23ème Dimanche du Temps Ordinaire C 2022
4 septembre 2022
- Frère Philippe-Marie VAGANAY
INTRODUCTION : Voilà, nous souhaitons la bienvenue au groupe de l’Emmanuel de la Mayenne qui anime cette messe. Merci beaucoup. Bienvenue à la communauté « Vie Chrétienne » de l’Anjou. Bienvenue à André (le diacre qui officie), bien connu, et puis au père Dominique Tessier du diocèse de Rennes.
Eh bien, frères et sœurs, au seuil de la célébration de ce mystère de l’Eucharistie, reconnaissons humblement que nous avons péché.HOMÉLIE : Comment bien vivre, comment bien accomplir sa vie ? C’est la question que se pose chaque civilisation. C’est la question de la recherche de la sagesse, la sagesse étant comprise comme étant la connaissance expérimentale de ce qui rend heureux ou malheureux. C’est la recherche d’un art de vivre, en quelque sorte.
Le Livre de la Sagesse, qui est le tout dernier Livre de l’Ancien Testament, écrit environ 70 ans, 50 ans avant la naissance du Christ, probablement à Alexandrie.
Alexandrie, ville cosmopolite, était certainement à l’époque la capitale de l’intelligence. La bibliothèque d’Alexandrie aura été sans doute la plus riche du monde en son temps, et son incendie aura été une catastrophe considérable pour la culture de l’humanité.
Les juifs d’Alexandrie étaient confrontés à tous les courants d’idées qui avaient cours, et qui remettaient en question leur foi.
L’auteur du Livre de la Sagesse vient alors faire prendre conscience à ses frères dans la foi, que, par rapport aux recherches philosophiques, l’apport de la Bible est tout à fait original. Il tient en deux points :
– Premièrement, Dieu seul connait les secrets du bonheur de l’humanité. Par conséquent, l’homme qui prétend découvrir les secrets du bonheur par lui-même s’engage immanquablement sur de fausses pistes : c’est toute la leçon du Jardin d’Eden. Vouloir faire son bonheur sans Dieu est le meilleur moyen de faire son malheur.
– Le deuxième point, c’est que Dieu vient révéler à son peuple d’abord, et pour toute l’humanité ensuite, ce secret du bonheur. C’est quand nous reconnaissons notre impuissance que Dieu Lui-même nous révèle ce que nous ne pouvons pas découvrir tout seuls. Il nous donne son Esprit : « Qui aurait connu ta volonté, si tu n’avais pas donné la sagesse et envoyé d’en haut ton Esprit Saint ? », avons-nous entendu dans la première lecture.
C’est pourquoi le psalmiste prie ainsi : « Apprends-nous la vraie mesure de nos jours, que nos cœurs pénètrent la Sagesse ».
La vraie mesure de nos jours, c’est notre fragilité, notre vulnérabilité. Le psalmiste compare la durée de la vie humaine à celle de l’herbe : « une herbe changeante, qui fleurit le matin et qui change, mais le soir se fane et se dessèche. » Il est bien vrai que notre fragilité, notre précarité devraient nous rendre humbles. Mais cette conscience de la petitesse de l’homme n’est jamais humiliante puisqu’on est dans la main de Dieu : c’est une petitesse confiante, filiale, assurée de l’amour du Père, nous révèle l’Écriture. C’est bien ce qu’avait compris Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, et qui en a fait « sa petite voix ».
L’Évangile nous fait aller encore plus loin. Il nous révèle que cette sagesse que recherchent les hommes est beaucoup plus qu’un art de vivre. Cette sagesse, c’est une Personne, c’est Quelqu’un, c’est Jésus Lui-même.
Jésus vient nous dire que, par nous-mêmes, il nous est impossible d’être son disciple, d’être le disciple de la Sagesse éternelle. Pourquoi ? Eh bien, c’est Saint Paul qui nous le dira : La Sagesse de Dieu est folie pour les hommes.
De grandes foules faisaient route avec Jésus. Quel est le terme de cette route ? C’est Jérusalem, où il va être trahi, livré, abandonné, torturé, et mis à mort sur une croix.
Et à ce moment là, Jésus nous pose la question : « Êtes-vous capables de me suivre jusque là ? »
D’où son affirmation tranchante : « Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher à ma suite, ne peut pas être mon disciple ». Pour marcher à la suite de Jésus, il faut porter sa croix, nous dit-il. Son message est sans concession. Les deux petites paraboles de la tour à construire, et du roi qui part à la guerre nous disent bien ce qu’est la vie chrétienne, c’est « construire » et « combattre » : deux entreprises risquées qui demandent réflexion et persévérance, deux entreprises qui exigent prévision, organisation, énergie. Au moment où les Évangiles ont été rédigés, recevoir le Baptême, c’était prendre un ticket pour le martyre. Jésus nous pose la question : êtes-vous prêts à renoncer à tout, à vos parents, vos amis, votre conjoint, et même à votre vie pour Moi ? Jésus nous invite à nous asseoir pour réfléchir à cela : on ne suit pas Jésus dans la facilité. Celui qui n’est pas prêt à aller jusqu’au bout ferait mieux de ne pas commencer. Renoncer à tout pour Jésus. L’invitation à ce dépouillement radical, à cette pauvreté, n’est pas un « conseil » réservé à quelques super-chrétiens, moines ou moniales…, c’est une condition de toute vie chrétienne, nous dit Jésus.
Oui, cette sagesse de Dieu est bien folie pour les hommes, et là encore il nous faut, pour y entrer, l’Esprit Saint, envoyé d’En-Haut. Il nous faut, pour vivre cette sagesse, nous appuyer résolument sur la grâce plutôt que sur nos ressources humaines.
Au retour des vacances où nous avons à faire des bilans, calculer, prévoir pour nos entreprises humaines, cette invitation de Jésus arrive à point. Jésus passe-t-il en premier dans ma vie, dans mes choix ? Habite-t-il chacune de mes activités, chacune de mes occupations ? A quoi suis-je prêt à renoncer pour Lui ?
Que la grâce de cette Eucharistie nous aide à faire le point, et nous permette, dans notre pauvreté, à nous déterminer pour le Christ, à marcher à sa suite, quoi qu’il en coûte, et à Le rayonner à travers notre vie donnée. AMEN.