LE SAINT-SACREMENT (A)

14 juin 2020

  • Frère Jean François	CROIZÉ Frère Jean François CROIZÉ

Introduction à la Célébration : Grande joie au ciel pour la Fête-Dieu, c’est le jour. Grande joie aussi pour nous de pouvoir vivre ce temps en communion et à l’appel de Dieu.

Remercions le Seigneur de nous ouvrir son cœur aujourd’hui afin de cheminer aussi, qu’il chemine avec nous et en nous.

Et il est bon de se retrouver pour célébrer le Saint-Sacrement du Corps et du Sang du Christ. Pendant la traversée des événements, tel un désert, l’Eglise éprouvée a éprouvé la faim de l’Eucharistie, comme les Hébreux dans le désert. Et aujourd’hui, le Seigneur nous donne infiniment plus que la manne, il se donne dans le sacrement de son Corps et de son Sang. Avec une foi renouvelée dans son Amour, approchons-nous de ce mystère qui se livre dans le sacrifice de communion et d’adoration.

S’il y a trois choses à retenir pour cette Fête-Dieu :

La première c’est que c’est un mémorial, ça nous rappelle le Jeudi-Saint où Jésus se livre dans son Corps et dans son Sang.

La deuxième chose c’est l’Eucharistie qui fait l’unité de l’Eglise. Nous vivons de l’Eucharistie.

La troisième chose c’est que Jésus se donne dans l’intimité de son amour à chacun et personnellement, et il nous conduit au Père pour qu’un jour nous puissions le voir face-à-face.

Et aujourd’hui, il est heureux que nous puissions vivre aussi une première communion avec Léon.

Léon, tu t’es préparé à cette première communion avec un grand désir, et c’est Jésus qui a mis en toi son désir. Il veut vivre avec toi et en toi, et aujourd’hui, c’est un jour nouveau. Ce sera pour toi une nouvelle vie dans la communion avec Jésus. Tu ne pourras plus vivre comme avant, tu vivras dans l’intimité de Jésus au jour le jour.

Et pour nous, c’est un exemple pour nous rappeler que chaque communion doit être vécue avec la même intensité que cette première communion que nous avons reçue.

Mère Térésa disait : « Que la communion que nous recevons soit de cette intensité d’amour que nous avons vécu le jour de notre première communion et chaque communion doit être ce renouvellement intérieur comme l’unique communion ».

Eh bien ! Entrons dans cette intimité du Christ, dans cette communion en reconnaissant que nous sommes pécheurs et que nous avons besoin du Christ, que nous avons besoin de son salut, nous avons besoin de son amour, de sa miséricorde.

 

Homélie : Chers Frères et Sœurs, comme vous pouvez le constater, je suis bien encadré. J’ai à ma droite la Vierge Marie avec l’Enfant-Jésus, et à ma gauche, c’est toujours la Vierge Marie, Notre Dame de Pontmain avec Jésus sur la croix. C’est la même Vierge, c’est la même Mère, Marie, et c’est le même Fils. Et vous avez là tout un condensé de toute l’histoire de Jésus qui s’est incarné, qui s’est offert, qui s’est donné, offert sa vie sur la croix et qui offre sa vie dans cette Eucharistie, et sa chair et son sang. Marie est bien présente aujourd’hui, elle a accompagné Jésus toute sa vie, elle nous accompagne nous aussi comme ses enfants puisque Jésus nous l’a remis comme Mère.

Alors que chaque jour dans l’Eglise, Corps du Christ, l’Eglise c’est le Corps du Christ, l’Eucharistie est célébrée, vénérée, adorée et « manduquée », pourquoi donc solenniser aujourd’hui le sacrement du Corps et du Sang du Christ ? Les célébrations de Pâques, de la Pentecôte et bien d’autres célébrations le sont à des dates marquantes. L’Eucharistie a bien été instituée le Jeudi-Saint, alors pourquoi solenniser aujourd’hui le Sacrement du Corps et du Sang du Christ, l’Eucharistie ?

