nous sommes, eh bien, notre terre sera illuminée. Ça dépend de chacun de nous. Oui, contagion de la lumière. Si nous venons à l’Eucharistie aujourd’hui et chaque dimanche, c’est bien pour cela, nous laisser ressusciter intérieurement en communiant au Ressuscité.
Et je termine par cette belle réflexion de Marie-Noëlle Thabut que je lisais : « Désormais, chaque premier jour de la semaine, les chrétiens courent avec leurs frères à la rencontre mystérieuse du Ressuscité ». Oh, je sais bien que souvent on court à la messe le dimanche parce qu’on est en retard, mais, eh bien, courons aussi, même quand on est en retard, en nous rappelant qu’on vient rencontrer le Ressuscité qui vient nous ressusciter. Amen.