IMMACULÉE CONCEPTION 2022

8 décembre 2022

  • Sœur Geneviève Médevielle Sœur Geneviève Médevielle

Voici le texte de Soeur Geneviève qu’Elle avait tapé avant de le dire : j’ai adapté la forme aux exigences de l’internet et ajouté quelques expressions dites, entre parenthèses :

Commentaire de la Parole de Dieu du 8 décembre 2022

Soeur Geneviève Médevielle, Commissaire apostolique des Petites Sœurs de Marie Mère du Rédempteur

Nous connaissons toutes et tous les textes que la liturgie de ce jour nous a donné d’entendre. Mais comment nous laisser surprendre, une fois de plus, par le jeu de ces textes qui forment un ensemble de l’Ancien Testament au Nouveau Testament ? Car si ces textes sont porteurs d’une parole vive, appelée à nous atteindre encore aujourd’hui, comment les entendre et ne pas en rester à des mythes ou à des récits merveilleux ?
1. Je commence par constater (car Nous les avons médités ensemble depuis 8 jours en faisant notre lectio-divina en communauté), que, sur notre route vers Noël, la liturgie de ce matin nous offre, une fresque grandiose de l’histoire du Salut depuis le moment de la Création avec le texte de la Genèse jusqu’à la plénitude des temps avec l’évangile de l’Annonciation de la naissance de Jésus à Marie, selon saint Luc.
C’est comme si les textes lus et mis ensemble ce matin nous livraient le dessein bienveillant de Dieu à notre égard. Ils nous font entrer dans le cœur même de Dieu. La lettre de l’Apôtre saint Paul aux Ephésiens, qui exprime la foi de l’Eglise naissante, nous fait remonter, avant même la Création du monde, au moment où « nous avons tous été choisis dans le Christ pour que nous soyons, dans l’amour des fils et des filles, saints et irréprochables (je prends le terme grec : « immaculés ») devant lui » !
Oui, nous avons bien entendu : « Nous avons tous été choisis » bien avant la Création du monde ! Allons-nous dire comme les Corinthiens à l’écoute de l’Apôtre Paul que ce message est folie et scandale et que nous l’écouterons une autre fois ! Avec la Lettre aux Ephésiens, nous sommes appelés à croire que dans le cœur de Dieu nous avons tous été choisis pour être dans l’amour ses enfants « saints et irréprochables », c’est-à-dire « immaculés » comme au premier jour de la Création. Même si nos vies sont marquées par le péché, empoisonnées par le mal, le mensonge et la mort qui nous rappelle vers le néant, Dieu veut nous restaurer dans notre beauté, dignité et innocence (ingénuité) de fille et de fils (de Dieu) d’un même Père.
Mais que nous est-il donc arrivé pour que Dieu veuille faire de nous des fils et des filles immaculés ?
2. Reprenons le texte de la Genèse que nous avons lu. La situation présentée dans cette page devrait nous aider à lire notre propre situation face à Dieu. Car sans consentement à cette réalité partagée entre les premiers humains et nous, il n’y a pas d’expérience spirituelle possible.
L’épisode révèle qu’il y a un problème entre l’homme et Dieu. Ici, l’homme n’a pas confiance en Dieu. Il en a peur, il se cache alors que Dieu se promène en ami dans le jardin, et cherche la rencontre avec sa créature, créée à l’image de son amour. Quand nous entendons que l’homme se cache, ce n’est pas dans le sens du jeu enfantin de cache-cache. Mais c’est dans le sens de se cacher par peur car on se sent menacé. J’ai expérimenté cela avec mes sœurs du Tchad quand face aux rebelles qui peuvent les tuer, il faut se cacher. Face à la question « Où es-tu ? » portée par l’amour digne d’une mère cherchant son enfant, l’être humain ne sait plus qui il est. Il ne sait plus qu’il est aimé comme un fils. Alors que Dieu avait tout donné à l’homme et à la femme, ils ont cru qu’en leur interdisant le fruit de la connaissance, Dieu voulait les maintenir dans sa dépendance. Tenté et trompé par les paroles du serpent, homme et femme ont nourri le soupçon que Dieu, en fin de compte, était un concurrent qui limitait leur liberté. Ils n’ont pas cru qu’ils pouvaient se fier à l’amour de Dieu. Ils n’ont pas cru qu’ils pouvaient se recevoir comme une « bénédiction » du Créateur. Ils ont compté sur la connaissance dans la mesure où celle-ci leur donnerait le pouvoir d’égaler Dieu. Mais prendre la place de Dieu, ne plus se recevoir comme créature, se vouloir l’origine de sa propre vie, conduit à la mort… Avec ce goût de l’autonomie qui ne veut plus dépendre de Dieu, l’homme et la femme sont abandonnés à eux-mêmes et ne peuvent plus entendre que l’amour n’est pas une dépendance (servile) mais un don qui fait vivre.
L’être humain a fait alors l’expérience de se retrouver nu. Une nudité ordinaire et littérale en hébreu qui signifie être dépourvu de protection ou désarmé. C’est ce qui se passe dans le livre de l’Exode lorsque, après l’adoration du veau d’or (Exode 22.25), les Israélites se trouvèrent « nus » au milieu de leurs ennemis ; abandonnés à eux-mêmes et privés de la protection de Dieu.
