ÉPIPHANIE DU SEIGNEUR

3 janvier 2021

  • Frère Jean François	CROIZÉ Frère Jean François CROIZÉ

Introduction : « Debout Jérusalem, resplendis, elle est venue ta lumière et la gloire du Seigneur s’est levée sur toi ». Oui, c’est ainsi que le Seigneur se manifeste dans cette Solennité de l’Épiphanie où nous venons nous-mêmes adorer le Seigneur, lui offrir notre cœur, lui offrir nos vies.
Aujourd’hui, nous sommes aussi en action de grâce pour les 61 ans d’ordination du Père Paul (Pageaud) et nous prions aussi particulièrement pour tous ceux qui sont sous le patronage de Sainte Geneviève parce qu’aujourd’hui c’est aussi sa fête.
Eh bien, Jésus se révèle lumière du monde pour le pardon de nos péchés. Verbe fait chair, il se donne en nourriture pour le salut de nos âmes. Accueillons la lumière de l’amour de Dieu dans le pardon de nos péchés.

Homélie : Chers Frères et Sœurs, est-ce que ce n’est pas un peu la Fête de l’Épiphanie chaque Dimanche lorsque vous venez pour rencontrer le Seigneur, l’adorer, l’accueillir, et communier à son amour ?
Oui, nous célébrons bien aujourd’hui la Fête de l’Épiphanie du Seigneur et, dimanche prochain, nous célébrerons le Baptême du Seigneur. Or ces deux fêtes sont bien une épiphanie du Seigneur. Qu’est-ce donc que l’Épiphanie?
Épiphanie signifie « manifestation », dans le sens d’un dévoilement, d’un resplendissement. Mais de quelle manifestation s’agit-il ? Comme l’énoncera la préface eucharistique (préface), il s’agit de Dieu qui dévoile « dans le Christ le mystère de notre salut pour que tous les peuples en soient illuminés ». La venue des Mages est le signe de sa manifestation, et par leur questionnement à Jérusalem, Il se manifeste aussi aux Juifs dans l’accomplissement des Écritures. La Solennité de l’Épiphanie célèbre la manifestation de Jésus comme Messie pour tous les peuples.
Puisqu’il s’agit d’une manifestation, d’une révélation, il nous faut, je pense, rapprocher la fête de l’Épiphanie à celle de la Pentecôte : car on peut affirmer qu’il existe le même rapport entre Noël et l’Épiphanie qu’entre Pâques et la Pentecôte. La fête de l’Épiphanie, comme la fête de la Pentecôte, sont en effet deux événements qui ont pour point commun la dimension universelle du salut.
Les Écritures s’accomplissent. C’est ce qui s’est accompli dans l’intimité de la crèche de Bethléem avec la seule présence de Marie, Joseph et de quelques bergers, est maintenant manifesté à tous les peuples de la terre, symbolisés par la présence des Mages venus de l’Orient. Comme plus tard, ce qui sera manifesté à Pâques à quelques femmes puis à quelques disciples, sera également manifesté le jour de Pentecôte à tous les peuples de la terre, représentés par les hommes de toutes origines présents alors à Jérusalem. L’Épiphanie est donc le déploiement universel de la grâce de Noël, comme la Pentecôte est le déploiement universel de la grâce de Pâques. Autrement dit, le Christ ne vient pas seulement pour les enfants d’Israël, mais il vient pour le salut de toute l’humanité. Il ne vient pas seulement pour des chrétiens aujourd’hui dimanche, mais il vient aussi pour tous les peuples de la terre.
