13e Dimanche du Temps Ordinaire (A) 2023

2 juillet 2023

  • Frère Jean François	CROIZÉ Frère Jean François CROIZÉ

INTRODUCTION :

Nous avons la joie d’accueillir le Père David, – merci Père David – Didier et puis André, et puis les jeunes qui s’occupent, je crois, de l’intendance du camp vélo.

« Alors il y a l’équipe d’animation, les animateurs qui se préparent à accueillir les jeunes qui vont arriver demain matin, et puis le staff, c’est-à-dire ceux qui s’occupent aussi de l’installation, démontage, remontage des tentes, entre autres, et puis l’animation aussi des veillées. »

Merci André.

Portons dans notre prière aussi les pèlerinages de paroisses qui sont sur les traces de Zélie Martin, Louis et Zélie Martin à Alençon.

Nos évêques de France nous demandent particulièrement de prier pour la paix sociale en France. Demandons au Seigneur qu’il nous donne son Esprit Saint, vraiment, pour savoir exactement, enfin avoir les lumières de Dieu à la fois pour nos gouvernements, nos gouvernants et pour toutes les personnes qui sont confrontées aux violences.

Que la Miséricorde du Seigneur nous aide aussi, chacun de nous, dans notre quotidien, à approfondir cette relation avec le Christ, qu’il nous aide à approfondir notre relation au prochain.

HOMELIE :

Chers frères et sœurs, l’hospitalité au service de la vie qui est une réciprocité de l’amour, mais que de quelle hospitalité s’agit-il dans la Parole de Dieu ?

Le Seigneur Jésus nous dit dans l’Évangile : « Celui qui reçoit un prophète en tant que prophète recevra une récompense de prophète. Celui qui reçoit un juste en tant que juste recevra une récompense de juste. »

Et nous le vérifions dans le récit au Second livre des Rois. Cette grande dame de la cité de Sunam, ancienne capitale cananéenne, au sud-est de la Palestine, est visiblement une maitresse de maison. Elle décide, organise et son mari acquiesce. Elle est aussi une femme croyante et fervente, pleine de respect et d’attention pour Elisée, en qui elle voit un homme de Dieu. Elle n’oublie aucun des éléments nécessaires au ministère de ce prophète itinérant. Cette femme pense à l’âme autant qu’au corps. Elle lui ouvre une table, fait aménager une chambre qui servira au prophète de lieu de repos, d’oratoire pour la prière, et de bureau de travail. Cette dame ne demande rien, elle est accueillante par bonté d’âme et sans calcul d’intérêt.

Elisée accepte avec simplicité les facilités qui lui sont offertes, mais il est trop délicat pour accepter sans une certaine rétribution, mais sans froisser. Son serviteur Guéhazi qui est doué d’esprit d’observation et de finesse, a deviné la tristesse de ce ménage sans enfant, et compris la peine secrète de cette femme. Alors le prophète Elisée, dans sa prière, va lui obtenir la grâce d’accueillir et de donner la vie. Elle aura permis au prophète d’accomplir sa mission, mais le prophète l’aura habilitée, elle aussi, à sa fonction maternelle, en intercédant pour elle. Dieu n’ignore pas ce que l’on accomplit par amour pour lui, Dieu est reconnaissant et miséricordieux.

Cette belle histoire de la Sunamite nous la comprenons bien, et elle est heureuse. Et pourtant, l’hospitalité que nous demande Jésus, va beaucoup plus loin dans le don et le don de nous-mêmes jusqu’au bout de l’amour. Ainsi dit-il : « Qui aura perdu sa vie à cause de moi la trouvera. »

Et voilà l’un des paradoxes les plus forts de l’Évangile. Ce renoncement qui nous est demandé, loin de nous diminuer, nous dilate et nous transfigure. Et plus nous irons loin dans cette préférence totale donnée au Seigneur, plus nous serons comblés. Jésus nous dit : « Tu veux sauver ta vie, tu as raison, tu as le droit légitime de penser à toi, mais alors, paradoxe, il faut que tu la donnes. »

Ceux qui ont reçu le plus, ce sont ceux qui au départ ont le plus donné. C’est peut-être ce que vous vous destinez à faire dans votre générosité de jeune, de donner de votre temps, de votre personne à plus jeune que vous. Pensons aussi à Saint François d’Assise, le fils d’un riche drapier, qui devant l’évêque confondu, redonne à son père irrité tous ses vêtements, et s’en va sur le chemin se sentant devenu libre et riche de la pauvreté du Christ. C’est le jeu à qui perd gagne.

Dans les milieux chrétiens, on demande aux enfants de donner, de se dévouer. On parle de générosité, de sacrifice. Aujourd’hui, en antithèse, on a tendance à dire, par réaction peut-être : « Réalise-toi, épanouis-toi, sens-toi bien, aime-toi, prends soin de toi. »

Jésus fait la synthèse qui s’impose : « Oui, il faut t’épanouir, te réaliser, t’aimer, mais le bon moyen de te réaliser c’est justement de te donner, de sortir de l’égoïsme, de l’égocentrisme qui ramène tout à soi. » Paradoxe. Mais paradoxe justifié par les faits. En nous demandant de le préférer, Jésus nous rend ainsi un immense service, il nous empêche de faire d’une créature une idole. Il ne nous demande pas de haïr nos proches, mais de ne pas les idolâtrer, de ne pas les absolutiser. A les idolâtrer, on se réserve de douloureux réveils.

