LE CHRIST, ROI DE L’UNIVERS (A)

22 novembre 2020

  • Père Pierre Vanderlinden Père Pierre Vanderlinden

Introduction de Frère Omer : Aujourd’hui, nous célébrons la Solennité du Christ, Roi de l’univers. A la fois, c’est une année liturgique qui s’achève, l’année A, et à la fois c’est (comme le laisse percevoir) une nouvelle année liturgique qui va commencer avec le premier dimanche de l’Avent, le dimanche prochain.
C’est peut-être pour nous l’occasion de faire un petit bilan de l’année écoulée, de regarder ce qu’il y a eu de beau, de bon, de vrai et de sincère dans notre vie en relation avec le Christ qui dans son humanité récapitule toute notre humanité et la présente au Père. C’est aussi l’occasion pour nous de demander les grâces nécessaires pour commencer cette nouvelle année liturgique de dimanche prochain, armés des grâces nécessaires pour demeurer dans l’union avec Dieu en Jésus-Christ.
Préparons-nous à célébrer cette Eucharistie en nous reconnaissant pécheurs.

 

Homélie du Père Pierre Vanderlinden : Lorsque Pie XI institua la Fête du Christ-Roi en 1925, le monde continuait à subir les conséquences néfastes de la Grande Guerre. Le monde était dans l’instabilité politique en Europe particulièrement, et dans la récession économique dans tous les continents. Et le Pape voulait rappeler solennellement la Royauté du Christ sur l’humanité, sur tout l’univers, voulant ainsi lancer un cri d’espérance pour que les hommes continuent à espérer malgré les situations difficiles dans lesquelles ils se trouvaient. C’est là peut-être que dans la situation difficile où nous nous trouvons, l’initiative pontificale trouve un parfait écho.
Le Christ, notre Roi, qu’est-ce que cela signifie ? Des rois nous en avons une certaine connaissance pas toujours heureuse, hélas. Trop souvent des rois ont abusé de leurs pouvoirs au détriment de leur peuple, comme les rois d’Israël d’ailleurs. Alors, il s’agit de bien prendre conscience du type de royauté dont il s’agit. Qui est donc ce Roi ? Comment est-il Roi ? De quelle manière exerce-t-il sa royauté ?
Eh bien, le dossier judiciaire transmis par les Juifs à Pilate comportait cette accusation : cet homme se fait roi, ce qui est un blasphème contre Dieu. Ce langage-là, Pilate ne pouvait pas le comprendre, il avait seulement son attention retenue par le titre de roi. Alors pour Rome l’Empire imposait son pouvoir sur la Palestine, sur le peuple d’Israël : que quelqu’un se prétende roi ou bien c’est un fou, ou bien c’est un homme dangereux qui veut combattre le pouvoir de Rome. Voilà pourquoi, Pilate interroge Jésus sur sa royauté et nous assistons à un langage mystérieux de la part de Jésus, un langage que Pilate ne pouvait pas comprendre : « Mon royaume n’est pas de ce monde ».
En effet s’il était roi dans ce monde, il aurait une cour qui l’entoure, il aurait une armée pour le défendre comme il le fait remarquer à Pilate, ce langage-là Pilate le comprend mais comment comprendre que ce règne est établi pour faire éclater la vérité ? Qu’est-ce que la vérité pour un relativiste sceptique comme l’était Pilate ? Un royaume que nous reconnaissons comme établissant la justice et la paix entre les hommes. De paix, il n’en existait pas vraiment à l’époque ; certes, il y avait une paix, celle qui était imposée par l’Empire aux Nations conquises et qui était fondée sur la force des armes, mais telle n’est pas la Royauté de Jésus qui voulait répondre à la violence des armes par la douceur. Et c’est là que Pilate ne pouvait plus le suivre et qu’il voulait abandonner la partie, il ne comprenait plus.
