MERCREDI DES CENDRES 2022

2 mars 2022

  • Frère Jean François	CROIZÉ Frère Jean François CROIZÉ

Introduction : Nous venons de chanter : « N’oublie pas tes Miséricordes, Seigneur, Pardonne-moi ». C’est le cri d’imploration, de supplication de l’Église et de chacun de nous pour nous faire entrer justement dans ces 40 jours de pénitence, c’est-à-dire plutôt, dans la suite de Jésus qui monte vers Jérusalem pour s’offrir pour le pardon de nos péchés, pour nous sauver.
Cette entrée en Carême se fait aussi par l’imposition des Cendres, pour nous rappeler notre finitude, mais aussi l’invitation à nous convertir et à croire à la Parole de Dieu qui vient nous sauver.
Cette journée, c’est aussi l’invitation par le pape François et nos évêques de prier pour la paix en Ukraine particulièrement, et dans le monde.
Et aussi c’est une invitation pour chacun de nous justement à prier, comme une journée de réparation aussi, par rapport à cette loi contre la naissance de la vie, ces avortements qui sont poussés à 14 semaines.
Demandons au Seigneur sa Miséricorde et  son Esprit Saint, pour nous guider sur son chemin de résurrection.

Homélie : Frères et sœurs, aujourd’hui, nous commençons avec le Seigneur l’aventure du Carême.
Nous avons entendu, en premier, le prophète Joël qui nous aide à entrer dans l’esprit du Carême. Le prophète Joël a exercé son ministère dans les années 400 avant Jésus-Christ ; nous sommes après l’Exil à Babylone. Le Temple est reconstruit, le sacerdoce est au service du culte. Il est question des prêtres serviteurs du Seigneur, tout semble aller pour le mieux. Et pourtant, le contexte est celui d’une catastrophe qui s’est produite, ou qui menace de se produire. Au début du livre de Joël, il est fait mention d’une invasion soudaine de sauterelles qui entraîne la famine, et en conséquence, la mort.
Et le prophète tire la sonnette d’alarme ; il nous faut l’entendre. Toutes les situations qu’on peut traverser, n’est-ce-pas, peuvent aussi nous rappeler qu’il y a le Seigneur qui est présent, et le prophète en tirant la sonnette d’alarme, il appelle le peuple de Dieu à une liturgie pénitentielle pour se convertir, pour faire pénitence, afin que Dieu mette fin à ce fléau. C’est dans ce sens que la liturgie du Carême recourt à cette clameur du prophète. Quand faut-il vivre cette pénitence ? La réponse est : « tout de suite, c’est urgent ». Le texte commence par : « Et maintenant ». C’est donc le maintenant, le tout de suite de l’entrée en Carême. Nous y sommes.
Et pour quoi ? Eh bien, pour la conversion, dans le sens d’une relation à Dieu, « Revenez à moi de tout votre cœur », « Revenez au Seigneur votre Dieu ». La véritable conversion n’est pas d’abord un travail sur soi-même, ascétique, pour répondre à une image idéale de soi de perfection, comme on l’a entendu dans l’Évangile, il s’agit de venir et de revenir vers le Seigneur sous son regard, en sa Présence.
Et qui est concerné ? Le prophète Joël mentionne tout le peuple, c’est donc une démarche communautaire, ecclésiale. Il est écrit : « Réunissez le peuple », les anciens, les petits enfants, les nourrissons, les jeunes mariés, les prêtres. Cela a du sens pour entrer en Carême, tout le peuple de Dieu est concerné.
Et comment vivre l’entrée en Carême ? Dans une liturgie publique, appelée « fête solennelle » « Annoncez une fête solennelle ».
Et par quels moyens vivre le Carême ? Réponse du prophète : « Le jeûne, les larmes, le deuil », « Prescrivez un jeûne sacré ». Il y a donc une insistance sur le jeûne comme privation de nourriture, et sur la dimension pénitentielle de pleurer ses péchés. Bien sûr, le jeûne s’étend aussi à beaucoup d’autres choses.
Quelle forme de prière est-ce ? C’est une prière d’intercession : « Pitié, Seigneur, pour ton peuple », intercession, supplication. Nous voulons dire au Seigneur : « Regarde, Seigneur, notre contrition ». Cette prière véhémente s’adresse à un Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour.
