19e Dimanche du Temps Ordinaire (A) 2023
13 août 2023
- Frère Jean François CROIZÉ
ACCUEIL :
Nous voici au 19ème dimanche du temps ordinaire, en ce mois d’août. Et nous n’oublions pas que, le mois d’août, nous fêtons deux grandes fêtes de la Vierge Marie, l’Assomption, mardi prochain, et le Couronnement de Marie au Ciel. Ce qui veut dire que le mois d’août oriente notre regard vers le Ciel, vers Dieu, par Marie. Demandons à Marie de prendre conscience que notre demeure est au Ciel. Le Seigneur vient nous y préparer par, justement, le sacrement de l’Eucharistie et de la Réconciliation qui sera proposé demain.
HOMÉLIE :
Chers frères et sœurs, avant de pouvoir dire : « vraiment tu es Fils de Dieu », par combien, je dirais d’épreuves, ou de rencontres personnelles avec le Seigneur faut-il faire ? On voit bien dans ces trois lectures que nous avons affaire à des passages dans la vie de chacun. Or, ça s’adresse à nous. Êtes-vous découragés ou dans l’inquiétude ? S’il en est ainsi, la Parole de Dieu est pour vous. Êtes-vous heureux et dans la louange ? La Parole de Dieu est aussi pour vous.
Aujourd’hui, l’Écriture Sainte nous présente trois hommes : Élie dans la première lecture, Paul dans la deuxième, et Pierre dans l’Évangile. On pourrait parler aussi du psaume, mais ce serait un peu long. Trois forts caractères, dans trois moments de détresse, le doute, la peur, la tristesse, et dans le revers d’un succès. Trois conceptions de Dieu qui vont être purifiées par l’épreuve d’un échec, purification de leur foi dans trois lieux de rencontre, la montagne, la mer, la misère du temps.
La première lecture nous situe à un moment clé de la vocation et de la mission d’Élie. Après avoir traversé le désert, il arrive de la montagne du Carmel à la montagne de l’Horeb, dans le désert du Sinaï. Le Mont Carmel, c’est la manifestation de la gloire de Dieu. Élie a fait descendre la foudre et le feu de la justice de Dieu qui consume l’holocauste au nez et à la barbe des faux prophètes de Baal.
Le lendemain, Élie n’est plus qu’un pauvre homme fuyant la colère d’une femme, Jézabel. Élie a peur, et de la montagne du Carmel, il entame un exode qui, à travers l’épreuve de la traversée du désert, va le conduire jusqu’à l’autre montagne de Dieu, l’Horeb. Arrivé à l’Horeb, il se réfugie dans la caverne de ses peurs et la violence de ses pensées : « C’en est assez maintenant, Seigneur, prends ma vie, car je ne suis pas meilleur que mes pères. »
Le premier acte de foi se reconnait dans l’humilité. Il entendra comme un écho, un ouragan fort et violent, un tremblement de terre, la foudre et le feu. Mais cela n’était pas de Dieu, ne lui donneront pas la paix, mais le trouble et la peur. Finalement, il entendra la voix d’un fin silence, le murmure de la brise légère. A ce moment, il comprit que Dieu se révélait au profond de lui-même. Et comme Moïse au mont Horeb, il se voilera le visage avec son manteau, car tout était intérieur.
Ce n’est pas une manifestation, toute-puissante du Seigneur que l’on pourrait presque croire obtenue par le prophète lui-même qui est à la base de l’adhésion de la foi. Non, il s’agit d’une manifestation simple et discrète d’un Dieu qui vient rejoindre un homme démuni, pauvre, fragile, bien loin de celui qui paraissait aussi sûr de lui, sur le Mont Carmel.
Élie découvre que la puissance de Dieu n’est pas celle qu’il croyait. Parce qu’il a reconnu sa fragilité, parce qu’il a fait l’expérience de l’humilité, de son besoin d’être sauvé, il est maintenant fort de la force de la foi. Et il peut reprendre sa mission au service du Seigneur, comme un envoyé de Dieu.
La deuxième lecture quant à elle, propose à notre méditation ce passage de la lettre aux Romains, où Saint Paul est découragé, je dirais. Après avoir médité les huit premiers chapitres de la lettre aux Romains, où il est à l’émerveillement de la grâce, il s’interroge douloureusement sur la destinée de ses frères juifs qui, contrairement à lui, ne se sont pas convertis. Sur la route de Damas, lui, il a compris que croire au Christ n’était pas un reniement de sa foi juive. Bien au contraire, puisque Jésus accomplissait en sa personne toutes les promesses contenues dans les Écritures.
Mais, il est bien obligé de constater que la majorité de ses frères juifs ne l’ont pas suivi sur ce chemin, et que beaucoup même sont devenus ses pires persécuteurs. Quelle souffrance pour Paul qui est passé par là !
Comment Dieu pourrait-il laisser ses enfants dans un tel égarement ? Aurait-il oublié son alliance avec eux ? Aurait-il oublié cette merveilleuse promesse qu’il adressait à son peuple, par la bouche du prophète Isaïe ? Une femme pourrait-elle oublier, oublierait-elle de montrer sa tendresse à l’enfant de sa chair ? « Même si celle-là oubliait, moi je ne t’oublierai pas. » Les promesses de Dieu sont sans repentance.