Tout comme le dimanche de la Miséricorde, la Solennité du Corps et du Sang du Christ est une volonté du Seigneur. Et il est bon, pour cela, de se remémorer les origines de la Fête-Dieu car elle remonte au XIIIème siècle. L’impulsion décisive en vue d’une fête spéciale fut donnée à Sainte Julienne de Cornillon, religieuse Augustinienne et la bienheureuse Eve de Liège dans une région où l’Eucharistie était particulièrement vénérée. Et avec l’Eucharistie, il y avait aussi un grand soin des pauvres et des malades, des léproseries. La Fête fut instituée officiellement le 8 septembre 1264 par le Pape Urbain IV et elle est célébrée le jeudi qui suit la Fête de la Très-Sainte-Trinité en référence au Jeudi-Saint. Elle est reportée au dimanche dans les pays, comme le nôtre, où elle n’est pas inscrite au nombre des jours chômés. Elle commémore la présence réelle de Jésus-Christ dans le sacrement de l’Eucharistie, sous les espèces du Pain et du Vin consacré au cours de la Messe.

L’épreuve que nous venons de traverser a réveillé la nécessité de communier et d’adorer. Or la Solennité de la Fête-Dieu nous offre ces deux aspects du Sacrement de l’Eucharistie. Et, si je puis m’exprimer ainsi, l’un est dynamique, l’autre statique : il s’agit du sacrifice et de l’adoration. La communion n’est pas la pure et simple réception du Corps de Jésus présent sous les espèces du pain, elle est la participation au sacrifice du Christ, à sa Passion. Jésus est le Grand Prêtre et l’Agneau Pascal, la victime offerte pour notre salut. Jésus nous sauve, c’est l’aspect dynamique.

L’Eucharistie est le Corps du Christ qui est sa chair que nous mangeons sous l’aspect de l’hostie. Jésus l’a répété au moins 4 fois dans l’évangile. Pour montrer la puissance, la grâce de ce sacrement, Saint Augustin fait dire à Jésus, et, Léon, tu l’entends bien : « En communiant, tu ne me changes pas en toi, comme tu le fais pour la nourriture ordinaire, mais par l’Eucharistie c’est toi qui est changé en moi ». Ainsi Dieu fait sa demeure en nous et nous sommes en Dieu. Nous sommes un Christ, nous ne pouvons pas faire comme si nous n’étions pas un Christ, et on ne peut pas vivre comme si nous n’avions pas la présence de Dieu en nous.

Et l’on comprend ainsi les expressions fortes de Jésus à la foule qui l’entoure et qui nous sont adressées. Pour « avoir la vie » en nous, pour « vivre éternellement », pour « ressusciter au dernier jour », pour « demeurer en Jésus » et qu’il « demeure en nous », « il faut manger le pain que Jésus nous donne qui est sa chair pour la vie du monde ! » Toute Eucharistie est sacrificielle, toute Eucharistie est sacramentelle. L’Eucharistie est le parfait sacrement de la Passion du Seigneur, en cela elle contient la plénitude de la grâce, elle donne la vie éternelle, c’est pourquoi elle est appelée « viatique », c’est-à-dire cette présence de Dieu qui nous conduit sur le chemin vers le Père, qu’elle nous fait faire le passage de cette vie à la vie éternelle.

Le sacrement de l’Eucharistie est non seulement dynamique dans la communion, comme je viens de le dire, mais encore comme statique dans l’adoration qui suivra le Sacrifice Eucharistique et se prolongera par la procession du Saint-Sacrement. Statique du fait que l’Hostie exposée dans l’ostensoir est immobile. Cependant, en nous exposant à celui qui s’expose, le dynamisme est éminemment affaire de cœur. De même que le Christ n’est pas un dogme mais une personne vivante dont vit l’Eglise, de même l’Eucharistie n’est pas un dogme ou un article de foi mais une réalité vivante.

S’il y a un dogme dans l’Eucharistie, c’est celui de la Présence Réelle qui s’impose à notre foi car c’est bien le Christ qui a dit : « Ceci est mon Corps, ceci est le calice de mon Sang ». Dans l’adoration, nous parlons volontiers de Présence Réelle. Cette Présence Réelle se réalise précisément dans l’acte de la consécration, par la consécration elle-même de l’Esprit-Saint. Si dans le sacrifice eucharistique Jésus est auteur et acteur, dans l’adoration nous sommes les interlocuteurs directs, en face-à-face, en vis-à-vis, en cœur à cœur avec le Christ vivant, ressuscité.

La Parole de Dieu met en lumière trois aspects de la Solennité du Corps et du Sang du Christ : le sacrifice et la communion dans l’Eglise dans l’Évangile de Saint Jean et la 1ère Lettre de Saint Paul aux Corinthiens, ce que nous venons d’évoquer. Tandis que le passage du Deutéronome nous éduque à faire mémoire et à nous souvenir du peuple Hébreu soutenu par la manne dans la traversée du désert en vue de parvenir en terre promise, à ne pas oublier que le Seigneur chemine avec nous, nous précède. Dans notre pèlerinage sur terre, en vue de parvenir à la vie éternelle auprès du Seigneur, nous sommes soutenus et fortifiés par le Pain de Vie, l’Eucharistie, c’est notre viatique.