L’Évangile nous montre des sages en recherche de lumière et de vérité, venus d’Orient. Or l’Orient symbolise l’Orient des origines en Genèse : « Le Seigneur planta un jardin en Eden, à l’Orient, il y mit l’homme qu’il avait formé », (Genèse 2,8). Les mages venus d’Orient, représentent l’humanité perdue en quête de salut, de la vérité, en recherche d’une transcendance. Le psaume 71 qu’on a chanté, de même que le prophète Isaïe l’avait annoncé : « Les rois de Tarsis et des îles paieront tribut ; les rois de Seba et de Saba apporteront leurs présents. Tous les rois se prosterneront devant lui. » (versets 10-11). Des rois, c’est-à-dire des peuples, des rois se lèveront et ils se prosterneront à cause du Seigneur qui est fidèle et du Saint d’Israël. Oui, l’Évangile nous rend témoins de cette rencontre bouleversante : la rencontre de l’homme qui cherche Dieu et de Dieu qui vient à la recherche de l’homme, en la personne de Jésus qui s’est fait l’un d’entre nous.
Les Mages venus d’Orient suivent l’étoile, au fond c’est la vocation donnée par Dieu à l’étoile dans la Genèse, d’être signe au firmament du ciel pour éclairer la terre et cette nouvelle étoile est signe pour le rendez-vous avec Dieu. Zacharie avait annoncé : « un astre nouveau va nous visiter pour éclaire ceux qui se tiennent dans les ténèbres et l’ombre de la mort et guider nos pas dans le chemin de la paix » (Luc 1,78-79). « Jésus est l’étoile radieuse du matin », ainsi est-il écrit dans l’Apocalypse (22,16).
Comme le peuple Hébreu, dans le désert, est guidé par la nuée lumineuse dans la nuit, de même l’obéissance des Mages, guidés par l’étoile, à Jérusalem sont confirmés par les Écritures, ils découvrent enfin le mystère du Christ, tel qu’il nous est évoqué par Saint-Paul dans la deuxième lecture.
L’évangile nous rapporte ceci : « En entrant dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie sa mère, et, tombant à genoux, ils se prosternèrent devant lui. » L’attitude des Mages dit la beauté et la profondeur de leur âme : ils se prosternent : aucun discours, mais une attitude corporelle, qui engage toute la personne, tout leur être, et par laquelle ils manifestent leur reconnaissance aux deux sens de ce terme : « comprendre et remercier ». C’est-à-dire que, d’une part, ils identifient ce nouveau-né, comme étant Dieu, et que, d’autre part, ils lui expriment leur profonde gratitude et leur respect infini pour ce qu’il est et ce qu’il représente.
Ce qu’ils découvrent n’a pourtant rien de spectaculaire, car Dieu n’a pas l’habitude de recourir à la séduction. Cet événement est à première vue insignifiant, tant il est modeste. D’ailleurs, celui-ci n’a pas attiré l’attention des Maîtres du savoir en Israël. Mais, par contre, ces hommes au cœur droit reconnaissent dans le nouveau-né de la crèche la vérité de l’amour, qui n’a pas besoin de renfort médiatique, car la vérité de l’amour s’impose par elle-même à celui qui l’accueille humblement.
Dans le nouveau-né de la crèche, ils reconnaissent l’amour qui se donne. Ils reconnaissent l’amour divin qui s’abaisse. Ils voient l’amour tout puissant qui se dévoile dans la nature humaine de Jésus. Ils reconnaissent la toute-puissance authentique, qui est capable de se manifester dans la fragilité et la finitude d’un être humain. Face au fragile nouveau-né de la crèche, né dans le plus grand dénuement, ils discernent l’infiniment grand qui se révèle dans l’infiniment petit. Ils honorent la majesté de Dieu qui s’exprime dans le dépouillement radical.
Prémices de notre vocation et de notre foi, Les Mages poursuivent leur mouvement de prosternation par un deuxième mouvement : chacun ouvre le coffret qu’il porte et en offre le contenu à l’Enfant : de l’or, de l’encens, de la myrrhe. « On lui donnera l’or de Saba », avait annoncé Isaïe. L’or indique la royauté de l’Enfant : Jésus est le Roi de l’Univers.