Au fond, quelle est l’issue de cette démarche de pénitence et de conversion ? C’est la conclusion d’adresse du prophète Joël : « Et le Seigneur s’est ému en faveur de son pays, Il a eu pitié de son peuple ». Cette affirmation, elle est écrite au passé, comme si déjà le peuple avait l’assurance d’être exaucé, de la réponse positive du Seigneur.
Et en ce jour de conversion et de pénitence, il nous faut redécouvrir, la prière d’intercession personnelle et communautaire, le jeûne, pour une vie renouvelée dans la grâce de notre baptême.
Dans l’Évangile, Jésus nous donne le sens de la démarche du Carême : « Ce que vous faites pour devenir des justes, évitez de l’accomplir devant les hommes pour vous faire remarquer, sinon il n’y a pas de récompense pour vous, auprès de votre Père qui est aux Cieux ». Et Jésus s’adresse, je dirais, à quatre destinataires.
Bon, d’abord il y a Jésus qui parle. Il nous donne un enseignement de sagesse pour notre vie, pour notre Carême, pour notre cheminement vers Pâques. Mais il y a le « vous », qui est répété plusieurs fois, c’est le vous personnel et pluriel. Il y a aussi « les hommes devant les hommes », enfin il y a le Père qui est appelé « votre Père » ou « ton Père ».
Et quels moyens Jésus mentionne-t-il Lui ? Il y a l’aumône : Se priver de ses biens matériels pour faire le bien. La prière : Se priver d’un temps personnel pour le consacrer à Dieu. Le jeûne : Se priver de nourriture ou autre chose pour en faire une offrande à Dieu. La disposition commune est de se priver pour quelqu’un, pour Dieu.
Quel est l’enjeu de ses trois pratiques, prière, jeûne, aumône ? La première tentation, nous dit Jésus, est de chercher à plaire aux autres, se faire remarquer des hommes, la reconnaissance sociale comme un narcissisme, l’idéal du moi. Aujourd’hui, les gens ne font plus guère attention à ces pratiques d’ascèses.
La deuxième tentation est d’agir dans ces trois moyens pour un certain confort, faire du jeûne pour garder la ligne, je dirais, par un régime alimentaire.
La finalité des pratiques de Carême doit être orientée pour le Père, vers le Père, sous son regard, pour Celui qui est l’Amour et par amour. Tout le reste est inutile, superflu. Le risque aujourd’hui est de négliger les moyens comme négligeables, ou bien celui d’absolutiser les moyens de sorte que je ne considère que les moyens, et non plus la finalité du Carême.
Demandons au Seigneur de vivre ce Carême, je dirais comme Marie, c’est-à-dire pour l’Amour de Dieu et par amour, d’apprendre à discerner la place de la prière en termes de durée, de temps, de lieu. Demandons à l’Esprit Saint aussi de nous éclairer sur le jeûne qui plaît à Dieu. Comment vivre l’aumône ? Trois relations, d’abord à Dieu par la prière, à moi-même par le jeûne, aux autres par l’aumône. Trois moyens visités par le Seigneur.
L’amour de Dieu a été jusqu’à identifier Jésus au péché des hommes, afin que nous soyons identifiés à la justice de Dieu. Notre vie en ce monde doit témoigner combien nous savons que Dieu nous aime.
Comme Marie, laissons l’Esprit-Saint œuvrer en nous. C’est l’Esprit de Jésus qui prie en nous, qui se livre en nous pour nous orienter vers le Père. L’ascèse que nous devons mener pour nous sanctifier est une participation au combat et à la victoire du Christ, car « C’est maintenant le moment favorable, c’est maintenant le jour du salut », nous rappelle Saint Paul.
Les armes que l’Esprit-Saint nous demande d’utiliser sont celles que Jésus a assumées lorsqu’Il fut conduit au désert par l’Esprit-Saint pendant 40 jours : une profonde intimité avec son Père. La Parole de Dieu sera notre pain quotidien dans la communion avec Dieu, et remercions le Seigneur de nous donner ce temps qui nous rapproche de Lui, et des uns des autres. Amen.