Lorsque Jésus affirme : « Je suis le chemin, la vérité, la vie », Saint Thomas nous enseigne que l’humanité du Christ est notre chemin : l’Eucharistie, et que ce chemin a une destinée, la vie éternelle et la communion avec Dieu. L’humanité de Jésus par son Esprit-Saint nous conduit à sa divinité qui est vérité et vie éternelle. « Je suis le chemin », et ce chemin nous l’empruntons, le Seigneur nous fait l’emprunter par le sacrement de son Corps et de son Sang. « Je suis la vie, la vérité et la vie », c’est le Fils de Dieu, c’est Jésus, Fils de Dieu qui est lui-même vérité et vie.

C’est toute l’Église qui est eucharistique dans son unité et l’Eucharistie fait de nous un peuple de louange, un peuple d’action de grâce, nous enseigne le catéchisme de l’Église. Nous sommes faits pour cela, et nous nous rassemblons dans l’Eucharistie pour célébrer le culte véritable, le culte parfait en Jésus-Christ. La messe, que nous célébrons en ce moment, actualise l’unique sacrifice du Christ, le sacrifice du Christ total, le sacrifice du Christ-Tête, et le sacrifice du Christ-Corps, ce corps qui est l’Église, nous mêmes. Alors que le prêtre célèbre l’Eucharistie, qu’il fait mémoire comme il en a reçu l’ordre au soir du Jeudi-Saint, c’est toute l’Église entière qui offre le sacrifice.

A l’offertoire, les fidèles, nous-mêmes, s’offrent eux-mêmes, vous vous offrez vous-mêmes au Père avec le Christ. Le Saint Sacrifice, c’est bien l’Église puisqu’elle est née de ce sacrifice. Elle est née du côté transpercé du Christ en croix, sur la croix ; en effet, de ce côté coulent le sang et l’eau, c’est-à-dire les sacrements qui font l’Église, l’Eucharistie et le baptême.

Et inversement, l’Église fait le Saint Sacrifice puisque tous les fidèles s’offrent. En offrant le Christ, les membres du Christ s’offrent eux-mêmes. Il n’est pas question de chercher à savoir ce que la messe peut nous apporter mais plutôt ce que nous y apportons. Nous participons à la messe en nous y offrant, en étant sur l’autel avec le Christ. L’Eucharistie fait l’unité de l’église, mais elle fait aussi l’église missionnaire : le mot « messe » vient du mot latin « missa », c’est-à-dire « envoi ». L’église se rassemble pour être envoyée et être envoyée pour rassembler à la manière d’un cœur qui bat en deux mouvements, diastole et systole, le cœur de l’Église est donc missionnaire.

Notre vocation est de voir Dieu de nos yeux de chair sans les espèces qui nous les voilent alors qu’actuellement nous ne voyons que sous les espèces qui nous voilent en elles-mêmes et en même temps qu’elles nous dévoilent sa présence. La messe est le gage de la gloire à venir et non cette gloire elle-même. Le lien que tisse l’Eucharistie est bien plus fort que le lien de la chair car c’est le lien sacramentel, le lien de l’Esprit-Saint. Ce qui fonde l’unité des chrétiens, ce ne sont pas des idées communes, ou une certaine affection que nous aurions les uns pour les autres mais bien l’Esprit-Saint.

Eh bien, demandons à la Vierge Marie, bien présente, qui nous présente son Fils. Elle même ne peut pas dire, elle aurait pu le dire, elle le dit (quelquefois) : « Ceci est mon Corps, ceci est mon Sang », Mais elle a voulu simplement rester comme une disciple, recevoir le Corps et le Sang de son Fils, de la main de Saint Jean après l’institution de l’Eucharistie. Eh bien, de même, ayons cette humilité de recevoir avec les dispositions de Marie le Corps de son Fils.

Léon, c’est ce que tu recevras tout de suite. Il y a dans l’assemblée un autre Léon, qui est servant d’autel et qui vit de la communion du désir, et dimanche prochain, il communiera aussi au Corps et au Sang du Seigneur. Eh bien, prions pour eux. Amen.