17e Dimanche du Temps Ordinaire B, 28 juillet 2024
28 juillet 2024
- Frère Jean François CROIZÉ
INTRODUCTION :
Chers frères et sœurs, cette messe, du 17ème dimanche du temps ordinaire de l’année B, est aussi la messe de clôture d’une semaine de retraite pour des familles, sous le patronage des Saints Louis et Zélie Martin. Ils sont présents.
Et c’est aussi, ce dimanche, la fête des grands parents. Le Pape François, a offert une indulgence plénière pour les grands parents, les grands malades, ceux qui les assistent, aux conditions ordinaires. C’est une grâce qu’il accorde, sous la lumière des saints Anne et Joachim, que nous avons fêtés le 26 juillet.
Entrons dans cette célébration de l’Eucharistie, où, le Seigneur lui-même, se donne en nourriture. C’est son plus grand don qu’il fait de lui-même, pour nous faire participer à sa vie et à sa gloire.
HOMÉLIE :
Chers frères et sœurs, je vois que vous chantez de bon cœur, puisse-t-il en être ainsi tous les dimanches. Et la joie, ça dit quand même quelque chose du cœur, de la profondeur du cœur, c’est un chant d’action de grâce, c’est sûr. Merci à vous. Alors, n’hésitez pas, les murs ne tremblent pas encore.
« Tous ont les yeux levés vers toi, Seigneur, ils espèrent. »
Dans cette courte phrase du psalmiste, tout est dit de la prière. « Les yeux sur toi », intensité du regard. « Ils espèrent », c’est la tension du cœur. Le regard et le cœur disent quelque chose de la qualité de la présence, de la confiance. N’est-ce pas ce qui a habité ce temps fort des familles jeunes de la session Marie Espérance cette semaine, placée sous le patronage des Saints Louis et Zélie Martin ?
Puisque nous sommes tournés vers le Seigneur réellement présent, au fond, qu’avons-nous reçu ? Qu’espérons-nous encore ? Que nous offre-t-il en partage ? Je pense qu’il est assez aisé de le discerner dans l’Évangile de ce jour, d’autant plus que, par un fait exceptionnel, la scène de la multiplication des pains est racontée par les quatre évangélistes.
Il y a d’abord, le souci pour le Seigneur d’une rencontre avec des familles et de toute personne désireuse de le voir, peut-être de l’écouter. Une rencontre à l’écart de l’agitation du monde, en prenant de la hauteur, sur un endroit élevé, propice à la réflexion, à l’échange, à la détente et le repos, et peut-être bien-sûr avec les cris joyeux des enfants, c’est leur louange. Et si nous levons les yeux vers le Seigneur, lui, il attend ce regard : « Jésus leva les yeux et vit une foule nombreuse venir à lui. »
Les yeux dans les yeux, voilà la rencontre avec Dieu. Et que se passe-t-il ? Il n’y a pas de mots pour le dire : « Il voit et il sait. » Et que sait-il et que voit-il ? Il connait notre attente, notre désir, notre faim de pain, de consolation, de réjouissances. Il voit et il connait nos besoins. Nos désirs et nos besoins tournés vers le Seigneur sont notre espérance.
Sur la montagne de Palestine, cette foule assoiffée, assoiffée de divertissements, car elle a vu des miracles, et affamée de nourriture, en quête d’une vie heureuse et de l’attente d’un sauveur, cette foule espère, les yeux tournés vers le Seigneur. « Ils ont faim et ils n’ont rien. » La Samaritaine elle, elle avait soif, soif d’amour et d’eau fraiche.
Le Seigneur, lui, va orienter le désir vers son désir à lui, son attente, dans un dialogue, une relation, par une question à ses disciples : « Où allons-nous acheter des pains pour combler votre faim ? » C’est-à-dire, connaissez-vous des moyens humains qui puissent vous satisfaire, dans cet endroit désert ? Ou encore, me considérez-vous comme un messie humain ? Voilà la question. La confiance avec le Seigneur passe par la vérité du cœur. Le Seigneur « sonde les cœurs et les reins », le cœur dans ses désirs et les reins dans leur nécessité.
Philippe, pris au dépourvu, comme ce serviteur d’Élisée d’ailleurs, dans cette situation d’une foule qui a faim, ne peut concevoir de solution autre que monétaire et mathématique : « Le salaire de deux cent journées ne suffirait pas pour que chacun ait un petit morceau de pain. »
C’est exactement la logique de notre monde. La logique des pays dominateurs, afin de nourrir des peuples réduits à la famine par les guerres et l’appât du gain. Pour Jésus, cette voie de solution n’en est pas une. Elle ne ferait que maintenir la servitude et l’humiliation des populations, auxquelles on distribue, généreusement, leur ration quotidienne, strictement calculée.
Et le Seigneur nous demande de considérer les dons que nous avons reçus. Car, c’est à partir du don d’un enfant, cinq pains et deux poissons. Des pains d’orge, c’est le pain des pauvres. C’est bien peu certes, mais c’est tout pour cet enfant. Et c’est de ce peu que le Seigneur opère le miracle. Le miracle se fait dans le partage, pas dans le calcul.
