ÉPIPHANIE DU SEIGNEUR 2022, Solennité

2 janvier 2022

  • Frère Philippe-Marie VAGANAY Frère Philippe-Marie VAGANAY

Monition d’ACCUEIL : « Debout, resplendis, car voici ta lumière ! » Nous avons besoin de lumière pour nous diriger, pour savoir nous repérer, dans la nuit nous marchons à tâtons.
Les mages se sont dirigés à la lumière d’une étoile. Ce n’est pas une lumière très forte et pourtant ils sont arrivés jusqu’à Jérusalem. Nous, nous avons cette grâce de connaitre Celui qui est la Lumière du monde. Est-ce que nous vivons, est-ce que nous nous dirigeons dans cette lumière, à cette lumière ?
Au seuil de cette Eucharistie, préparons-nous, préparons nos cœurs en reconnaissant que nous avons péché, confions-nous à la miséricorde de Celui qui vient éclairer nos cœurs pour nous remettre tous nos péchés.

HOMÉLIE : Les lectures de cette fête de l’Épiphanie s’articulent autour d’une série d’oppositions : Roi Hérode-Roi des Juifs, lumière-ténèbres, refus-recherche, juifs-païens.
Alors que Saint Matthieu se contente de dire que « Jésus était né à Bethléem au temps du roi Hérode le Grand », ce qui est bien court pour parler de la naissance du Fils de Dieu, les mages venus d’Orient sont à la recherche du Roi des juifs qui vient de naître.
Deux royautés sont en conflit : la royauté du monde représentée par Hérode qui vit dans la hantise de perdre son pouvoir et la royauté d’un petit enfant dans les bras de sa mère. Par peur du complot, Hérode passera sa vie dans des forteresses et fera tuer ses trois fils, sa belle-mère et jusqu’à sa propre femme. Le Roi des Juifs, Jésus, Lui, livrera sa vie sur une croix pour que l’homme vive.
On comprend que la requête de ces mages venus d’Orient, voulant adorer le roi des juifs, bouleverse le roi Hérode et tout Jérusalem avec lui…
Et puis, nous avons entendu l’opposition ténèbres-lumière. Dans la première lecture, cette opposition se conjugue avec l’opposition « la terre, les peuples », c’est-à-dire les païens, et « Israël ».
Dans cette finale du livre d’Isaïe, les ténèbres couvrent la terre, la nuée obscure couvre les peuples, mais sur Israël se lève le Seigneur. La gloire du Seigneur se lève sur Jérusalem. C’est comme un nouvel exode. Les ténèbres avaient recouvert l’Egypte mais les fils d’Israël restaient dans la lumière.
Qu’est-ce que ces ténèbres, sinon l’ignorance qui recouvre la terre ? Ténèbres qui ne permettent plus de s’orienter, ténèbres oppressantes, ténèbres de l’oubli, du refus de la lumière.
Le cœur d’Hérode est plongé dans les ténèbres, il refuse la lumière, il va même chercher à la faire disparaître en voulant tuer l’Enfant-Jésus.
Oui, à travers cette opposition « ténèbre-lumière » se révèle une autre opposition qui se situe à l’intérieur du cœur de l’homme : « refus ou recherche » ?
Le cœur d’Hérode refuse la lumière ; il ne recherche que son propre pouvoir qui se fait despotique et criminel. Le cœur des mages, ces hommes païens qui marchent dans la nuit, le cœur des mages est en recherche. Une étoile leur suffit pour avancer…
Nous pouvons faire le lien entre notre Évangile et la situation que nous vivons en ce moment. C’est la même opposition que l’on retrouve ; car le cœur de l’homme reste le même, quelles que soient les époques.
Nos sociétés occidentales ont voulu s’organiser sans Dieu, nos démocraties ont voulu se bâtir sur la seule liberté de l’homme, érigée en absolu. Que constatons-nous aujourd’hui ? Le pouvoir ne représente aujourd’hui plus que lui-même, et non plus le peuple. Il se fait de plus en plus autoritaire et tyrannique. Il s’enferme dans sa forteresse de prescriptions comme le faisait Hérode. Le mot « Noël » devient un mot à proscrire de l’espace public, les « lumières » se font de plus en plus ténébreuses laissant les populations dans le désarroi.
Et en même temps, nous voyons des cœurs, apparemment éloignés de Dieu, éloignés de l’Église, en recherche de vérité, de véritable liberté, des cœurs en recherche de la vraie lumière, qui marchent à l’étoile.
Cette opposition, qui réside dans le cœur de chaque homme, dans sa capacité de se positionner, de choisir, rejoint le « mystère » qui a été révélé à Saint Paul. Mystère tenu caché dans le cœur de Dieu mais révélé dans le Christ Jésus. « Ce mystère, dont parle Saint Paul, et qui est, en fait, le projet de Dieu, c’est que toutes les nations sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse dans le Christ Jésus par l’annonce de l’Évangile ».
Autrement dit, les oppositions entre juifs et païens se réduisent par la foi au Christ Jésus. Les ennemis irréconciliables, les juifs et les païens, deviennent des frères, deviennent un seul corps dans le Christ Jésus. Ils deviennent cohéritiers du Père en Jésus-Christ.
Et cela se réalise par l’annonce de l’Évangile, nous dit Saint Paul. Et qui peut annoncer l’Évangile, sinon les chrétiens ? Autrement dit, notre vie, notre parole doit être annonce de l’Évangile ; notre vie doit être la joyeuse annonce que le salut s’est réalisé pour nous, dans notre vie ; et que nous en avons fait l’expérience, et notre vie doit être témoignage de cette expérience, annonce de cette expérience.
Certes, nous n’avons pas la mission de convertir les Hérode d’aujourd’hui. Mais nous avons la mission de devenir des étoiles qui brillent dans la nuit, pour que ceux qui cherchent la lumière puissent se diriger vers la vraie lumière qui éclaire tout homme en venant dans le monde (cf Jean 1,9), comme nous l’avons entendu au matin de Noël.
Oui, la famille humaine ne pourra être vraiment une famille, et une famille heureuse, que lorsque, comme les mages, elle tombera aux pieds de l’Enfant de Bethléem et se prosternera devant Lui en lui offrant les coffrets de leurs cœurs en présent.
Les mages sont venus offrir en présent à l’Enfant de Bethléem ce qu’ils avaient de plus précieux : l’or, l’encens et la myrrhe. Le but de leur voyage a été d’adorer l’Enfant-Jésus et de lui offrir les présents les plus précieux.
Ce même Jésus sera présent dans quelques instants sur l’autel. Et nous pouvons-nous poser ces questions : quel est le but de ma venue dans cette église, aujourd’hui ? Qu’est-ce que je suis venu apporter comme présent à l’Enfant-Dieu ? Ce matin, j’ai vu dans la crèche, et il y est toujours du reste, un beau dessin réalisé par un enfant, un petit enfant, voilà, qui est venu apporter sa réalisation à Jésus. C’est magnifique !
Et nous, qu’est-ce que nous venons lui apporter ? Vais-je repartir par un autre chemin ? C’est-à-dire différent, changé, porteur d’une parcelle de cette lumière à laquelle j’ai communié ? Vais-je devenir une étoile dans la nuit de ce monde pour que d’autres puissent se mettre en marche ? Amen.