1er DIMANCHE DE CARÊME (C)

6 mars 2022

  • Frère Marie-Jean BONNET Frère Marie-Jean BONNET

Homélie : Nous voilà entrés dans ce temps saint du Carême, temps d’épreuve, temps de combat, mais aussi temps de grâce.
Temps d’épreuve, au sens où les lycéens, les étudiants vont d’ici quelques semaines, quelques mois, être mis à l’épreuve, c’est-à-dire faire leurs preuves, prouver qu’ils ont une maitrise suffisante des matières qu’ils ont travaillées.
Dans l’épreuve du Carême est mise à l’épreuve la qualité de notre attachement au Seigneur. Est-ce que je l’aime, un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, ou pas du tout, malgré les apparences, peut-être ? Il s’agit de faire la vérité avec moi-même, avec moi-même…, tester -on parle beaucoup de tests aujourd’hui- mais le Carême c’est un test. Il s’agit de tester si mon lien au Seigneur est profond ou superficiel, constant ou intermittent. Car nous savons par expérience combien il est facile de s’installer dans une vie chrétienne pépère, confortable, qui se donne bonne conscience en se contentant du minimum, « je suis en règle », nous installer dans une routine spirituelle où le sel s’affadit et ne sert plus à rien. Ça nous menace tous, même nous religieux, s’installer, se contenter, voilà, s’arrêter.
Temps de mise à l’épreuve à la suite du peuple de Dieu au désert, dépouillé de ses sécurités, ce n’est que quoique dans l’esclavage, au bout d’un certain temps dans le désert, le peuple récrimine parce qu’il n’a plus d’oignons, de poireaux et de tomates. Vous vous rendez compte ! Ben oui, dépouillé de ses sécurités pour lui permettre, ce peuple de Dieu, de découvrir un Dieu qui l’accompagne toujours, un Dieu qui est fidèle, un Dieu qui est Père, un Dieu qui prend soin de lui.
Temps de mise à l’épreuve pour suivre Jésus au désert, pas d’autre modèle que Jésus, nous le regardons, nous essayons de le suivre, oui, suivre Jésus au désert et nous laisser dépouiller de nos fringales d’avoir, de savoir, car il y a des fringales de savoir aussi qui sont désordonnées, fringales de pouvoir, tout savoir et savoir tout de suite, tout de suite ce qu’il se passe, partout. C’est de la fringale.
Temps de mise à l’épreuve qui devient souvent un temps de combat, combat contre nos tentations. Je dis nôtres, parce qu’on est largement complices. Oui, bien sûr que l’adversaire il est toujours derrière notre dos, j’allais dire, mais enfin il y a tant de complicités en nous qui sont prêtes à lui tendre l’oreille, tant de combats, oui, car ce n’est pas facile de remettre en question nos habitudes, nos paresses, ou d’activisme, nos habitudes de bavardage, ou de mutisme, de gaspillage ou d’avarice. Pas facile de donner du temps à Dieu ou plus exactement de lui en rendre un petit peu, car c’est quand même Lui qui nous donne le temps d’abord, il ne faut pas l’oublier, de donner un peu de temps à Dieu, du temps aux autres, de se donner.
En regardant les tentations du Christ au désert, nous remarquons qu’elles ont en commun d’être des tentations de fuite du réel. Dans les trois tentations, le démon invite Jésus à fuir un réel difficile, sa condition humaine d’abord tout simplement. Voilà, il voudrait qu’Il fasse de la magie pour échapper à sa condition humaine, et puis surtout Le détourner de sa Mission de serviteur souffrant. Jésus est Roi. Jésus doit rassembler, récapituler toutes choses bien sûr, pour offrir ce monde à son Père, mais dans la sagesse de Dieu, du Père, du Fils et de l’Esprit, cette œuvre de récapitulation de salut d’abord, eh bien, passe par l’anéantissement du Christ. Et le démon veut Lui proposer une autre voie, plus facile, oui, le détourner de sa Mission de serviteur souffrant pour obtenir en douceur la victoire, ce serait tellement plus mieux.