L’encens signifie la divinité de ce nouveau-né : Jésus est le Fils de Dieu. L’encens est un parfum, il symbolise la prière dans l’Apocalypse : « les vingt-quatre vieillards se prosternèrent devant l’Agneau, tenant chacun des coupes d’or pleines de parfums, ce sont les prières des saints » (5, 8-9).
Quant à la myrrhe, substance aromatique au goût amer, symbolise l’amertume du péché, sera utilisée comme breuvage offert au Christ sur la croix. Elle est aussi symbole de l’immortalité, elle est employée pour embaumer les corps pour leur conservation. Cette offrande au Christ révèle d’une part qu’il prend sur lui le poids de nos péchés et d’autre part son immortalité : Jésus est le Maître de la Vie.
Les attitudes intérieures que nous commande cette triple offrande sont simples : l’humilité devant celui qui est roi ; l’adoration devant celui qui est Dieu ; enfin, l’offrande de sa vie à celui qui ne peut être vaincu par la mort.
Les nations païennes, par les Mages, accomplissement les Écritures. Le Concile Vatican II, dans la constitution « Dei Verbum », rappelle que l’accomplissement des Écritures en Jésus s’accomplit dans l’Église.
Comment cette fête de l’Épiphanie nous concerne-t-elle ? Elle nous concerne en ce que nous célébrons dans l’Eucharistie.
La Verbe fait chair se donne dans l’Eucharistie, lorsque nous célébrons et adorons le Christ présent dans l’Eucharistie, nous accomplissons en effet une démarche semblable à celle des Mages qui se prosternent devant ce nouveau-né de la crèche. De la même manière que les Mages reconnaissent Dieu présent en l’Enfant couché dans la mangeoire, de même nous reconnaissons Dieu présent dans les espèces eucharistiques. Nous nous prosternons, nous nous offrons et nous communions à ce mystère d’amour.
De plus, le chemin des Mages passe par Jérusalem. C’est là qu’ils reçoivent le témoignage des Écritures. Dans l’accueil des Écritures, ils reçoivent une parole qui éclaire l’événement et jette une lumière nouvelle. C’est cette parole qui leur permet de poursuivre la bonne route et les conduit à la rencontre personnelle du Christ Sauveur. De même, le Christ dans l’Eucharistie est indissociable de l’Église, symbolisée par Jérusalem, et du trésor des Écritures dans lesquelles nous recevons la Parole de Dieu qui nous donne de nous mettre en mouvement et nous permet de reconnaître la présence du Christ.
De même que les Mages accompagnent leur prosternation d’un geste d’offrande, et offrent symboliquement leur personne par leurs présents ; de même convient-il que lorsque nous adorons le Christ présent dans le sacrement eucharistique, nous accompagnions cette adoration de l’offrande vivante de toute notre personne. Si le Christ s’offre à nous, c’est pour nous transformer et nous entraîner avec lui dans l’offrande qu’il fait de lui-même, afin de faire de toute notre existence un grand mouvement d’amour pour Dieu et pour nos frères humains.
Après s’être prosternés devant l’Enfant, les Mages regagnent leur pays par un autre chemin ; un chemin qui leur fait éviter providentiellement la rencontre avec le roi Hérode, ce roi qui symbolise les puissances du mal et de la mort. Ainsi doit-il en être pour chacun d’entre nous : après avoir adoré et communié au Christ Eucharistique, nous sommes invités à regagner nos lieux de vie habituels, mais renouvelés et déterminés à abandonner toute compromission avec le péché.
Après avoir contemplé celui qui est la véritable lumière venue chasser les ténèbres de ce monde, il faut en effet que cette lumière resplendisse sur notre visage, afin que sa clarté éclaire tous ceux et celles que nous rencontrons quotidiennement. Comme Marie se tenait près de Jésus à la crèche, n’oublions pas qu’elle demeure auprès de nous comme une mère attentive pour nous rappeler l’amour de Dieu pour tous ses enfants que nous sommes. Amen.