Saint Paul éprouve un déchirement, s’interroge et s’inquiète. Lui aussi, d’une certaine manière, éprouve la fragilité de sa foi. Lui non plus, il ne trouvera pas son assurance dans ses propres sécurités, mais dans la fidélité même de Dieu à son alliance. Ses tourments ne se verront levés que par un acte de foi reposant uniquement sur la promesse de salut total, faite par Dieu, à tout Israël.
C’est ce qu’il exprime un peu plus loin dans sa lettre : « Car je ne veux pas, frères, vous laisser ignorer ce mystère, de peur que vous ne vous complaisiez en votre sagesse. Une partie d’Israël s’est endurcie, jusqu’à ce que soit entrée la totalité des païens. Et ainsi, tout Israël sera sauvé, comme il est écrit : ‘De Sion viendra le libérateur, il ôtera les impiétés du milieu de Jacob.’ Et voici quelle sera mon alliance avec eux lorsque j’enlèverai leurs péchés. »
Enfin, l’Évangile présente, dans la nuit et la tempête, les apôtres, et tout particulièrement Saint Pierre, paralysés par les peurs, devant ce qu’ils croient être un fantôme qui s’avance vers eux. Comme la brise légère, le Seigneur, de sa montagne, descend dans les obscurités tourmentées de ce monde pour faire retentir sa voix : « Confiance, c’est moi, n’ayez pas peur. »
Invitation à la foi qui se fonde sur la sécurité des propres paroles du Seigneur, « c’est moi », par lesquelles, Jésus ne déclare pas seulement son identité, pour se faire reconnaître, mais renvoie au mystère divin de sa personne, en faisant directement référence aux paroles à travers lesquelles Dieu s’était révélé à Moïse, sur la montagne dans le buisson ardent.
Et pour que cette foi le conduise à une rencontre authentique avec le Seigneur, Pierre devra faire l’expérience que Jésus le sauve des eaux : « Seigneur sauve-moi ! » Alors seulement sa foi se voit purifiée de toute prétention à rejoindre Dieu par ses propres moyens : « Ordonne, dit-il au Seigneur, ordonne. » Incroyable !
Ces trois personnages, d’Élie, de Paul et de Pierre, nous enseignent que pour être forte et nous libérer de tous les doutes qui parfois peuvent nous assaillir, notre foi doit reposer sur Dieu seul, en naissant de ce cri du cœur : « Seigneur, sauve-moi ! » Car pour être sauvé, il faut accepter d’être perdu. Notre foi ne peut nous conduire à une rencontre en vérité avec le Seigneur, que lorsque nous avons fait l’expérience de notre propre fragilité, à vouloir faire sa volonté, que lorsque nous nous sommes purifiés de toute prétention à vouloir nous avancer vers lui en comptant sur nous-mêmes.
Les tempêtes susceptibles de mettre en péril notre foi, et donc notre relation au Seigneur, ne manquent pas dans une vie. La victoire que nous accorde le Seigneur, n’est pas dans le fait de marcher sur les eaux des tentations qui nous assaillent, mais dans le fait de regarder Marie qui nous montre Jésus, de choisir Jésus, et d’aller vers lui. Pierre demande à Jésus non pas de marcher sur la mer, mais de venir à lui. Ce qu’il désire plus que tout c’est Jésus. Et précisément, il commence à couler parce qu’il se met à prêter plus d’attention aux évènements, qu’à la personne du Seigneur, à détourner son regard.
Notre vie est un véritable chemin de foi qui s’approfondit au fur et à mesure que nous nous dépouillons de nous-mêmes, un exode où, comme pour Élie, le Seigneur nous fait quitter nos fausses idées des sécurités, pour nous attacher à lui seul. Être fragile n’est pas un obstacle sur cet itinéraire de conversion, mais refuser de se reconnaitre tel, et de demander l’aide du Seigneur, pourrait bien en être un.
Comment ne pas penser à la Vierge Marie ? Elle en a connu des tempêtes. Dès le début, elle a dû fuir en Égypte pour protéger son enfant. Bien sûr il y a aussi l’épisode avec Joseph. Elle a beaucoup souffert de l’incompréhension de son peuple qui refusait le message de Jésus. Elle a suivi son fils jusqu’au pied de la Croix. Aujourd’hui, elle est toujours là pour nous renvoyer à son Fils, jusqu’au pied de la Croix. Aujourd’hui, elle est toujours là pour nous renvoyer au Christ. Comme dans le ciel de Pontmain, elle nous montre le chemin d’humilité, de simplicité.
Avec Marie, nous nous tournons vers le Christ. N’hésitons pas à crier : « Seigneur sauve-moi ! » Et le Christ est toujours là pour tendre la main à celui qui l’implore avec confiance. C’est toute la démarche de notre Eucharistie : « Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir, mais dis seulement une parole et je serai guéri. » Il est toujours disposé à sauver d’une phrase celui qui l’implore. Conscients de notre fragilité et de nos faiblesses, nous le supplions : « Je crois Seigneur, mais augmente ma foi. »
AMEN