Pour nous aussi, la tentation a souvent le visage de l’attrait pour ce qui est facile, et la fuite du réel de notre vie, fuite de mes responsabilités, dans ma famille, que ce soit parents ou enfants parce que les enfants et les jeunes ont aussi des responsabilités dans la famille, voilà, responsabilité d’un bien commun qu’il y ait de l’ordre, de la propreté de la maison ou est-ce que je laisse traîner mes affaires partout, je salis aussitôt que ça a été nettoyé.
Tout ça, c’est de l’ordre de l’attention à l’autre, du respect du bien commun, fuite de mes responsabilités dans ma famille, dans ma communauté, dans mon travail, fuite dans le cadre des relations, fuite du dialogue, fuite du pardon à demander, fuite de la rencontre du Seigneur par une boulimie d’activité avec les meilleures raisons du monde bien sûr, boulimie d’activités, de divertissements, eh bien oui, il faut bien se détendre quand même, boulimie de divertissements, fut-ce des lectures. Tant de combats oui, mais aussi tant de Grâces, parce que la Grâce de Dieu nous y est toujours offerte pour sortir vainqueur avec Jésus de l’épreuve, et croitre ainsi dans l’Amour de Dieu ; oui mise à l’épreuve et prouver qu’en Le choisissant, en Le préférant, en L’écoutant, en Le suivant, eh bien, effectivement, nous L’aimons, plus que nous-mêmes. « Ma Grâce te suffit, ma Puissance se déploie dans ta faiblesse » dit Jésus à Saint Paul dans son épreuve.
Temps de grâce et de victoire, si nous savons, avec Jésus nous armer de la Parole de Dieu. Il y a bien sûr le Christ. Nous le voyons, il n’y a pas d’autre arme envers le démon. Est épinglée la Parole de Dieu. C’est pour ça qu’à la fin le démon essaie même de se servir de cette Parole pour Le détourner. Mais Saint Paul aussi, il est écrit, que dit l’Écriture ? Voila des hommes pétris de l’Écriture. Ils ont vraiment, comme disait le Deutéronome, la Parole de Dieu dans leur cœur et dans leur bouche.
Oui, eh bien, nous aussi, c’est en nous nourrissant tous les jours de cette Parole de Dieu, qu’elle deviendra, comme pour Jésus, qu’elle sera dans notre cœur, dans notre bouche, lumière et force pour résister aux mensonges de l’adversaire.
Temps de Grâce et de victoire si nous savons, à la suite du peuple hébreu reconnaitre et faire souvent mémoire, pendant ce temps spécialement, faire mémoire des bienfaits du Seigneur dans notre vie, des grâces innombrables dont Il nous a déjà comblés, de la fidélité de son Amour premier et inconditionnel qui nous pardonne et nous recrée inlassablement.
C’est le sens de l’Eucharistie que nous vivons, et chaque Eucharistie est l’occasion, avec la prière de l’Église, celle du Christ, de son Église, de faire mémoire de toute l’œuvre du Salut de Dieu, d’accueillir sa grâce au présent pour mieux répondre et coopérer à cette œuvre du salut des hommes, au salut de ce monde d’aujourd’hui, et nous savons combien il y a d’hommes, de femmes et d’enfants dans la détresse, dans l’angoisse, qui vivent des combats matériels meurtriers, et des combats psychologiques aussi, moraux terribles. Dans ces situations, la liste serait trop longue bien sûr. Il y a l’Ukraine, mais tant d’autres pays qui sont aussi éprouvés par la guerre, par ces massacres.
Alors est-ce que nous allons baisser les bras, nous enfermer dans notre petit confort spirituel ? Non, c’est l’heure du combat spirituel, car c’est le combat qui a le plus de chance de gagner, ce sont les armes que le Seigneur nous donne, ce combat spirituel qu’Il nous donne contre la puissance des ténèbres.
Alors Marie est là, ne L’oublions pas, mère et associée parfaite du Rédempteur, Notre Dame des Victoires, des victoires parce que justement, Elle s’est associée parfaitement à l’œuvre de son fils. Eh bien, Elle nous soutient nous aussi dans ce combat spirituel. Prions-La. Amen.