Mais nous, à la lumière de l’Esprit, essayons de comprendre. Certes, c’est un Roi bien étrange, sa couronne est d’épines, son sceptre est un roseau avec lequel on lui frappe la tête par dérision, son trône est la croix où il triomphe du mal et de la mort en sauvant ses frères. Voilà la Royauté du Christ. C’est une Royauté tout entière spirituelle, divine, et voilà pourquoi, elle est décalée par rapport à notre raison humaine. Oui, nous sommes devant le mystère d’une Royauté divine qui est fonction de la création car Dieu a créé l’homme, maître de la création pour la mettre en valeur, il lui a conféré ce pouvoir. Jésus continue à respecter cette volonté initiale de Dieu dans la création.
Alors pour nous faire comprendre le type de Royauté qui est la sienne, il prend un symbole, un symbole qui est bien connu dans la bible, la figure du pasteur. Les prophètes, nous en avons entendu un ce matin, les prophètes avaient utilisé l’image du pasteur pour stigmatiser les mauvais rois d’Israël qui avaient abusé de leur pouvoir, qui avaient dirigé le peuple à leur propre avantage et Dieu les avait désapprouvés. Les prophètes l’avaient annoncé : Dieu va prendre lui-même la direction de son peuple pour le conduire vers de beaux pâturages, vers les sources de la vie en Dieu. Jésus reprend cette image à son compte mais il la situe dans le cadre du jugement final dont il a reçu le pouvoir de son Père. Le Père a remis le jugement à son Fils pour qu’il l’exécute au dernier jour.
Et c’est dans la perspective de ce jugement final que le Seigneur nous situe ce matin par cette parabole remarquable. Oui, certes, nous sommes en quelque sorte les mandataires du Christ car le Christ continue à avoir faim, à avoir soif, à être nu et démuni de tout, à être malade et en prison, aujourd’hui, mais nous devons le reconnaître.
Ah ! Ce n’est pas simple mais nous avons la Parole de Jésus, qu’il a plusieurs fois répétée : il s’identifie aux plus petits. Chaque fois que nous rencontrons un homme éprouvé, c’est le Christ lui-même qui nous interpelle. Et c’est là qu’au dernier jour il posera la question : qu’as-tu donc fait de moi ? Oui, la question n’est pas agréable à entendre mais nous devons bien l’intégrer et nous rendre compte que c’est d’une certaine manière aujourd’hui que nous déterminons notre destinée finale. Dieu nous appelle, Dieu nous invite à jouir du plein bonheur avec Lui, mais Dieu ne nous contraint pas ; le pasteur, certes, va à la recherche de la brebis égarée, quand il l’a retrouvée il ne lui adresse pas de reproche, il lui montre sa tendresse, mais il ne la contraint pas. Si la brebis s’obstine dans son égarement, Dieu respecte la liberté de sa créature. Dieu ne peut pas contredire son dessein premier, il a créé l’homme à son image, donc libre de se sauver à la suite du Christ ou de se perdre loin de Lui.
Et voilà que Jésus nous transporte vers ce moment décisif où il rend le jugement pour les hommes, où il discerne les hommes les uns des autres. Ceux qui auront vécu selon sa loi d’amour, ceux-là il les mettra à sa droite, les autres qui ont ignoré, négligé, méprisé sa loi d’amour, il les laissera librement aller vers leur destin. Oui, nous devrions bien le comprendre que nous déterminons nous-mêmes notre destinée finale. Dieu nous invite au bonheur mais il ne nous contraint pas de l’accueillir.
Je pense que nous désirons fermement être parmi ceux que le Seigneur prend à sa droite. Alors aujourd’hui, vivons en profondeur cette loi d’amour. Le Seigneur fait de nous les témoins de son amour pour tous les hommes, prenons cela au concret en chacune de nos journées, nous avons l’occasion de le vivre, de le manifester. C’est ainsi que le jour venu, comme il nous l’a promis, le Seigneur-Roi, notre Roi, nous prendra pour vivre dans le bonheur le plus absolu en sa présence.