En mettant le Christ à la première place, les autres affections se trouvent placées à juste distance. L’amour prioritaire pour Jésus nous fait éviter, dans notre amour pour nos proches, le double écueil de l’idolâtrie et de l’indifférence. Enfin, lorsqu’une personne met le Christ en priorité dans sa vie, elle devient alors pour les autres un autre Christ : « Qui vous accueille m’accueille. », dit le Seigneur.

Si les exigences sont si grandes pour l’apôtre, cela provient de la grandeur même de la mission qui fait de l’envoyé du Christ un autre Christ, comme le Christ est lui-même le visage du Père qui l’envoie. Plus le chrétien fait au Christ la première place dans sa vie et plus il est christifié. Je n’ai pas dit crucifié, christifié.

« Si, par le Baptême dans la mort du Christ, nous avons été mis au tombeau avec lui, c’est pour que nous menions une vie nouvelle, nous aussi. » « Vivante est la Parole de Dieu, efficace, plus incisive qu’un glaive à double tranchant. », nous dit Saint Paul. Et c’est vrai que l’Évangile, même si elle est une bonne nouvelle, n’est pas une parole lénifiante, mais une parole qui bouscule. Jésus ne vient pas faire de nous des gens sans consistance, mais des Fils de Dieu.

Cette parole prend parfois des accents provocateurs. « Jésus préféré à son père, à sa fille », voilà une parole qui frappe fort, pour que nous l’entendions et que nous soyons quelque peu déstabilisés dans notre tiédeur. Il y a certes une intransigeance, une radicalité de l’Évangile qui n’est pas l’expression de la toute-puissance d’un Dieu qui prendrait plaisir à tout exiger, mais d’un amour qui demande beaucoup dans un premier temps, pour mieux conduire ensuite à l’épanouissement.

Saint Bernard dit que Dieu demande d’être aimé sachant que ceux qu’il aime deviendront bienheureux par cet amour même. Jésus veut être préféré absolument, totalement. C’est vrai. Mais c’est pour mieux nous ouvrir la route du bonheur. Souvenons-nous de la prière du Deutéronome : « Ecoute Israël, tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton pouvoir. Que ces paroles que je te dicte aujourd’hui restent dans ton cœur. »

Au fond, n’avons-nous pas oublié la grandeur, la transcendance, la primauté de Dieu, on pourrait dire son droit de préemption sur tout être, puisque tout être vient de lui ? Or l’étonnant, c’est que Jésus revendique ce droit de préemption, cette première place dans les cœurs, que seul Dieu peut exiger. Il n’y a guère de passages dans l’Évangile, où sa divinité est aussi clairement affirmée. Et dès lors, des jeunes choisissent le célibat, malgré un légitime désir de fonder une famille. Jésus mérite qu’on lui donne tout. Le curé d’Ars, à la pauvreté légendaire, essayait de n’avoir que des objets de culte de réelle valeur : « Jésus mérite qu’on Lui donne tout. », disait-il.

Aimer le Christ, ce n’est pas d’abord une affaire de sentiment, une jeune fille peut être plus émue à la vue de son fiancé, qu’en recevant l’Eucharistie. Est-ce à dire qu’elle aime moins le Christ que son fiancé ? Aimer le Christ ce n’est pas d’abord une affaire de sentiment, c’est faire ce qu’il demande.

Le préférer, c’est donc préférer faire, en premier, ce qu’il désire justement. Dans bien des cas, ce qu’il désire essentiellement, c’est pour que nous aimions nos parents, nos enfants, nos conjoints. Mais c’est vrai, il peut arriver que le désir du Christ, sur le fils ou la fille, ne soit pas le même désir que celui des parents. On le comprend. Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus disait : « Vous savez, ô mon Dieu, je n’ai jamais désiré que vous aimer, je n’ambitionne pas d’autre gloire. » Et son père n’a pas interdit à sa fille l’entrée au Carmel, en dépit de son jeune âge.

L’Évangile nous déconcerte parfois par ses paroles décapantes, mais surtout par ses fréquents paradoxes :

  • « Qui veut sauver sa vie, doit la perdre. »
  • « Bienheureux les pauvres. »
  • « Bienheureux ceux qui pleurent. »
  • « Vous devez être dans le monde, sans être du monde. »

Or, ces paradoxes ne devraient pas nous étonner, ils sont le meilleur signe de la justesse de ton de l’Évangile. Car peut-on parler de l’Homme autrement qu’en paradoxes ? Peut-on réduire l’Homme à une définition simpliste ?

L’Homme est infini, comme Dieu, dont l’image est à l’image et un infini ne peut s’approcher que par des voies opposées. Magnifique Évangile qui nous révèle l’existence d’un Dieu aussi puissant que vulnérable, aussi exigeant que passionné, aussi lumineux que mystérieux. Admirable Évangile qui parle à l’Homme du chemin de la croix, pour le conduire au bonheur du Ciel.

Après avoir entendu la Parole de Dieu, comment ne pas penser à la Vierge Marie ? Dieu lui a beaucoup donné, en se donnant lui-même, mais il lui a aussi beaucoup demandé, en se donnant elle-même, en l’associant à son sacrifice suprême de la croix. C’est le propre de l’amour que de donner sa vie.

Demandons à la Vierge Marie, notre mère, de nous conduire sur le chemin de l’amour, au bonheur de la vie avec Dieu.

AMEN