L’offrande de cet enfant est à l’origine de notre offertoire, et de ce peu, le Seigneur le multiplie. La bénédiction, c’est-à-dire le don, est au-delà de toute espérance et ouvre à l’action de grâce. Au fond, connaissons-nous vraiment le Seigneur ? Car, qu’il s’agisse d’une foule ou, d’une personne, réalisons-nous que c’est de sa part, la même prévenance, la même délicatesse ?
Le Seigneur donne son temps, il accorde audience et bienfaisance. « Faites-les asseoir », dit-il. Et, c’est bien la disposition que nous occupons en ce moment. Il leur accorde la nourriture qu’elle soit matérielle ou, spirituelle, l’une et l’autre, autant qu’ils en désireront, autant qu’ils seront disposés à accueillir. Rien ne sera perdu, mais ce n’est qu’un signe.
Nous levons les yeux vers le Seigneur, en lui nous espérons. Et que recevons-nous de durable, de profitable à l’âme et au corps ? Est-ce autre chose que le mystère du Christ, vivant en chacun de nous, que nous ne pouvons ni quantifier, ni qualifier ? Jésus s’est fait pain de vie pour satisfaire notre faim de Dieu, car notre âme a faim, faim de Dieu, quand notre organisme naturel a faim de nourriture terrestre.
Et à quoi cela nous engage-t-il ? Nous demandons au Seigneur, dans la prière d’ouverture, de multiplier pour nous les gestes de miséricorde, afin de nous attacher au bien qui demeure, bien que l’on reçoit comme un don.
Et Saint Paul nous en décrit l’enjeu : « Si les chrétiens sont tous ensemble un seul corps et un seul esprit, ne le doivent-il pas à la manducation d’une même Eucharistie ? » C’est ce que nous répétons dans chaque prière eucharistique. Et qu’est-ce que l’Eucharistie au Père si, ce n’est la vie, dont le bienfait est l’unité et la charité. L’unité d’esprit et la paix, idéal d’union dans la charité. Union, j’allais dire communion comunus, pas comme une union, comunus, ensemble.
Et quel chemin Saint Paul nous propose-t-il, pour vivre d’espérance ? La Communion au Christ pour nous libérer de nos entraves, de nos replis sur nous-mêmes. Et Saint Paul, très concret, nous propose trois terrains d’expérimentation, trois vertus si vous voulez :
- L’humilité : et qui peut se dire humble ?
- La douceur : est-elle notre seconde nature ?
- La patience : que vaut ma patience dans la tempête ?
Suis-je mon propre étalon dans la construction de l’unité de la commune ? Pouvons-nous dire en vérité : « Les yeux tournés vers toi Seigneur, nous t’espérons, tu es notre vie, les yeux tournés vers toi Seigneur qui t’es humilié pour nous. » Sans l’humilité, comment pourrions-nous comprendre et vénérer le Seigneur qui s’est chosifié dans l’Eucharistie et abaissé dans le petit. Notre attitude devant l’Eucharistie, témoigne de la qualité de notre âme et de notre foi.
Avec l’humilité, Saint Paul exhorte à la douceur, vertu que Don Bosco conseillait souvent aux éducateurs, car, elle demande vraiment la maîtrise de soi, véritable ascèse. Nos enfants sont nos maîtres éducateurs dans ce sens. Et le Seigneur, lui-même, nous l’a prescrit comme deuxième béatitude : « Heureux les doux, car ils possèderont la terre et la patience. »
Y-a-t’il plus patient que Dieu ? Pour Lui, un jour est comme mille ans. Dans nos impatiences quotidiennes, contemplons la grande patience du Seigneur. La patience de Dieu a pour nom miséricorde. La patience chrétienne doit prendre cette couleur de l’espérance. La douceur et l’humilité du cœur de Dieu se révèlent dans la patience et la miséricorde. L’humilité nous qualifie. La douceur et la patience qualifient nos relations. Ces trois vertus sont l’expression de la charité qui fonde l’âme de l’unité.
Tout cela est possible grâce au Baptême, à la Confirmation, car nous sommes le Corps du Christ par l’action de l’Esprit-Saint. Pour Saint Paul, c’est si important qu’il cite les trois personnes de la très Sainte Trinité, dans l’ordre de notre remontée à Dieu : « un seul Esprit, un seul Seigneur, un seul Dieu et Père ». C’est du Père que tout provient, et au Père que tout aboutit. Oui, tous nous levons les yeux vers le Seigneur, en Lui nous espérons.
Bien, avec Marie et Saint Joseph, nos modèles d’humilité, de douceur et de patience, sur le même chemin de sainteté que Louis et Zélie Martin, rendons grâce au Seigneur, car, il se fait proche de ceux qui l’invoquent et comble de sa bonté tout ce qui vit.
AMEN