Voilà la dimension dramatique de cette goutte de venin que l’Église appelle péché des origines ou originel : nous sommes sans confiance à l’égard de celui qui ne désire pour nous que la vie et l’amour.
3.
Or, ce que nous célébrons aujourd’hui, avec la fête de l’Immaculée Conception, c’est qu’en Marie, la petite jeune fille de Nazareth, une femme a reçu, par grâce inouïe, de vivre son existence humaine « à l’envers » de nos premiers parents de la Genèse.
Oui, vous m’avez bien entendu : j’ai bien dit que la vie de Marie est comme « l’envers » de la vie d’Adam et d’Eve. Alors qu’Adam a pris peur devant Dieu, Marie ne s’est pas cachée devant l’ange. A la différence de la première Eve, Marie a fait bon usage de sa volonté et de sa liberté sollicitée par Dieu. Pleine de confiance, elle s’est abandonnée à la volonté de Dieu. Alors qu’Eve porte le nom de « vivante » (non soumise à la mort), Marie est la femme totalement fidèle à ce nom, mère de la Vie, puisqu’en elle, par la puissance de son Oui et de l’action de l’Esprit, la Vie, celle de son Fils Jésus, a totalement vaincu les forces et le venin du serpent. Elle peut écraser la tête du serpent !
Mais que s’est-il passé à Nazareth entre Dieu et Marie ?
On a l’habitude de dire qu’il s’agit de l’annonce à Marie de la venue du Messie attendu par Israël. Et l’on a raison. C’est bien Dieu qui prend l’initiative de la rencontre avec la jeune femme de son choix en envoyant son ange. Il s’intéresse à une jeune femme issue d’un petit village de Galilée sur lequel personne ne mise. Vus de Jérusalem ou de Bethléem, les humbles de Nazareth ne comptent pas. Mais Dieu sait voir en Marie, le petit reste d’Israël dont la filiation envers lui n’a jamais été interrompue, ni déviée ni corrompue. Dans la sombre nuit de l’histoire, quand Israël est devenu un peuple sans importance dans une région occupée par les romains, dans l’humilité de la maison de Nazareth, Marie est le petit reste pur d’Israël, celui qui a confiance en Dieu, celui qui ne jette pas le soupçon sur le dessein d’amour de Dieu. Marie croit que Dieu sauve son peuple.
Mais disant tout cela, ne passe-t-on pas trop vite sur la salutation étrange de l’ange Gabriel qui éclaire la fête de l’Immaculée Conception que nous fêtons aujourd’hui ? L’ange ne salue pas la jeune-fille Marie de Nazareth fiancée à Joseph descendant de David par son nom mais par : « Réjouis-toi, comblée de grâce ». (Ce n’est pas commun comme salutation).
Avant toute annonce, il y a la surprise bouleversante de la révélation de qui est cette Vierge en vérité dans le cœur de Dieu. Une femme comblée de grâce qui réalise en elle la dignité originelle que Dieu a donnée à notre humanité. En elle existe l’adéquation entre ses désirs et sa volonté de servir Dieu en toute chose : « Je suis la Servante du Seigneur. Qu’il me soit fait selon ta Parole », dit-elle. Réponse libre et intelligente d’une femme qui a parfaitement compris la mission confiée qui bouleverse tous ses projets. Elle fait une totale confiance à Dieu et consent à ce qui lui est dit : « Me Voici, Que tout m’advienne selon ta parole. »
Marie est bien la femme qui a reçu la grâce unique d’avoir été comblée de ce don que nous pourrions appeler d’être née ingénue, au sens étymologique de « née libre », comme l’écrivait Frère Christophe de la Trappe de Tibhirine le 8 décembre 1995. Oui, Marie, est bien cette jeune femme, libre, pleine de fraicheur, de franchise naturelle -elle ose questionner l’ange-, et de simplicité qui sans cesse reçoit le pouvoir de naître en enfant de Dieu, toujours accordée et ouverte à son dessein d’amour jusqu’aux pieds de la Croix.
Ainsi Marie, en cette fête de l’Immaculée, se trouve devant nous comme un signe de réconfort et d’espérance. Elle nous dit : « N’aie pas peur de ton Créateur, Crois en sa parole de Vie et d’amour, Aie le courage de risquer ta vie avec lui, car la bonté infinie de Dieu ne tarit jamais ! »
Aujourd’hui encore, le Seigneur continue d’appeler des hommes et des femmes. Ce n’est plus par l’ange Gabriel qu’il intervient dans nos vies. Il nous rejoint dans les diverses circonstances (de notre vie) par les personnes qu’il met sur notre route. Il peut aussi nous parler par une page d’évangile ou par un événement particulier. Il peut même venir nous chercher de très (très) loin ou de très (très) bas. A chaque fois, nous sommes choisis par Dieu qui a besoin de nous pour incarner sa Parole de tendresse, (de compassion), et de miséricorde et dire son amour à tous ceux qui sont perdus.
A vous Françoise-Marie, qui avez expérimenté dans votre histoire ce que cela veut dire d’être perdue, nue et sans défense, à la suite de Marie votre Mère et Maîtresse comme aiment le dire les Petites Sœurs de Marie chaque jour, osez, vous risquer à la suite de son fils Jésus avec le cœur purifié. Que la Vierge Marie vous aide et nous aide tous à porter Dieu en nous et de l’offrir au monde pour son Salut.